Intervention de Huguette Bello

Séance en hémicycle du 2 février 2016 à 15h00
Économie bleue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, après deux débats sur le domaine maritime de la France, qui ont eu lieu en juin 2013 et en janvier 2015, à l’initiative, respectivement, des groupes de la Gauche démocrate et républicaine et de l’Union des démocrates et indépendants, l’Assemblée nationale examine aujourd’hui le premier texte – et sans doute le seul – de cette législature consacré à l’activité maritime. Il s’agit d’une étape importante, qui propose d’affirmer une ambition et de lancer une politique durable à la mesure du potentiel de l’immense surface maritime dont la France est dotée.

À force de le répéter, nous savons qu’il s’agit du deuxième domaine maritime mondial, et que grâce aux outre-mer, la France est présente sur quatre océans. Mais il convient encore de noter que ce domaine vient de s’agrandir, grâce à l’extension de plus de 500 000 kilomètres carrés du plateau continental au large des Antilles, de la Nouvelle-Calédonie, de la Guyane et des Kerguelen.

L’examen de cette proposition de loi intervient au moment où le grand port maritime de la Réunion écrit une nouvelle page de son histoire avec, d’une part, la livraison, après vingt mois de travaux seulement, de nouvelles infrastructures modernisées et plus performantes – quai d’accostage plus long, darse plus profonde, nouveaux portiques –, et, d’autre part, la décision de la troisième compagnie maritime mondiale de renforcer sa présence à la Réunion. Grâce à la CMA-CGM, Port-Réunion, le quatrième port à conteneurs de France, est le nouveau hub de transbordement de l’océan Indien, par lequel transiteront de nouvelles liaisons internationales qui desserviront l’Asie, l’Afrique, l’Australie, l’Inde, le Moyen-Orient.

Au-delà de la gouvernance, le défi pour nous est surtout d’articuler ce carrefour maritime avec la zone arrière portuaire qui doit accueillir et permettre le développement d’activités à forte valeur ajoutée. Je dois rappeler, à cet égard, que l’engagement de l’État, d’ici 2017, pour l’avenir de cette zone, est très attendu par tous les acteurs.

Développer l’économie bleue, c’est évidemment soutenir la pêche et l’aquaculture. Les outre-mer, qui représentent 97 % de la zone économique exclusive française, ne font pas exception au paradoxe national : l’autosuffisance alimentaire en produits de la mer n’est que de 20 %. À La Réunion aussi, le recours aux importations est considérable et représente plus de 60 millions d’euros par an. Cette situation, qui se détériore d’année en année, n’a toujours pas convaincu les autorités européennes de lever les blocages qui entravent littéralement le développement de cette filière.

Alors même qu’elle a reconnu que les ressources halieutiques de nos territoires sont abondantes, l’Europe continue à interdire, et ce depuis plus de dix ans, les aides à la construction des navires dans les régions ultrapériphériques françaises. À cause de cette application uniforme de la politique commune de la pêche, ignorant la géographie et singulièrement l’hémisphère sud, nous ne disposons toujours pas d’une flotte de pêche conforme à nos potentialités. Nous souhaitons, monsieur le secrétaire d’État, que les conclusions du rapport de Pierre Desprot et Jean-Michel Suche sur le nécessaire renouvellement de la flotte de pêche française, ainsi que la prochaine initiative du Parlement européen en faveur de règles différenciées, constituent les leviers du changement pour les outre-mer.

L’économie bleue, c’est aussi les énergies renouvelables. Ce secteur est appelé à connaître un développement considérable : sans doute le texte aurait pu aller au-delà de la question assurantielle. Combiner les enjeux maritimes et la protection de l’environnement offre des perspectives prometteuses à plus d’un titre : en tant que régulateur, l’océan joue un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Il est aussi une source d’énergies non polluantes. Là encore, les expériences menées dans les outre-mer pourraient contribuer de manière décisive à la transition énergétique, pour peu que les conditions soient davantage incitatives. L’exploitation expérimentale de l’énergie thermique des mers menée actuellement en Martinique, ou encore le projet innovant de climatisation par eau de mer des profondeurs – appelé SWAC, pour Sea Water Air Conditioning – en cours à la Réunion le montrent très amplement.

Même s’ils dépassent le cadre de ce texte, l’enseignement et la recherche sont incontournables, car il n’y aura pas de développement maritime sans politique d’enseignement et de recherche ambitieuse. Première puissance maritime au sein de l’Europe, la France bénéficie à l’échelle internationale d’une incontestable reconnaissance scientifique grâce à des instituts réputés – je pense à l’IFREMER – et à des outils exceptionnels – je pense au Marion-Dufresne, basé dans les Terres australes et antarctiques françaises, et qui est – rappelons-le – le seul navire de recherche européen. La France est donc sans doute la mieux placée pour proposer le lancement d’un grand plan européen de recherches et d’investigations sur les mers et les océans.

Par ailleurs, la formation aux métiers de la mer est essentielle. Le temps est venu de dessiner, en liaison avec les collectivités locales, la carte des lycées maritimes. L’inauguration, en septembre dernier à Saint-Malo, du beau lycée maritime Florence Arthaud, est de bon augure. Cela m’encourage à plaider une fois de plus pour l’ouverture d’un établissement similaire à La Réunion.

Vous l’avez compris, je voterai en faveur de ce texte que nous propose notre collègue Arnaud Leroy, parce que je suis convaincue qu’il contribuera à favoriser nos retrouvailles avec le grand large.

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