Intervention de François-Michel Lambert

Réunion du 15 janvier 2013 à 16h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Vous auriez pu vous abstenir, monsieur Saddier, de déformer les propos de notre ministre comme vous venez de le faire.

Les commissions d'enquête et les missions d'information constituées après chaque scandale sanitaire ont mis en lumière les mêmes mécanismes, à l'oeuvre depuis plus d'un siècle : des expertises publiques influencées par les liens d'intérêt entretenus par certains experts avec la firme à l'origine du produit ou du médicament incriminé ; des « lanceurs d'alerte », simples citoyens, ouvriers, chercheurs, praticiens, qui ont tiré la sonnette d'alarme bien avant que les pouvoirs publics n'agissent, et qui se sont trouvés en butte à l'intimidation et à la calomnie, « placardisés », voire licenciés.

Ce sont ces mécanismes qui expliquent que de simples dysfonctionnements entraînent finalement des pathologies, des décès, une perte de confiance de la société dans la science et dans la politique, et des dommages nécessitant des réparations de plusieurs milliards d'euros. Le but de la proposition de loi est d'assurer que les lieux de décision seront préservés des conflits d'intérêts, que les alertes seront prises en compte et que ceux qui les émettent ne seront pas pénalisés. Le coût d'une Haute Autorité pour l'indépendance de l'expertise, que la proposition de loi prévoyait dans sa rédaction initiale, est à comparer aux centaines de millions que la France engloutit chaque année pour pallier les dégâts des scandales sanitaires.

Le texte adopté au Sénat institue une Commission nationale de la déontologie et de l'alerte en matière de santé et d'environnement, qui pourra notamment émettre et diffuser des recommandations générales sur les principes déontologiques propres à l'expertise ; être consultée sur les codes de déontologie adoptés par les établissements et organismes publics de ces deux secteurs ; transmettre les alertes aux ministres compétents ; identifier les bonnes pratiques et proposer des dispositifs pour le dialogue entre les organismes scientifiques et la société civile sur les procédures d'expertise et sur les règles de déontologie s'y rapportant ; établir un rapport annuel au Parlement et au Gouvernement évaluant les suites données aux avis qu'elle aura rendus.

Un lanceur d'alerte n'est pas quelqu'un qui se serait lui-même investi d'une mission au sein de son entreprise ou de son laboratoire ; c'est un chercheur ou un salarié qui, au hasard de sa vie professionnelle, se trouve confronté à un risque qu'il identifie comme sérieux et qu'il ne parvient pas à faire prendre en compte. Avant l'automne 2011, aucune disposition ne permettait de protéger ces personnes des mesures de rétorsion dont elles sont parfois victimes sur leur lieu de travail. La loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, adoptée à la suite du scandale du Mediator, a certes organisé un début de protection, mais sa portée est restreinte : elle vise des produits limitativement définis et ignore les cas d'alerte environnementale. Cette proposition de loi vise donc à combler les lacunes des textes actuellement en vigueur.

Le texte adopté définit le lanceur d'alerte. À l'issue d'une concertation avec les syndicats, il élargit les prérogatives des comités d'hygiène et de sécurité des conditions de travail et étend les obligations d'information à la charge des employeurs. Il renforce le principe de non-discrimination en faveur des lanceurs d'alerte inscrit dans le code du travail et l'introduit dans le code de la santé publique.

Loin d'ouvrir la boîte de Pandore des vocations d'« alerteurs », le texte définit un protocole raisonné d'alerte, sanctionne les dérives et préserve de tous excès passionnels ou médiatiques. Le Sénat en a adopté une version largement remaniée, mais la complexité de sujets touchant aux compétences de quatre ministères nécessite encore un travail auquel nous entendons bien contribuer.

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