Intervention de Sébastien Denaja

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 15h00
Protection de la nation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a une unité de temps, un continuum, entre le discours prononcé par le Président de la République devant le Congrès le 16 novembre et aujourd’hui, car le contexte est le même. Il impose gravité, responsabilité et lucidité. Il impose surtout l’exigence de l’unité. La menace est présente, plus forte que jamais, installée dans la durée. C’est pour cela que notre État de droit doit se doter des armes juridiques et démocratiques adaptées au combat.

C’est pourquoi le projet de loi constitutionnelle entend consolider et sécuriser le cadre juridique applicable à l’état d’urgence. D’aucuns disent que ce serait inutile, voire dangereux. Est-il dangereux d’écrire que l’état d’urgence ne peut avoir qu’un caractère exceptionnel et limité dans le temps ? Ou d’écrire qu’il sera tout entier soumis au contrôle du juge et du Parlement, sans que l’Assemblée ne puisse être dissoute pendant sa durée ? C’est évidemment tout le contraire. L’article 1er garantit, même dans les situations les plus exceptionnelles, le respect de nos principes démocratiques, dont le juge et le Parlement seront les gardiens.

Quant à l’article 2 qui a suscité, bien légitimement, tant de débats, sa version initiale ne pouvait recueillir notre adhésion, car elle se heurtait à l’article 1er de notre Constitution. Sa rédaction devait évoluer pour garantir le respect du principe d’égalité des citoyens devant la loi et, au-delà, celui de l’unité du peuple français dont la République tire son caractère indivisible. Ces garanties sont aujourd’hui offertes par la nouvelle rédaction que vous nous proposez, monsieur le Premier ministre, et nous vous en remercions.

S’agissant du texte constitutionnel, mais aussi de ses prolongements législatifs, l’article 2 permettra qu’une peine, et non plus une décision administrative, soit prononcée par un juge, et non plus par un ministre, au terme d’un débat contradictoire, entouré de toutes les garanties procédurales qu’offre notre démocratie. C’est donc un juge qui prendra sa décision, au nom du peuple français. Cette peine visant à déchoir un individu de sa nationalité ou des droits qui y sont attachés pourra concerner tous les terroristes – car il ne s’agit bien que d’eux – français, qu’ils n’aient que cette nationalité ou qu’ils en aient également une autre.

Ce texte est désormais en pleine conformité avec l’ensemble de nos principes constitutionnels et le droit international applicable, en particulier avec la convention internationale de 1961, sur la réduction des cas d’apatridie. Au troisième paragraphe de son article 8, il est prévu des cas exceptionnels d’apatridie pour les auteurs d’actes portant atteinte aux intérêts essentiels de l’État. La France s’engage aujourd’hui à ratifier cette convention qui a été signée sous la présidence du Général de Gaulle et le gouvernement de Michel Debré.

Je ne crois pas que l’on ait, à l’époque, osé convoquer les heures sombres de Vichy, pour dénoncer la signature apposée par le gouvernement du héros de la France libre. Il ne s’agit pas de renier le principe fondamental auquel nous sommes attachés selon lequel chaque individu a droit à une nationalité, mais d’accepter que, dans le cas très exceptionnel des terroristes, on puisse déroger à ce principe. On imagine mal comment ceux qui, à la droite de cet hémicycle, alors qu’ils se disent les héritiers du Général de Gaulle, pourraient aujourd’hui rejeter ce que lui-même acceptait hier.

En définitive, cet article 2 est un message que la France adresse à ses quelque 8 000 enfants, qui mus par une logique mortifère s’engagent sur un chemin de rupture avec ses valeurs humanistes. Nous n’adresserions ce message qu’à certains d’entre eux, qu’à ceux qui ont une autre nationalité que la nationalité française. Au contraire, ce message s’adresse à tous. Il rappelle qu’être Français ne vient ni du ciel, ni du sol, ni du sang, car le lien qui unit les membres de la communauté nationale, c’est un lien contractuel. Être Français, c’est un acte de volonté, c’est un consentement de chaque instant, c’est, pour citer Ernest Renan, « le désir clairement exprimé de continuer la vie commune ».

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