Intervention de Suzanne Tallard

Réunion du 15 janvier 2013 à 16h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSuzanne Tallard, rapporteure pour avis :

La commission m'a désignée le 18 décembre dernier, à la veille d'une période peu propice à l'activité parlementaire. J'ai néanmoins pu procéder à une dizaine d'auditions, dont certaines en compagnie de Mme Laurence Abeille, qui est à la fois l'auteur de la proposition et sa rapporteure pour la commission des affaires économiques.

Comme notre président vient de le rappeler, ce texte sera examiné en séance publique à la fin du mois. La prochaine niche du groupe écologiste au Sénat étant prévue en mars, il est possible qu'il achève rapidement son parcours législatif.

L'ambition assignée à cette proposition de loi est d'appliquer le principe de précaution défini par la Charte de l'environnement aux risques résultant des ondes électromagnétiques. Je dois avouer que je suis quelque peu partagée à ce propos. D'un côté, je suis intimement persuadée que le principe de précaution doit s'appliquer quand c'est possible, et que nous devons au moins faire preuve de prudence à l'égard des nouvelles technologies, singulièrement lorsque nous en faisons un usage massif et en rapide évolution, comme c'est le cas pour la téléphonie mobile. D'un autre côté, je suis tout aussi convaincue que le Parlement, et le Gouvernement encore moins, ne doivent surtout pas imposer une vision idéologique de la réalité scientifique.

Le sujet est donc complexe, et il est facile de passer d'un excès à l'autre.

Il faut reconnaître au groupe écologiste le mérite d'ouvrir ici un débat qui aurait dû l'être dès les précédentes législatures. En effet, nous devons toujours veiller à favoriser l'initiative et la discussion la plus large. En revanche, le moment de cette discussion n'est pas idéal. En effet, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) achève en ce moment un rapport sur les effets sanitaires de la téléphonie mobile qu'elle remettra dans quelques mois, et une étude médicale d'envergure est en cours à l'hôpital Cochin pour mieux caractériser l'électro-hypersensibilité. Nous ne devons pas préjuger des résultats de ces travaux et cette discordance est donc regrettable. Je n'en fais toutefois pas reproche au groupe écologiste, qui était tenu par la date de sa niche parlementaire.

La proposition de loi comprend des dispositions auxquelles je vous recommanderai de souscrire, d'autres qui me semblent moins bienvenues, et d'autres enfin dont je n'ai pas eu le temps d'améliorer la rédaction.

Je considère comme un progrès le fait d'offrir aux utilisateurs des modems et autres boîtiers multiservices la possibilité de moduler la puissance des ondes émises, voire de les éteindre s'ils n'en ont pas l'utilité. Je regarde également comme des avancées la meilleure information du consommateur, la pédagogie au bénéfice des bonnes pratiques et la protection de l'enfance contre l'exposition à ces ondes, compte tenu des risques particuliers encourus à cet âge. De même, je crois que les élus locaux ont un rôle à jouer dans l'implantation des antennes-relais et que les puissances des émissions doivent être diminuées autant que possible, dans les limites autorisant bien sûr un bon niveau de service.

En revanche, je ne peux pas approuver la préfiguration de « zones blanches », car nous connaissons tous les effets dévastateurs d'une absence de réseau sur l'économie et la démographie d'un territoire. Nous avons combattu, sur tous les bancs, pour que les opérateurs maillent l'espace national dans son intégralité ; nous ne pouvons pas leur demander maintenant de démonter leurs installations – même s'ils seraient sans doute parfois très heureux de le faire.

De même, alors que la maîtrise des nouvelles technologies constitue un enjeu majeur pour les nouvelles générations, je n'imagine pas que l'on élimine les accès sans fil à internet des établissements scolaires, sans même parler du droit des personnels à communiquer librement. Recommander la connexion filaire est une chose ; en faire une obligation légale en est une autre, dont le coût peut difficilement être assumé par les collectivités locales dans la situation actuelle.

