Intervention de Rudy Salles

Séance en hémicycle du 12 janvier 2016 à 15h00
Débat sur les politiques publiques en faveur de la mixité sociale dans l'éducation nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons cet après-midi d’un thème qui me tient particulièrement à coeur puisque je suis l’auteur, aux côtés d’Yves Durand, du rapport sur l’évaluation des politiques publiques en faveur de la mixité sociale dans l’éducation nationale, qui est l’objet de nos discussions. Nous avons éprouvé beaucoup d’intérêt et pris beaucoup de plaisir à étudier ce sujet dans le détail et à essayer de transcender les clivages traditionnels pour essayer d’aller à l’essentiel, c’est-à-dire favoriser la réussite de nos enfants.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour vous dire, madame la ministre, que nous regrettons que vous n’ayez pas attendu la publication de notre rapport pour formuler vos propositions en matière de mixité sociale. Je trouve que c’est un mauvais signe envoyé aux représentants de la nation quant à leur travail.

L’institution scolaire est un prisme au travers duquel peuvent être abordés tous les problèmes de la société. Qu’il s’agisse du respect de la laïcité, de l’idéal démocratique ou de l’égalité des chances, l’école est au coeur de la plupart des enjeux contemporains. Encore récemment, l’étude de l’Institut national d’études démographiques – l’INED – et de l’Institut national de la statistique et des études économiques – l’INSEE – intitulée « Trajectoires et origines : enquête sur la diversité des populations en France » montre que, si 59 % des garçons de la population majoritaire sont bacheliers, seuls 48 % des enfants d’immigrés obtiennent ce diplôme – 26 % seulement pour les parents originaires de Turquie, 40 % pour l’Afrique sahélienne et 41 % pour l’Algérie.

Ces chiffres soulignent, s’il le fallait encore, la faillite de l’école républicaine à garantir l’égalité des chances sans distinction d’origine ou de condition sociale.

Pour combattre cette réalité, la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a confié une nouvelle mission au service public de l’éducation : veiller à la mixité sociale des publics scolarisés dans les établissements d’enseignement. Le défi est grand, car l’un des facteurs prépondérants à l’absence de mixité à l’école est d’abord la ségrégation résidentielle. Plus celle-ci est marquée, plus les établissements scolaires sont ségrégués même si, il faut le souligner, de grands progrès ont été accomplis grâce en particulier au programme national de rénovation urbaine lancé en 2003 par Jean-Louis Borloo.

Une fois le constat posé, quels peuvent être les remèdes pour que notre école redevienne un modèle d’intégration et de progrès ? J’estime pour ma part que le premier écueil serait de concentrer les débats autour de la carte scolaire. En effet, la réponse aux phénomènes de ségrégation se trouve ailleurs, notamment dans la réforme des pratiques pédagogiques et la révision du modèle d’allocation des moyens. Mes collègues du groupe UDI et moi-même restons convaincus que lorsque les équipes pédagogiques sont soudées, fortes et travaillent dans la durée, avec un chef d’établissement qui joue un rôle de manager, tant l’ambiance que les résultats sont satisfaisants ; nous avons pu le remarquer dans de multiples établissements.

Nous proposons également la mise en place d’un dispositif de soutien sur le modèle de celui de l’association Coup de pouce Clé : il faut que dès le premier trimestre en cours préparatoire, l’enseignant et le chef d’établissement soient en mesure de détecter les élèves qui rencontrent les premières difficultés d’apprentissage et d’appropriation. Un enfant en difficulté dès le primaire exige une mobilisation totale de l’ensemble de la communauté éducative dont le coût est évalué à 2 000 euros par enfant. À titre de comparaison, le coût généré par un redoublement est de 5 000 euros.

Enfin, alors que nous débattons aujourd’hui de la mixité sociale, je ne pourrais conclure mes propos sans évoquer à mon tour la suppression des classes bilangues prévue par la réforme du collège. Nous vous l’avons répété à de nombreuses reprises, madame la ministre : vous faites une grave erreur en niant la réalité et le succès du dispositif des classes bilangues. Jusqu’à présent, les élèves étaient recrutés dans ces classes sans sélection, sur le seul fondement de leur motivation. C’est un fait avéré, les classes bilangues enregistraient l’inscription d’enfants de catégories sociales moyennes ou favorisées dans les collèges des zones urbaines sensibles et contribuaient largement à la mixité sociale d’un établissement. Tous les chefs d’établissement que nous avons rencontrés dans les quartiers difficiles regrettent unanimement cette mesure.

Mes chers collègues, l’absence de mixité a des conséquences terribles. Non seulement elle oblige les professeurs à diminuer leurs exigences pédagogiques, mais elle a aussi pour conséquence de cliver la société. Alors que nous commémorons les terribles attentats qui ont frappé notre pays au mois de janvier 2015, on ne peut passer sous silence le fait que l’absence de mixité sociale au collège et au lycée est un des meilleurs terreaux de la radicalisation.

Madame la ministre, soyez certaine que les députés du groupe UDI seront vigilants quant à vos nouvelles promesses. Je pense en particulier à l’association du secteur privé, chez lequel j’ai pu constater une réelle volonté de participer à la bataille pour la mixité.

2 commentaires :

Le 14/01/2016 à 10:49, laïc a dit :

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"enquête sur la diversité des populations en France » montre que, si 59 % des garçons de la population majoritaire sont bacheliers, seuls 48 % des enfants d’immigrés obtiennent ce diplôme – 26 % seulement pour les parents originaires de Turquie, 40 % pour l’Afrique sahélienne et 41 % pour l’Algérie.

Ces chiffres soulignent, s’il le fallait encore, la faillite de l’école républicaine à garantir l’égalité des chances sans distinction d’origine ou de condition sociale."

Ces chiffres montrent aussi la faillite du système politique qui, à l'instar de cette intervention, prétend garantir l'égalité des chances sans distinction d'origine ou de condition sociale en mettant justement en exergue l'origine des parents d'élèves et leur condition sociale... Bonjour la contradiction.

D'ailleurs les statistiques ethniques sont interdites en France, ne pourrait-on pas respecter la loi dans le lieu où elle se fait ? Ce serait montrer un bon exemple aux citoyens, lesquels se demandent de plus en plus à quoi cela sert d'aller voter, puisque le résultat de leur vote n'amènera pas de toute façon au pouvoir des gens respectueux des lois pour la création desquelles ils ont été élus.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 14/01/2016 à 10:59, laïc a dit :

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"C’est un fait avéré, les classes bilangues enregistraient l’inscription d’enfants de catégories sociales moyennes ou favorisées dans les collèges des zones urbaines sensibles et contribuaient largement à la mixité sociale d’un établissement. "

En effet, comment oser prêcher la mixité sociale si les rares mesures incitatives garantissant une mixité sociale intelligente et sur des bases culturelles positives sont annulées ? C'est d'un grotesque achevé.

De toute façon, la France est un pays de liberté : on n'a pas à être scolarisé là où on ne veut pas. C'est un procédé dictatorial que d'imposer obligatoirement un collège à quelqu'un qui n'en veut pas.

Pol Pot, au Cambodge, en 1975, envoyait les citadins éduqués dans les campagnes par souci d'égalité prolétarienne, par souci de mixité sociale, on a vu le résultat que cela a donné. On ne veut pas de ça pour la France, pays des droits de l'homme et de la responsabilité citoyenne, et non pas celui du moutonnisme avilissant et destructeur.

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