Intervention de Véronique Massonneau

Séance en hémicycle du 27 janvier 2016 à 15h00
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Massonneau :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, voici quatre ans déjà que le candidat François Hollande annonçait son engagement 21. Des études, des observatoires, des rapports, des conférences, des paroles et des promesses pour en arriver là ! Chers collègues, vous comprendrez certainement, ou pas, notre déception. Mes pensées vont d’abord à nos concitoyens dont les départs en Belgique ou en Suisse pour mourir selon leur propre volonté continueront, avec toutes les injustices et les inégalités que cela représente. Ceux qui ont suffisamment d’argent pour engager une telle démarche verront leur choix respecté ; les autres n’auront qu’un choix par défaut, celui de la sédation profonde proposé par le texte de nos collègues MM. Leonetti et Claeys.

L’ambiguïté persistante de la nouvelle proposition de loi prolonge ces inégalités. D’après le texte, le médecin pourra « mettre en place l’ensemble des traitements analgésiques et sédatifs même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie ». Un médecin pourra donc augmenter plus ou moins les doses d’analgésiques et de sédatifs selon sa propre interprétation du texte, à la seule condition qu’il s’abstienne de provoquer délibérément la mort. Les réticences des conservateurs comme des progressistes mettent en lumière cette ambiguïté dont résulteront encore des procédures judiciaires douloureuses. Nous avons pourtant proposé de distinguer des choix clairs et encadrés de fin de vie, avec un cadre qui convienne à chaque Français et le rassure, tant celui ou celle qui demande un simple accompagnement pour affronter la souffrance que celui ou celle qui choisit de terminer sa vie. Il aurait été nécessaire de distinguer ces deux cas. Le dispositif proposé tente d’apporter une réponse uniforme à des choix différents. Dès lors, chacun trouvera des raisons de se méfier de ce choix par défaut.

Par ailleurs, les écologistes regrettent la stratégie retenue par le Gouvernement pour tenter d’honorer l’engagement présidentiel. Par crainte d’une nouvelle mobilisation sociale, laquelle, sur ce sujet, n’a pas eu lieu, le texte a été confié à M. Claeys et de nouveau à M. Leonetti dont les convictions n’ont pas varié et qui a donc d’emblée fermé la porte à toute évolution, alors que les Français l’appellent pourtant de leurs voeux. L’amendement visant à reconnaître tous les choix de fin de vie, rédigé conjointement par les écologistes, les radicaux et une grande partie des socialistes et présenté en première lecture par notre collègue Jean-Louis Touraine, a fait les frais de cette stratégie.

Mais pourquoi verrouiller ainsi le débat, alors que la majorité des députés de gauche s’est prononcée en faveur du choix de l’assistance médicalisée active à mourir ? Il faut rappeler que cet amendement a été voté à l’unanimité par les écologistes et les radicaux, et rejeté à la quasi-unanimité par les groupes UMP et UDI, seule Mme Lagarde ayant fait exception. C’est bien le groupe SRC qui s’est divisé sur cette question, tout en exprimant une majorité de votes favorables. Le groupe SRC avait pourtant très largement défendu cette liberté de choix en 2009, en votant la proposition de loi de Manuel Valls. Quel revirement !

Pour le reste, les écologistes accueillent favorablement le caractère contraignant des directives anticipées. Si nous défendons le droit à la sédation profonde – déjà légale aujourd’hui, mais qui donne lieu à des pratiques très aléatoires – comme un choix possible, nous ne pouvons nous satisfaire de ce seul choix d’aide à mourir. Si certains de nos concitoyens demandent à partir en toute conscience, d’autres refusent que leurs proches les découvrent chaque jour un peu plus abîmés. Certains de nos concitoyens veulent choisir le moment de leur départ. Non, ils ne veulent pas choisir de mourir : ils savent qu’ils vont mourir. Ils veulent seulement choisir le moment et la manière. Ce nouveau texte leur dénie encore ce droit. Il s’agit d’un rendez-vous manqué. Alors, oui, le combat continue, oui, les écologistes demeurent attentifs et engagés sur cette question comme sur de nombreux sujets de société, à propos desquels notre pays refuse encore de reconnaître les libertés individuelles.

Plus d’un an, mes chers collègues : il aura fallu plus d’un an à notre assemblée pour adopter définitivement ce texte, présenté par les rapporteurs le 12 décembre 2014. Comment ne pas partager les propos du Président de la République déclarant, lors de ses voeux aux corps constitués, le 13 janvier dernier, que, compte tenu du temps qui a été nécessaire pour voir adopter un texte attendu depuis longtemps – il faisait allusion au texte aujourd’hui soumis à notre vote –, il ne fallait pas « s’étonner que la défiance de nos concitoyens à l’égard de la législation – sans doute –, des législateurs – c’est possible –, de l’État en général, s’accentue » ? Répondre à cette défiance nécessitera que l’on réforme enfin notre procédure parlementaire. Il en est encore temps, et nous pourrions y consacrer utilement quelques-uns des mois qui nous restent avant la fin de cette législature.

Enfin, nous serons bien sûr attentifs à ce que les annonces faites lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, concernant le développement des soins palliatifs, – annonces que je tiens d’ailleurs à saluer – se concrétisent, afin que chaque citoyen puisse bénéficier de ce droit trop souvent bafoué. À cet égard, la création du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, annoncée il y a quelques jours, est également un très bon signal.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous n’opposons aucune solution à une autre, aucune pratique à une autre, aucun choix à un autre. Ce que nous défendons, c’est la liberté de choix de chacun. Le texte que notre assemblée se prépare à adopter définitivement ne la garantit pas. Face à cette absence de choix, face à ce rendez-vous manqué au regard de l’espoir qu’il a suscité, la majorité du groupe écologiste s’abstiendra.

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