Je ne crois pas non plus opportun d'interrompre le déploiement des réseaux de téléphonie de quatrième génération, entamé en 2011, pour mener une étude d'impact : tous les scientifiques auditionnés ont insisté sur le fait qu'en termes d'émissions, cette technologie ne change rien par rapport aux précédentes. Il ne résulterait donc de la mesure qu'un retard et des pertes économiques considérables, sans le moindre bénéfice sanitaire.

Enfin, l'électro-hypersensibilité est un syndrome sur lequel les médecins ne savent à peu près rien. Il me semble particulièrement néfaste de le définir par voie législative sans étude scientifique préalable, et tout à fait inutile de demander un rapport au Gouvernement avant la fin des travaux menés à l'hôpital Cochin. J'ai une grande foi dans nos ministres, mais je doute de leur capacité à mener une recherche médicale plus vite que nos chercheurs !

Il y a aussi dans la proposition de loi des aspects qui me semblent discutables. C'est notamment le cas de l'étude d'impact sanitaire et environnemental imposée aux nouvelles technologies électromagnétiques. Je crois les normes en vigueur satisfaisantes. Néanmoins, les délais dans lesquels j'ai travaillé ne m'ont pas permis d'arriver à une position définitive. Nous interrogerons donc le Gouvernement sur le sujet lors de la séance publique et, en attendant, en gage de bonne volonté, je vous proposerai de conserver cette disposition.

Il en va de même pour l'assujettissement des antennes-relais aux obligations du permis de construire : est-ce l'outil adéquat ? Le maire est-il l'autorité la plus qualifiée pour décider en la matière ? Je reconnais volontiers un rôle aux élus locaux dans la concertation, et je déposerai même un amendement en ce sens, mais je ne suis pas sûre qu'il faille aller jusqu'à leur donner un pouvoir de décision. La commission des affaires économiques, je le sais, travaille sur le sujet : nous verrons quelle position adopter la semaine prochaine. Je sais également que Laurence Abeille et François Brottes travaillent sur la réduction de l'exposition aux ondes émises par les antennes-relais. J'attends du Gouvernement qu'il se montre audacieux en proposant une rédaction qui permettra de minimiser ces émissions. Les opérateurs doivent ajuster le niveau de celles-ci et choisir le meilleur emplacement pour leurs antennes afin que l'exposition chronique du public soit aussi faible que possible, tout en préservant la qualité du service.

Enfin, je vous proposerai de procéder à deux ajouts.

D'abord, on sait aujourd'hui que si danger cancérigène il y a, il vient plus probablement des terminaux téléphoniques que des antennes-relais. C'est d'ailleurs logique : la puissance des ondes décroît rapidement en fonction de la distance, et c'est bien le téléphone que nous portons volontiers à proximité immédiate du cerveau. Il est certes bon que le Grenelle II ait imposé que le débit d'absorption spécifique, c'est-à-dire les émissions dont le téléphone est responsable, soit porté à la connaissance de l'acheteur, mais cette précision technique n'est que rarement comprise par nos concitoyens. Je propose qu'elle soit affichée de manière très claire pour celui qui vient d'acheter un téléphone.

Ensuite, le même Grenelle II a interdit la publicité pour les téléphones mobiles à destination des enfants. Je propose d'étendre cette disposition à l'ensemble des terminaux mobiles, y compris donc des tablettes, dont l'usage ne cesse de se développer.

Enfin, le Grenelle II permettait au ministre de la santé d'interdire les équipements radioélectriques destinés aux enfants de moins de six ans. Je propose de renverser ce dispositif, c'est-à-dire d'édicter une interdiction à laquelle ce même ministre pourra déroger. On ne me fera pas croire que les enfants ont un besoin impérieux de manipuler des émetteurs d'ondes à longueur de journée !

Un dernier point devra être amélioré : le secteur des télécommunications raffole des anglicismes, mais nous ne sommes pas tenus de les imiter. Il conviendra donc de franciser le vocabulaire employé.

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