Intervention de Erwann Binet

Séance en hémicycle du 26 janvier 2016 à 15h00
Droit des étrangers — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, le Gouvernement a appelé de ses voeux une réforme du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Nous avons adopté ce projet de loi en première lecture au cours du mois de juillet dernier. Le texte nous revient aujourd’hui d’une lecture au Sénat qui, en octobre dernier, a permis l’adoption conforme de 14 articles, et conduit à la suppression de 13 articles et à l’introduction de 17 nouvelles dispositions. Le Sénat a ainsi modifié à la fois la substance et l’équilibre du projet de loi.

Il convient de constater d’abord que les sénateurs ont apporté au texte des améliorations formelles ainsi que plusieurs avancées de fond dont la commission a souhaité qu’elles soient préservées, moyennant parfois de légères modifications. Tel a été le cas des dispositions relatives à l’information des étrangers assignés à résidence, de l’accès des associations dans les zones d’attente ou encore de la répression à l’encontre de la fraude documentaire. Le renforcement des droits de la personne dans la procédure de communication trouve également son origine dans l’action du rapporteur de la commission des lois du Sénat. Pour le reste, la commission des lois de notre assemblée a, dans son ensemble, rétabli le texte que nous avions adopté en juillet dernier.

En premier lieu, votre commission a supprimé des dispositifs insérés par le Sénat que nous avions déjà rejetés en première lecture, et que je vous inviterai du reste à rejeter à nouveau aujourd’hui à l’occasion de l’examen des amendements. Il s’agit notamment de l’instauration de quotas en matière d’admission des ressortissants étrangers au séjour, de l’obligation pour les intéressés de faire la preuve de leur capacité d’intégration avant leur entrée sur le territoire français et du remplacement de l’aide médicale d’État par une aide médicale d’urgence.

La commission est revenue ensuite sur certaines mesures destinées à durcir les conditions d’entrée et de séjour de certains étrangers, souvent de manière très excessive, et dont l’utilité n’est d’ailleurs pas démontrée. Ainsi, la commission a supprimé l’article qui portait à deux ans, au lieu de 18 mois actuellement, la durée de résidence minimale en France nécessaire pour un ressortissant étranger avant qu’il ne puisse déposer une demande de regroupement familial. A été également supprimée la disposition adoptée par le Sénat conditionnant la validité d’une attestation d’hébergement à son autorisation par le maire de la commune concernée. L’incrimination pénale créée par le Sénat à l’encontre des organismes qui ne défèrent pas aux demandes de communication de l’administration en matière de contrôle des demandes de titre de séjour a également été supprimée. Il en est de même pour la disposition prévoyant le dépôt d’une caution propre à éviter un placement en rétention administrative.

Enfin, la commission des lois a rétabli des mesures que notre assemblée avait adoptées en première lecture et qui ont été supprimées par nos collègues sénateurs. Ces derniers ont ainsi voté la suppression des délivrances de plein droit que nous avions initiées en première lecture. La commission des lois les a réintroduites. Il s’agit de la délivrance du visa de long séjour au conjoint de Français, de celle de la carte de résident pour les parents d’un enfant français, les conjoints de Français et les personnes ayant été admises au titre du regroupement familial dès lors qu’elles en remplissent les conditions, de l’autorisation provisoire de séjour aux parents d’enfants malades, du renouvellement de la carte de séjour temporaire aux étrangers victimes de violences conjugales, et des détenteurs d’une carte de retraité pour l’obtention d’une carte de résident.

Nous sommes également revenus sur des dispositions introduites par la seconde chambre modifiant substantiellement l’esprit et les intentions du texte initial du Gouvernement. Nous avons ainsi réintroduit dans le projet de loi la notion d’absence d’accès effectif aux soins dans le pays d’origine pour la délivrance du titre de séjour à un étranger malade. De même, la commission a rétabli le régime de la carte de séjour pluriannuelle générale tel qu’il était issu des travaux de l’Assemblée nationale, alors que le Sénat en avait réduit substantiellement la portée. Il s’agit là de la mesure la plus emblématique, et sans doute la plus importante de ce projet de loi ; elle permet aux étrangers ayant vocation à rester sur le sol français pour une période plus ou moins longue – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – de se projeter sereinement dans l’avenir et dans une démarche d’intégration.

En ce qui concerne les mesures préparant l’éloignement effectif de l’étranger faisant l’objet d’une OQTF, nous sommes là aussi revenus à l’équilibre trouvé lors de la première lecture en rétablissant la priorisation de l’assignation à résidence sur la rétention administrative. La commission a rétabli par ailleurs la disposition limitant la durée de la rétention ordonnée par l’autorité administrative à 48 heures, tout en confiant le contrôle de sa validité au juge des libertés et de la détention. Elle a procédé de même pour le nouveau séquençage de la rétention administrative et l’encadrement de la rétention des personnes accompagnées de mineurs. En outre, la commission a étendu à l’ensemble des dispositifs d’assignation à résidence d’un étranger en instance d’éloignement la possibilité de faire intervenir la force publique à fin d’escorte devant les autorités consulaires concernées.

Enfin, nos collègues sénateurs, pour parapher l’esprit avec lequel ils ont abordé ce texte, lui ont accolé la dénomination de « projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration ». Nous avons donc rétabli le titre initial, moins réducteur.

La France est un grand pays et elle est un pays d’immigration. Finalement, l’un ne va pas sans l’autre. L’histoire, le dynamisme, la situation géographique, la culture de notre pays, ses valeurs participent de son attractivité.

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