Intervention de Cécile Duflot

Séance en hémicycle du 14 janvier 2016 à 15h00
Ancrage territorial de l'alimentation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Duflot :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la question est simple : et si on mangeait local, bio et de qualité ? C’est une aspiration de plus en plus forte des Français, qui en ont compris l’intérêt à la fois économique, sanitaire et environnemental.

Une pétition de plus de 110 000 signatures soutient la proposition de loi qui a été présentée par Brigitte Allain, car relocaliser la production est tout d’abord extrêmement favorable à l’emploi local, première préoccupation des Français. Je tiens à rappeler qu’un hectare cultivé de manière biologique crée deux fois plus d’emplois qu’un hectare cultivé de manière conventionnelle. Les circuits courts sont capables de susciter de nouvelles filières de transformation et de distribution et de créer du lien social entre le producteur et le consommateur dans une société qui en manque cruellement. Le travail de qualité du producteur est valorisé. Le consommateur est satisfait et l’économie locale est revivifiée. De plus, l’expérience montre que les producteurs biologiques et ceux qui pratiquent les circuits courts sont moins touchés par les crises.

L’agriculture durable et de proximité est également plus protectrice des sols, des réserves en eau et du climat, car elle limite le recours aux produits phytosanitaires, préserve les ressources naturelles et respecte le vivant. Une alimentation, comme le propose ce texte, mieux ancrée dans son territoire, ce sont moins de camions sur les routes, moins de polluants dans nos sols et moins d’atteintes à la biodiversité.

Manger bio, local et de qualité protège enfin notre santé. En effet, l’épidémie de maladies chroniques à laquelle notre pays est confronté n’est pas sans lien avec la détérioration de la qualité de notre alimentation. Or les produits de l’agriculture biologique présentent des qualités nutritives et sanitaires bien supérieures aux produits standards. Ils nous évitent d’ingérer des produits phytosanitaires, des antibiotiques, des OGM et des hormones. De plus, les circuits courts diminuent le recours aux procédés de conservation, dont la nocivité a été démontrée, ainsi que les risques, en termes de traçabilité et de fraude, que l’affaire de la viande de cheval nous a sinistrement rappelés. Partout, en France et dans le monde, la question de la qualité de l’alimentation et celle de son lien avec le territoire prennent de l’ampleur. Nombre de collectivités locales s’en sont emparées.

Manger local, manger mieux, manger bio, manger des produits de saison et de qualité doit être accessible à tous dans notre pays. Or quel meilleur vecteur que la restauration collective, qui sert en France 11 millions de repas par jours, s’adresse souvent à des publics fragiles comme les personnes âgées, les enfants et les jeunes, et a toujours eu, historiquement, dans notre pays, une vocation sociale ? Avec près de 3 milliards de repas servis en France chaque année par la restauration collective, le restaurant scolaire, d’entreprise ou d’établissement public est un lieu idéal et facile de démocratisation de la nourriture de qualité.

Nous voici donc aujourd’hui réunis pour débattre de mesures pragmatiques, accessibles et efficaces pour activer ce levier. Je salue ma collègue Brigitte Allain pour le travail acharné qu’elle a mené depuis plusieurs années pour défricher le sujet, en préparer la traduction législative conjointement avec le ministère de l’agriculture – je vous en remercie, monsieur le ministre – et des parlementaires de tous les bords, construire une mobilisation associative et citoyenne allant jusqu’à saturer nos boîtes mail – chacun ici peut en témoigner – et, surtout, nous et vous convaincre, mes chers collègues. Le tout dans une période où notre pays est en proie à une crise démocratique sévère que nous, députés, ne pouvons plus nier.

« À quoi servent les politiques ? » entend-on souvent sur le terrain… Eh bien, ce texte constitue justement une réponse. Une telle initiative parlementaire, madame Allain, est capable de réconcilier les Français avec les politiques car elle touche à leur quotidien immédiat. Elle est capable de rassurer les Français car elle leur dessine un monde meilleur pour eux, leurs enfants et les générations futures. Elle est capable d’apaiser notre pays car elle propose des solutions concrètes aux problèmes qui le préoccupent au premier chef – l’emploi, la santé, l’environnement –, problèmes qui sont évidemment liées.

Cette ambition de 40 % de produits locaux, de saison, bio et de qualité dans les cantines est à notre portée. Elle a été esquissée lors du Grenelle de l’environnement, partagée par le Président de la République actuel et rappelée par le Premier ministre lors de la Conférence environnementale. L’heure est venue de passer à l’action. Tous les Français veulent une alimentation plus durable. En votant pour ce texte, vous saisirez une formidable occasion d’engager la restauration publique et d’accompagner la restauration privée dans cette très bonne direction.

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