Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 14 janvier 2016 à 15h00
Suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Comme vous venez de le dire, madame la rapporteure, la jeunesse a été érigée en priorité du quinquennat, et nous avons une fois encore l’opportunité de montrer que cette priorité se traduit en actes, car interdire la publicité commerciale dans les programmes dédiés aux enfants de moins de douze ans et autour, c’est avant tout protéger la jeunesse.

Les conséquences de la publicité sur la santé psychique et physique des enfants sont indéniables.

Les troubles liés à l’alimentation en sont un premier exemple. La publicité pour les produits alimentaires concerne en effet essentiellement des produits connus pour être trop gras, salés ou sucrés. On le sait, les habitudes de grignotage s’installent très vite, première étape vers la malbouffe, l’obésité, voire la boulimie. Il y a en outre un facteur d’inégalité sociale qu’il convient de souligner, car ceux qui regardent le plus la télévision et qui sont plus sujets à l’obésité sont issus des milieux défavorisés.

Certes, le but des annonceurs n’est pas de renforcer les risques d’obésité ou de boulimie, mais il est vrai que les enfants constituent une cible de choix car ils sont particulièrement perméables à leurs messages.

Cibler les jeunes, c’est fidéliser une clientèle dès le plus jeune âge. Cibler les jeunes, c’est s’adresser aux prescripteurs familiaux des achats réalisés.

Le facteur caprice, théorisé par les publicitaires dans les années 80, en est l’illustration extrême. Or, lorsque les parents cèdent à ce caprice, les enfants se retrouvent dans une situation d’angoisse, confrontés à une toute-puissance sans fondement qu’ils ne savent pas gérer.

En outre, les enfants de moins de douze ans sont d’autant plus perméables aux messages diffusés qu’ils ne sont pas capables d’identifier ce qui relève de la publicité, de l’information ou de la fiction. Ils prennent au premier degré le monde tel qu’il leur est proposé. La confusion est aggravée par l’apparition des personnages de dessins animés dans les publicités.

Ce manque de discernement est également problématique compte tenu des valeurs promues à travers les publicités : individualisme, compétition, stéréotypes de genre.

Enfin, autre effet notoire dont il faut mesurer la gravité, l’attention est morcelée, ce qui peut générer des troubles de l’attention, avec les conséquences que l’on connaît sur la scolarité.

C’est pourquoi protéger les enfants de moins de douze ans des effets psychiques et physiques de la publicité relève d’un impératif et, par là même, des missions de service public confiées à France Télévisions.

C’était le sens de la proposition de loi débattue et adoptée au Sénat grâce à un soutien transpartisan et à l’excellent travail de mes collègues André Gattolin et Corinne Bouchoux, c’était le sens cette proposition de loi dans sa version initiale, celle présentée en commission fin décembre pour les écologistes par Michèle Bonneton, et c’est donc le sens des amendements que nous vous proposerons d’adopter.

Soutenue par 71 % de l’opinion publique, cette réforme a une utilité publique que nul ne peut remettre en question en conscience.

Le prétendu argument économique selon lequel une telle interdiction nuirait aux entreprises françaises ne tient pas. Cela a été dit, ces publicités font avant tout la promotion de produits de marques qui appartiennent à des multinationales et ne sont pas réalisés par l’artisanat français.

Quant à l’argument sur les conséquences pour le financement de France Télévisions, il faut là aussi être très clair. Les pertes pour le groupe sont estimées à un montant compris entre 7 et 20 millions, ce qui d’ailleurs représente peu au regard du budget global de France Télévisions, du montant de la CAP ou encore de la part de la taxe Copé fléchée sur l’audiovisuel public, mais, surtout, la protection des enfants de moins de douze ans relevant, me semble-t-il, des missions de service public de France Télévisions, il serait paradoxal et même grave de ne pas lui en donner les moyens.

Cela m’amène à l’autre enjeu de taille auquel il convient de s’atteler, enfin, la question du financement de l’audiovisuel public, qui revient inlassablement chaque année.

Oui, il est grand temps de donner réellement et définitivement à l’audiovisuel public les capacités financières de travailler dans de bonnes conditions, et ce de façon pérenne.

Outre la question de la réinternalisation d’une partie de la production et du financement par la création, des pistes existent : augmenter la part de la taxe Copé fléchée sur le financement de l’audiovisuel public, faire évoluer la contribution à l’audiovisuel public vers une contribution forfaitaire universelle, ou réintroduire en soirée la publicité, sans revenir pour autant à une invasion sans limite et sans éthique.

Des rapports très sérieux existent déjà à ce propos – je pense notamment à celui remis récemment par André Gattolin et Jean-Pierre Leleux.

Le temps est donc aux décisions, et non à la transformation de cette proposition de loi en un énième rapport sur le financement de l’audiovisuel public. Renvoyer aux calendes grecques cette réforme, alors que personne n’en conteste le bien-fondé et que, de toute façon, la question du financement de France télévisions doit être tranchée n’est pas raisonnable.

Pour conclure, permettez-moi d’espérer que la protection des enfants de moins de douze ans contre les effets physiques et psychiques de la publicité commerciale sera bien l’enjeu qui animera nos votes lors des discussions sur les amendements de cette proposition de loi.

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