Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 12 janvier 2016 à 18h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense :

Madame Auroi, nous n'avons pas connaissance de plaintes qui auraient été déposées contre les Émirats arabes unis auprès d'instances compétentes. Vous évoquez les rumeurs dans la presse, mais il existe dans ce domaine des procédures internationales. Par ailleurs, notre présence militaire dans ce pays est importante et va bien au-delà des éventuelles ventes d'avions.

S'agissant des actions de formation, Monsieur de La Verpillière, nous avons un groupe d'une centaine de militaires à Erbil, qui forment essentiellement les forces spéciales des Peshmergas. À Bagdad, l'ICTS est instruite par un peloton d'instruction qui vient de la 13e DBLE basée aux Émirats arabes unis, en particulier dans une orientation de lutte contre les Improvised Explosive Devices (IED) – engins explosifs improvisés –, domaine où nous avons malheureusement de l'expérience. La sixième division de l'armée irakienne bénéficie également de notre formation. Les instructeurs, que j'ai rencontrés aux Émirats arabes unis, reviennent du terrain enthousiasmés. Ils sont les seuls, parmi les formateurs, à partager complètement la vie quotidienne des soldats irakiens – détail qui est très apprécié.

Monsieur Vitel, j'attire depuis longtemps l'attention sur la Libye. J'avais annoncé que Daech y viendrait ; c'est chose faite. Désormais, Daech se répand vers le Sud. Pour la première fois, l'on dit aux groupes libyens et à leurs tuteurs et amis que s'ils ne se mettent pas d'accord, c'est Daech qui l'emportera dans leur pays. Cette conscience a aidé à parvenir à un compromis. La résolution des Nations unis et la reconnaissance par le Conseil de sécurité du Premier ministre al-Sarraj constituent une vraie nouveauté. Tous les éléments sont donc réunis pour que les choses avancent, et l'on ne va pas choisir ce moment pour essayer de trouver une autre solution. Nous devons rester dans une logique politique. Si d'aventure le processus n'aboutissait pas, la situation deviendrait bien plus complexe.

Monsieur Lamblin, la posture des Turcs à l'égard des Kurdes relève de la gestion politique interne du gouvernement de M. Erdogan, dont la position a beaucoup varié au cours des dernières années. De plus, l'ensemble kurde est loin d'être homogène, et M. Erdogan semble avoir des relations fortes avec les Kurdes d'Irak, notamment avec M. Barzani qui s'est rendu à Ankara. En revanche, les Kurdes de l'YPG sont associés au PKK qui, malgré des périodes d'ouverture, est considéré comme une organisation terroriste. À ma grande surprise, lors des entretiens que j'ai eus à Ankara la semaine dernière, personne ne m'a parlé des Kurdes, sans doute en raison de la position française sur le sujet. Mais je suis conscient, comme vous, que l'aviation turque intervient contre Daech – de façon parcimonieuse –, mais aussi contre les Kurdes de l'YPG qui eux-mêmes attaquent Daech très fortement et avec beaucoup de succès, comme en témoigne l'opération récente de Tishreen. Cette situation nous oblige à essayer de parler avec tous les interlocuteurs. Nous avons ainsi des relations avec l'YPG, et les Turcs le savent. Nous parlons aussi avec les Turcs, pour essayer de trouver une issue non dramatique à cette crise.

En revanche, je n'ai pas de réponse à votre question concernant l'absence de réfugiés en Arabie saoudite. Les réfugiés vont d'abord au Liban, en Jordanie et en Turquie. Les Jordaniens et les Turcs craignent d'ailleurs que les actions militaires actuelles n'entraînent un afflux de réfugiés pouvant être à l'origine de nouveaux développements ou infiltrations terroristes. En même temps, j'ai été frappé par la qualité du contrôle effectué par l'armée jordanienne sur ses frontières – sa tâche principale.

Monsieur Moyne-Bressand, les moyens de l'État islamique sont connus : les matériels pris aux forces irakiennes – neufs, fournis par les Américains –, les ressources pétrolières, la banque de Mossoul, le trafic d'oeuvres d'art et les ponctions sur les trafics en tout genre et l'impôt sur la population. La manière dont la coalition intervient désormais en Irak limite certaines de ces ressources puisque nous visons les convois et les pôles de ravitaillement.

Notre relation avec les Américains s'est considérablement renforcée sur ce théâtre d'opérations. Je reçois d'ailleurs le Secrétaire à la défense la semaine prochaine. Cela s'est traduit par de nouvelles facilités dans le domaine du renseignement et par une modification des règles d'engagement de la coalition sous commandement américain. Nous frappons désormais des sites industriels et économiques, et tout ce qui relève de la logistique, contrairement au début des opérations où l'on ne visait que des centres d'entraînement et de commandement, de manière très ponctuelle. On passe aujourd'hui à une phase nouvelle. Les Américains viennent de frapper des banques, ce qui représente une avancée ; la coalition bombarde les camions et les sites pétroliers. Les ressources financières de Daech sont donc en train de se réduire. Ses forces sont en recul, même si elles gardent une résilience et bénéficient d'un constant renouvellement. Il faut rester prudent, mais la situation a beaucoup évolué depuis l'été dernier, et dans le bon sens.

Monsieur Voisin, je ne peux pas répondre à votre question car je ne suis pas au courant de cette affaire.

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