Intervention de Erwann Binet

Séance en hémicycle du 26 janvier 2016 à 21h30
Droit des étrangers — Article 1er a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Ces amendements tendent à rétablir l’article 1er A adopté par le Sénat.

Vous proposez un débat d’orientation sur la politique d’immigration au Parlement. Nous avons eu ce débat il y a six mois lors de la première lecture. La loi prévoit déjà la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur les orientations de la politique de l’immigration et de l’intégration. Cette politique peut d’ailleurs donner lieu à un débat. Cela a déjà été le cas en 2013 sur les orientations en matière d’immigration professionnelle et de mobilité étudiante.

Vous proposez ensuite que le Parlement détermine, catégorie par catégorie, un système de quotas ou de contingents, les deux mots ayant été utilisés par vous à l’instant ou lors de la discussion générale. Comme cela a déjà été dit, le système de quotas n’est conforme ni à la Constitution ni aux conventions internationales que nous sommes tenus de respecter. C’est notamment le cas de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le respect de la vie privée et familiale et des différentes directives européennes, dont la directive de 2003 relative au droit au regroupement familial.

Enfin, nous vous avons opposé les arguments qu’avait donnés Pierre Mazeaud en juillet 2008 dans son rapport d’une mission effectuée à la demande de Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur à l’époque : « Des quotas migratoires contraignants seraient irréalisables ou sans intérêt. Les pouvoirs publics nationaux ne disposent pas d’un pouvoir discrétionnaire pour déterminer les flux relatifs aux deux principales sources d’installations, l’immigration familiale et l’asile. S’agissant de l’immigration de travail, une politique de quotas serait sans réel objet. Enfin, elle n’a pas de sens pour l’immigration irrégulière. » Il conclut – et je ne cite que la synthèse de son rapport – : « Dans ce domaine plus encore qu’ailleurs, l’action patiente, résolue et respectueuse de la complexité des choses doit être préférée aux remèdes spectaculaires mais illusoires. »

Vous nous avez répondu tout à l’heure, monsieur Larrivé, que ce texte datait de 2008 et qu’il n’était pas en résonance avec l’actualité brûlante. Certes, même si je crois que les principes auxquels il fait référence sont toujours d’application.

Plus récemment, néanmoins, dans une lettre signée le 14 janvier, le défenseur des droits, Jacques Toubon, dans des « recommandations tendant à ne pas maintenir certaines dispositions introduites par le Sénat, contraires au respect des droits fondamentaux », dont l’institution de quotas, écrivait : « Certaines catégories d’étrangers ne peuvent se voir exclues a priori d’un droit au séjour avant tout examen de leur situation. »

« Il en va ainsi principalement des étrangers malades […] Il en va aussi et surtout des conjoints d’étrangers dont le séjour ne saurait être subordonné à la fixation d’un quota dans la mesure où […] ils doivent pouvoir bénéficier du droit de mener une vie familiale normale.

Conclusion, « il en résulte que le défenseur des droits préconise la suppression de l’article 1er A du projet de loi relatif à la détermination par le Parlement du nombre d’étrangers admis à séjourner en France. »

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