Intervention de René Dosière

Réunion du 13 janvier 2016 à 11h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière :

Quand on lit attentivement votre rapport, monsieur le Premier président, on s'aperçoit qu'il est parfaitement conforme à la vocation de la Cour d'être en quelque sorte une briseuse de rêve… Ce rêve, je l'ai vécu avec les Mahorais en 2009 quand, dans l'enthousiasme général, ils ont souhaité la départementalisation. Votre rapport démontre, en s'appuyant sur de multiples exemples, que ni l'État, au niveau national ou local, ni les collectivités, qu'il s'agisse du conseil général ou des communes, ni la société mahoraise n'étaient préparés au choc que représentait l'application du statut départemental.

Votre constat est réaliste et vous formulez un certain nombre de propositions. Il me semble que les défis que vous évoquez nécessitent de resserrer ces propositions autour de deux ou trois points importants et d'un pilotage beaucoup plus étroit entre l'État et les collectivités – et quand on parle de pilotage, on parle d'engagements réciproques. Or vous avez noté à plusieurs reprises que les collectivités n'avaient pas respecté les engagements qu'elles avaient pris à l'égard de l'État dans tel ou tel domaine.

Dans votre rapport, vous n'abordez pas les questions d'état civil, sur lesquelles j'ai beaucoup travaillé avec Didier Quentin et dont je ne suis pas sûr qu'elles soient réglées. Il serait peut-être utile que la délégation puisse faire une vérification sur ce sujet précis, car tout le monde devrait disposer d'un état civil. Où en est-on aujourd'hui ?

À plus long terme, l'Assemblée n'échappera pas à une réflexion sur l'avenir de Mayotte. Quel développement, quel type de société souhaitons-nous offrir aux jeunes Mahorais, qui sont particulièrement nombreux ? À lire votre rapport, et compte tenu de ce que nous pouvons connaître sur la réalité de Mayotte, on a le sentiment qu'au fond, dans cette société, il y aura deux catégories de personnes : ceux qui disposeront d'emplois publics, et les autres, qui bénéficieront de prestations publiques. Plus un certain nombre de clandestins, avec ou sans papiers… Mais les emplois privés, ceux qui créent de la richesse, je ne les vois pas. Est-ce ce type de société, cette sorte d'assistanat général, au sens propre du terme, c'est-à-dire un système où les gens vivront avec des revenus provenant de l'extérieur, alors qu'eux-mêmes ne produiront rien, est-ce cela que nous voulons offrir à la population mahoraise ? C'est un vrai problème, car ce type d'évolution est humainement inacceptable pour les Mahorais et financièrement insupportable pour la France.

Vers quel type de société voulons-nous faire évoluer Mayotte, compte tenu du fait qu'il faudra bien régler, de manière plus prioritaire que nous ne l'avons fait jusqu'à présent, l'expansion démographique ? L'île est par nature un territoire limité. La population ne peut pas augmenter indéfiniment, ou alors il faudra qu'elle le quitte. Pour aller où, et pour faire quoi ?

J'en viens aux relations entre Mayotte et le reste des Comores, en particulier Anjouan. Le niveau de vie à Mayotte va augmenter, artificiellement dans la mesure où cette augmentation ne sera pas générée par la richesse locale, mais par des transferts financiers en provenance de France. Cette augmentation de richesse représente un attrait considérable pour des gens qui, à côté, sont dans la misère. Vingt mille personnes sont reconduites par an, et sans doute autant arrivent – parfois les mêmes ! Une somme considérable, de l'ordre de 50 millions d'euros, est dépensée en mesures policières. On ne peut pas continuer ainsi. Il faudra bien que le Gouvernement se donne les moyens de régler ce problème, qu'on ne pourra régler que dans le cadre d'une discussion avec les Comores. Les modalités de la discussion ne sont sans doute pas simples, mais je le répète, nous ne pouvons pas continuer dans ce sens, car continuer ainsi, c'est n'offrir aucun avenir, sinon un avenir d'enfer et policier aux Mahorais, qui méritent beaucoup mieux que cela.

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