Intervention de Philippe Noguès

Séance en hémicycle du 19 janvier 2016 à 15h00
République numérique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Noguès :

Le projet de loi pour une République numérique que vous portez, madame la secrétaire d’État, et dont nous commençons l’examen aujourd’hui s’est démarqué dès la présentation de l’avant-projet par son modus operandi. Pour la première fois, en effet, il a été soumis à la participation citoyenne via la mise en place d’une consultation publique sur le web, et 21 000 internautes ont déposé plus de 8 500 contributions qui ont permis d’introduire cinq articles et d’apporter quatre-vingt-dix modifications par rapport au texte originel. Ce résultat est encourageant pour ce tout nouveau dialogue démocratique, même si nous avons tous conscience que certains citoyens ont les moyens de participer au débat parce qu’ils disposent d’un capital social, économique et numérique, tandis que d’autres sont laissés sur le côté par la marche en avant du numérique, ne serait-ce qu’en termes d’infrastructures. Je pourrais en donner des exemples pris dans ma circonscription, et même à mon domicile !

Je trouve évidemment positif que le professionnel du numérique, le scientifique, le militant associatif ou encore l’entreprise, puissent participer à l’élaboration de la loi et que leurs propositions soient retenues par le Gouvernement, comme cela a été par exemple le cas s’agissant la diminution de la durée de protection légale des publications scientifiques ou de l’auto-hébergement.

Et je regrette d’autant plus que le contenu de ce projet de loi ait été quelque peu amoindri en raison d’arbitrages interministériels : vidé, notamment, de son volet économique, qui pourrait se retrouver dans le projet de loi « Macron 2 » – quand on a vu ce qu’était le texte « Macron 1 », il y a lieu de s’inquiéter –, amputé de son volet sur l’open data, qui a été repris à la fin de l’année dernière dans le projet de loi relatif à la gratuité de la réutilisation des données publiques.

On peut également être déçu par la frilosité du Gouvernement à propos de la généralisation des logiciels libres dans l’administration, au moment même où l’État signe un juteux contrat d’exploitation de son parc informatique avec Microsoft.

Néanmoins, ce texte contient des avancées notables, inscrivant dans le marbre un certain nombre de mesures réclamées depuis longtemps par le monde du numérique.

Concernant tout d’abord la circulation des données, il pose le principe de l’ouverture et de la diffusion au public des données des administrations et de leurs délégataires, notamment en matière d’environnement, et il inscrit dans la loi le principe de neutralité du net, reprenant ainsi le règlement européen sur les télécommunications d’octobre dernier.

Le second volet du projet de loi contient des mesures nécessaires de protection des droits dans la société numérique, qui auront un impact pour nos plus jeunes concitoyens via l’instauration d’un droit à l’oubli pour les mineurs, mais aussi, s’agissant des personnes décédées, via la mise en place d’un « testament numérique » permettant de confier à un tiers ses données personnelles en cas de décès.

Je souscris également à l’affirmation du principe de confidentialité des correspondances privées électroniques, qui permettra, je l’espère, de mettre un terme à la publicité ciblée sur nos écrans.

Je salue enfin le renforcement des pouvoirs de la CNIL, qui se pose ainsi en garant du respect de nos données personnelles et que nous, parlementaires, pourrons consulter plus aisément lors de notre travail législatif.

Le dernier chapitre du projet de loi s’attaque à l’accessibilité du numérique en abordant la question de la couverture numérique de la France, en facilitant les usages numériques par l’octroi d’un cadre juridique aux envois par recommandé électronique et en soutenant les associations par la mise en place du don par SMS.

J’approuve la prise de conscience du Gouvernement lorsque celui-ci affirme sa volonté d’encadrer la pratique du e-sport afin de faire face à engouement croissant et mettre un terme aux nombreuses dérives constatées.

Saisie pour avis sur quatre articles, la commission des affaires sociales, dont je suis membre, a étudié plus particulièrement l’accessibilité du numérique pour les personnes dites fragiles. Sur ce point, je regrette – et avec moi les associations de défense des droits des personnes sourdes ou malentendantes – que nous ne soyons pas allés plus loin en commission sur la qualification professionnelle des interprètes en langue des signes ou sur la question épineuse de la tarification supplémentaire lorsque ces personnes bénéficient d’un service de traduction visuelle et écrite simultanée.

Je suis convaincu que ceux de nos concitoyens qui souffrent d’un handicap n’ont pas à payer davantage que les autres usagers pour pouvoir contacter leurs proches, les administrations, ou encore pour chercher un emploi.

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