Intervention de Jean-Marc Germain

Séance en hémicycle du 5 février 2016 à 15h00
Protection de la nation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Germain :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, chers collègues, qu’a signifié notre Marseillaise entonnée en choeur à Versailles autour du Président de la République ? Notre amour de la République !

Quel message avons-nous adressé ce jour-là au monde ? La force des démocraties ! Aux balles des terroristes, nous avons, comme l’a dit admirablement Patrick Pelloux, opposé les couleurs de notre étendard : bleu, blanc, rouge. Le rouge des pompiers qui se sont portés au secours des victimes, le blanc des urgentistes qui ont pansé leurs plaies, et le bleu de la police et des forces de l’ordre, qui traquent sans relâche les semeurs de mort et qui protègent nos concitoyens.

À la folle idéologie qui anime les tueurs, nous avons répondu liberté, égalité, fraternité. Au poison de la division qu’ils veulent instiller dans notre société, nous avons opposé l’image de l’unité nationale.

Alors, chers collègues, prolongeons ce moment. Laissons les arrière-pensées, primaires ou autres, au vestiaire : place à la pensée ! Qu’avons nous applaudi à Versailles ? Des moyens supplémentaires pour nos services de police, de renseignement et nos armées, et la proclamation de l’état d’urgence. C’était indispensable pour juguler la menace.

Faut-il inscrire l’état d’urgence dans notre Constitution ? Je le crois. La France doit pouvoir se doter de moyens exceptionnels quand elle est victime d’une agression exceptionnelle, et, notamment, renforcer les possibilités d’action de ses forces de l’ordre. L’état d’urgence modifie l’ordonnancement des pouvoirs : c’est donc à notre loi fondamentale de le prévoir.

Je voterai donc l’article 1er, d’autant plus que je nous sais capables de nous accorder sur l’extension des pouvoirs de contrôle du Parlement, extension que le Premier ministre a assuré appeler de ses voeux.

Je voterai également la prolongation pour trois mois de l’état d’urgence. En effet, cette limite temporelle, qui est claire, correspond au délai nécessaire à l’adoption des mesures nécessaires afin que les services de police puissent agir efficacement, sous le contrôle du juge et dans le respect des libertés fondamentales.

À Versailles, le Président de la République a aussi voulu associer un symbole à ces mesures nécessaires : celui, pour les auteurs de crimes de terrorisme, d’une peine de déchéance. Je ne récuse pas l’idée du symbole, car même si les symboles ne remplacent en rien l’action, ils peuvent lui donner du sens et donc plus de puissance.

Encore faut-il trouver ensemble le bon symbole. Déchéance, oui, mais déchéance de quoi ? Voilà la question. S’agit-il d’étendre la déchéance de nationalité au-delà de celle acquise par la naturalisation ? Je ne crois pas. On ne choisit pas sa nationalité quand on l’acquiert par le sang de ses parents ou par le sol sur lequel on naît.

Nous devons viser le symbole auquel les terroristes, au-delà des vies arrachées, se sont attaqués.

Ce furent, en janvier, la liberté, en particulier celle de la presse, mais aussi l’égalité, garantie par les forces de l’ordre, les policiers, ainsi que la fraternité, puisque des Juifs ont été spécifiquement ciblés.

En novembre, ce furent encore la liberté, l’égalité, la fraternité, nos trois boussoles fauchées à travers notre jeunesse.

C’est donc aux valeurs de la République que les terroristes se sont attaqués, valeurs auxquelles on adhère en étant citoyen français. C’est la citoyenneté qu’il faut déchoir, mes chers collègues. C’est pourquoi, avec une centaine de collègues, nous avons déposé des amendements en ce sens. Je sais qu’au fond de nous-mêmes, tous ici, nous en sommes profondément convaincus.

Convaincus à gauche, nous le sommes tous : c’est notre vision de toujours de l’identité de la France, qui est pour nous républicaine. Être français, ce n’est pas appartenir à une communauté d’origine, mais à une communauté de destin fondée sur l’adhésion aux valeurs de la République.

Convaincus à droite, humanistes, gaullistes, je sais que vous l’êtes nombreux. Certains l’ont dit tout haut, d’autres le pensent tout bas. Unissons-nous, députés, sénateurs, autour de l’idée non pas d’une déchéance de la nationalité, mais des droits attachés à celle-ci.

Cette peine marquera tout autant de façon indélébile la rupture du lien entre les terroristes et les valeurs auxquelles nous adhérons, forgées au cours de notre histoire et qui sont le socle de notre démocratie.

Nous surmonterons ainsi, dans le même temps, deux écueils qu’a rencontrés la proposition initiale. En ne discriminant pas les binationaux, nous respectons l’article premier de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 qui dispose que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » En ne créant pas d’apatrides, nous restons fidèles à la philosophie de la patrie des droits de l’Homme.

Chers collègues de droite, l’unité nationale ne consiste pas, pour nous, à reprendre les idées qui sont les vôtres depuis longtemps…

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