Intervention de Olivier Falorni

Séance en hémicycle du 2 février 2016 à 15h00
Économie bleue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Falorni :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, plus de trois mois après son examen en commission, la proposition de loi de notre collègue Arnaud Leroy, pour une « économie bleue », poursuit sa navigation parlementaire et nous réunit en séance publique. Les mesures contenues dans le texte sont attendues par les acteurs socio-professionnels concernés. Elles sont, dans l’ensemble, plutôt consensuelles et il serait étonnant qu’elles ne rencontrent pas un large assentiment sur tous les bancs de notre hémicycle. Bien évidemment, ce consensus ne s’est pas créé ex nihilo ; il ne surgit pas du fond des eaux, comme le regret souriant provenant « des balcons du ciel, en robes surannées », selon le mot de Charles Baudelaire.

En matière d’affaires maritimes comme dans tant d’autres, compte tenu de la complexité des sociétés contemporaines, un consensus est le fruit d’un travail de fond. Nous devons cet ouvrage à un effort remarquable de notre rapporteur, Arnaud Leroy. Au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, permettez-moi de vous adresser, cher collègue, mes sincères félicitations. Vous avez relevé un défi qui n’est pas banal. Votre rapport d’octobre 2013 sur la compétitivité des transports et des services maritimes français force le respect et fait désormais autorité pour tous ceux qui s’intéressent à ces questions. La longue liste des personnes auditionnées au cours de votre mission témoigne des dizaines d’heures d’auditions que vous avez tenues. Une lecture, même rapide, de ces textes permet de prendre conscience de la complexité technique et juridique des enjeux qu’il a fallu apprivoiser pour aboutir à une proposition de loi à la fois ambitieuse et solide juridiquement, à même de redonner du souffle à la politique maritime de la France.

Quelles que puissent être les positions et les observations de chacune et chacun d’entre nous sur les mesures proposées, nous ne pouvons donc qu’être unanimes sur la quantité et, surtout, sur la qualité du travail effectué. L’effort est d’autant plus remarquable que cette proposition de loi concerne l’activité maritime dans une acception étendue : elle traite des transports, mais aussi des autres secteurs d’activité relatifs à la mer, qui sont étroitement liés.

De multiples acteurs socio-professionnels sont concernés par les dispositions du texte, notamment les armateurs, les syndicats, les pêcheurs, les ostréiculteurs, les conchyliculteurs et exploitants en aquaculture, les professionnels de la plaisance, les spécialistes des énergies marines renouvelables, ou encore les exploitants de plages privées. Pour chacun d’entre eux, l’objectif est principalement la simplification, la clarification et parfois aussi le financement des activités concernées.

Le pari consistait en la maïeutique d’un équilibre entre les besoins de l’activité économique et les impératifs écologiques, les exigences du développement durable et de la protection de l’environnement, afin de tenter de mieux limiter et de réguler les inéluctables conflits d’usage. L’enjeu est de taille : en France, l’économie maritime représente plus de 300 000 emplois directs, et 60 à 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. Si tous les espaces littoraux sont par définition impliqués, pour certaines régions, elle représente des pans entiers et essentiels de leur activité, en termes d’emplois, de croissance, d’aménagement et de vitalité du territoire, mais aussi d’histoire, de tradition, de savoir-faire et d’identité. Cette identité est d’ailleurs parfois bousculée dans le texte. Si le monde maritime n’est pas le plus naturellement enclin au changement, nous avons, en France, un formidable potentiel en termes de croissance bleue, et certaines habitudes ou blocages sont autant de facteurs limitants.

Pour valoriser nos atouts, nous avons le devoir de regarder lucidement comment nous pouvons ensemble tous gagner en productivité et en compétitivité, tout en respectant les institutions et en améliorant les conditions de travail et la qualité de vie des hommes et des femmes dont la mer est le quotidien.

Le titre Ier comporte ainsi plusieurs dispositions pour renforcer durablement la compétitivité des entreprises d’armement maritime et la protection des marins. Parmi les articles de simplification, citons l’article 1er, pour le jaugeage des navires, l’article 2, pour l’embauche des marins avec « un état des services » comprenant la liste des périodes embarquées, afin de renouveler les brevets, et qui pourra être établi pour un ou plusieurs navires d’un même armateur. D’autres articles ont été adoptés en commission pour la radiation d’office du pavillon français et la délivrance d’un document unique pour l’acte de francisation et l’acte d’immatriculation, relevant de deux administrations différentes – les douanes et l’administration des transports – qu’il convient d’associer plus étroitement.

Je vous propose de soutenir un amendement, cosigné par plusieurs collègues, portant article additionnel après l’article 3 bis, qui me semble utile. Les associations qui accueillent les équipages des navires en escale dans les ports fournissent des prestations et des services adaptés à leurs besoins. Il s’agit là d’une longue tradition maritime d’accueil des marins en escale et de mise à leur disposition de moyens et services. L’article 3 de la convention sur le bien-être des gens de mer, intégrée à la convention internationale du travail maritime, ratifiée en 2013, place à notre charge une obligation en la matière en disposant que « tout membre s’engage à veiller à ce que des moyens et services de bien-être soient fournis dans les ports appropriés du pays à tous les gens de mer […] ». Or, le système actuel, qui repose sur une contribution volontaire des armateurs, ne me semble pas satisfaisant. Nous proposons de créer un droit de port dévolu au financement des foyers d’accueil pour le bien-être des marins.

S’agissant de la gouvernance des ports, le chapitre II contient des mesures d’adaptation au nouveau cadre des grandes régions. Le chapitre III contient des dispositions pour la protection et l’employabilité des gens de mer. L’article 6 renforce le droit des autorités à demander la présentation de la liste d’équipage, tandis que l’article 7 permet aux fonctionnaires des affaires maritimes de procéder au contrôle de l’application des dispositions « pays d’accueil » pour faciliter les échanges entre les services.

Il est de notre devoir de veiller de près au phénomène du dumping social, de veiller à réguler la concurrence entre travailleurs relevant notamment de régimes de protection sociale et disposant de conditions de travail, de libertés syndicales et de minimums salariaux souvent très différents. Ce phénomène, issu de la globalisation des échanges, de la mobilité du facteur travail, touche des pans entiers de notre économie, mais il impacte presque mécaniquement les transports internationaux et, en particulier, les transports maritimes. Il n’est pas question de détériorer ou de fragiliser les conditions de travail ou les règles régissant certaines professions.

Lutter contre ce phénomène, c’est aussi préserver des bassins d’emplois indispensables à la vitalité de nos territoires littoraux. Nous devons être plus exigeants, car la menace est une réalité. Pour préserver la puissance maritime française, nous devons être en mesure de faire respecter les règles. Tel est l’objet de l’article 7.

Le chapitre IV comprend des mesures utiles pour renforcer l’attractivité du pavillon français. Ainsi, l’article 12 autorise les ferries et les navires de croisière à organiser des jeux de casinos, réservés pour l’instant à leurs concurrents. C’est un débat parfois houleux, et je peux comprendre certaines craintes – des contrôles forts et une stricte régulation doivent évidemment être mis en place –, mais le temps de la prohibition me semble désormais révolu.

Le titre II comprend des mesures relatives aux pêches maritimes et aux cultures marines, et donc à la conchyliculture. Les huîtres et les moules sont « les abeilles des océans », a-t-on coutume de dire. La préservation de la qualité des eaux et la conservation des zones conchylicoles, comme des zones humides, au titre de leur biodiversité, doivent nous garder des épisodes de forte mortalité que nous connaissons depuis des années, notamment en Charente-Maritime.

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