Intervention de Guillaume Larrivé

Séance en hémicycle du 26 janvier 2016 à 15h00
Droit des étrangers — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Larrivé :

Rien n’indique que ces chiffres vertigineux soient sur le point de décroître. Bien au contraire : au coeur de l’hiver, ce sont encore 108 000 entrées clandestines qui ont été détectées en Grèce, soit 40 fois plus que l’année précédente à la même période. Tout laisse penser que, dès le retour du printemps, ces flux vont encore s’accélérer. Tandis que la Méditerranée continue à pleurer des larmes de sang, l’Europe des bureaux, l’Europe des communiqués, l’Europe des comités, l’Europe des bégaiements européistes désespère les Européens, car elle contemple passivement sa propre impuissance, incapable d’exprimer une volonté et de mettre en oeuvre une action publique digne de ce nom, incapable de concevoir et de conduire une vraie politique, incapable de relever le défi continental des flux migratoires, incapable de juguler l’immigration clandestine et d’éviter de graves troubles à l’ordre public.

Ce qui s’est passé il y a quelques semaines à Cologne, où près de 600 femmes ont été victimes d’agressions sexuelles, ne doit ni être passé sous silence, ni se répéter, demain, dans une ville ou un village de France. Ce qui s’est passé, et se passe, chaque jour à Calais, où des clandestins insultent la France et défient ouvertement ses lois et ceux qui ont pour charge de les appliquer, est tout aussi inacceptable.

Personne ne soutiendra que tous les immigrés clandestins se sont rendus ou se rendront coupables de tels actes ; mais personne ne peut sérieusement prétendre que, parmi les centaines de milliers de clandestins entrés sans aucun contrôle en Europe, ne se sont pas glissés des criminels, des agresseurs et des voleurs. La diffusion de milliers de faux passeports fabriqués par Daech aggrave encore la menace. Il est temps que chacun, sur tous les bancs, regarde la réalité en face, sans naïveté et sans pousser des cris d’orfraie.

La vérité, la triste vérité, c’est que le système Schengen est mort. Vous pouvez, monsieur le ministre – et vous le faites avec sérieux, dans le cadre contraint qui est le vôtre –, chercher à en modifier à la marge tel ou tel article ; mais c’est bien le principe juridique et le périmètre géographique de ce système qui se révèlent complètement inadaptés au monde dans lequel nous vivons.

La libre circulation en Europe n’a de sens que si le contrôle aux frontières extérieures existe vraiment. Puisque ce contrôle est aujourd’hui une fiction, la libre circulation ne peut plus être la règle. Tant que la frontière extérieure ne sera pas imperméable, tant qu’une même politique de réduction drastique de l’immigration et de lutte contre les détournements de l’asile ne sera pas adoptée au sein d’un périmètre cohérent d’États européens volontaires et responsables, il sera nécessaire que la France rétablisse durablement – je n’ai pas dit : « définitivement » – de vrais contrôles aux frontières intérieures.

Ces contrôles nationaux seront absolument indispensables tant que le système européen n’aura pas réussi à augmenter enfin son niveau de protection des frontières extérieures, en militarisant et en judiciarisant l’action contre les trafiquants et les passeurs, en se dotant de capacités technologiques nouvelles – notamment de fichiers de police interconnectés, sérieusement alimentés, modernes et fiables –, en organisant des retours groupés de clandestins vers leurs pays d’origine et en installant, enfin, de vrais centres de rétention dans les pays de transit avant toute traversée de la Méditerranée.

Tout cela a été dit depuis des années, et répété depuis des mois. Il est plus que temps d’agir si l’on ne veut pas assister passivement au pire, c’est-à-dire à une dislocation européenne doublée d’une explosion des troubles sur le sol national.

Cette refondation européenne doit s’accompagner, monsieur le ministre, d’une vraie rupture avec un certain nombre de choix politiques nationaux qui sont ceux de votre Gouvernement et de votre majorité, et qui ne font qu’aggraver les désordres. Il est urgent, à nos yeux, de reprendre le contrôle des délivrances de visas et de titres de séjour, qui ne cessent de dériver ces dernières années, comme le montrent les chiffres publiés par votre ministère voici quelques jours.

Le nombre total de visas délivrés par les ambassades et les consulats a en effet augmenté, entre 2012 et 2015, de 39 % : c’est un fait. Sur la même période, le nombre de visas d’immigration permettant une installation durable en France, c’est-à-dire les visas de long séjour, a augmenté de 14 % : c’est un autre fait.

Le nombre de cartes de séjour délivrées par les préfets, autrement dit le nombre d’installations légales en France, a augmenté de plus de 10 % – c’est encore un fait –, et ce sans aucun rapport avec les besoins du marché du travail, dont on connaît l’état, et les capacités d’intégration de la France, limitées par les contraintes qui pèsent sur les finances publiques.

Parallèlement, le nombre de clandestins, c’est-à-dire d’étrangers qui se maintiennent en situation illégale en France, est nourri par le flux des déboutés du droit d’asile. Vous avez, il est vrai, éloigné quelque 6 000 ressortissants de pays tiers, de façon contrainte : je ne conteste pas vos chiffres. Mais le flux des clandestins est nourri et il augmente. Alors que le nombre de demandes d’asile a augmenté de 22 % de 2014 à 2015, pour atteindre 79 000 demandes, le taux d’admission au statut de réfugié s’établit à 31 %. En d’autres termes, près de 70 % des demandes sont vouées au rejet ; de sorte que 50 000 à 55 000 déboutés sont venus grossir, en 2015, les rangs des clandestins…

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