Intervention de Jean-Noël Carpentier

Séance en hémicycle du 14 janvier 2016 à 15h00
Ancrage territorial de l'alimentation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Carpentier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, chers collègues, permettez-moi tout d’abord de féliciter la rapporteure pour cette belle proposition de loi. Depuis longtemps, chaque fois que les médias s’intéressent à la question de l’ancrage territorial de l’alimentation et relatent la provenance invraisemblable des aliments entrant dans les menus de nos enfants à la cantine, nous sommes éberlués. Comment en sommes-nous arrivés là ? Est-ce inéluctable ? Alors que la France possède une agriculture puissante et que sa gastronomie est reconnue dans le monde entier, la pression sur les coûts aboutit à la recherche d’aliments toujours moins chers et donc de moins bonne qualité.

Aujourd’hui, 70 % de la viande consommée dans les cantines françaises est importée quand 70 % de la viande consommée dans les cantines allemandes provient d’Allemagne. Alors même que les filières françaises de viande et de bétail sont parmi les meilleures du monde, nous sommes en recul. Les cantines et restaurants de l’Assemblée nationale proposent des kiwis bios du Chili ou de Nouvelle-Zélande alors que les kiwiculteurs français sont parmi les meilleurs. Dans les cantines de certains départements du sud-ouest, cher à notre groupe parlementaire, départements dont on connaît l’appétence pour les bonnes choses, on servait aux enfants, il y a quelques mois encore, tenez-vous bien, du lapin chinois ! Non, mes chers collègues, ce n’est pas un canular. Le lapin chinois ne coûte quasiment rien. Il permet de réduire au maximum le prix des menus.

Or, la généralisation de ces pratiques à l’échelle de la France provoque une crise structurelle chez nos paysans, avec des phases aiguës et douloureuses pour les plus fragiles. Voilà à quoi aboutit la logique de l’industrialisation extrême de notre agriculture mondialisée et d’une économie fondée sur un libéralisme totalement dérégulé. On va finir par marcher sur la tête.

Malheureusement, les exemples comme celui du lapin chinois ne sont pas isolés : Mme la rapporteure pourrait probablement en citer de nombreux autres, tout aussi extravagants. Il s’agit donc maintenant de dépasser le stade du constat : tel est l’objectif de votre proposition de loi, madame la rapporteure. Depuis plus d’un an, vous vous consacrez à un travail de fond comme rapporteure de la mission parlementaire d’information sur les circuits courts et la relocalisation des filières agroalimentaires créée en novembre 2014. Des dizaines d’heures d’auditions, une liste des personnes auditionnées impressionnante, des visites effectuées partout en France : le rapport que vous avez remis en juillet 2015 est excellent et fait autorité.

Sa lecture permet de comprendre la complexité technique et juridique du sujet, qu’il a fallu maîtriser pour aboutir à une proposition de loi, à la fois ambitieuse et solide au plan juridique, visant à favoriser la relocalisation de notre alimentation. Vous avez formulé quarante-neuf propositions déclinées aux niveaux européen, national et local, dont certaines sont audacieuses et beaucoup sont très attendues tant par nos paysans que par nos concitoyens.

Toutes ces propositions ne relèvent pas du domaine législatif, mais vous avez réussi à extraire les plus importantes pour construire la remarquable proposition de loi qui arrive aujourd’hui dans cet hémicycle.

Madame la rapporteure, relocaliser l’alimentation en passant par un encadrement de la restauration collective publique et privée est un objectif louable et déjà ancien. La loi Grenelle 2 de 2009 contenait des mesures en la matière, puis il y eut divers plans visant à encourager les circuits courts et un très bon travail de l’actuel gouvernement et du ministre de l’agriculture pour sensibiliser les collectivités locales.

Monsieur le ministre, l’engagement de l’État est utile, mais la principale faiblesse de ce travail gouvernemental réside dans le caractère facultatif des mesures adoptées. Vous croyez dans les bonnes volontés : tant mieux ! Mais vous n’avez pas passé le cap de l’inscription dans la loi d’obligations et de sanctions.

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