Intervention de Yves Goasdoue

Réunion du 11 février 2016 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Goasdoue :

Je vais tâcher — c'est aussi ce que les Français attendent de nous — de faire une intervention sereine et apaisée, en m'en tenant aux faits et au droit. Seule la persistance d'un péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public peut justifier la prorogation de l'état d'urgence jusqu'au 26 mai. Cette condition est-elle remplie ? Le Gouvernement le pense, le Conseil d'État le confirme dans son avis du 2 février dernier, et le groupe Socialiste, républicain et citoyen, au nom duquel je m'exprime, le constate.

Je ne répéterai pas les propos du ministre et du rapporteur, mais, malheureusement, la menace ne perd nullement en intensité. De nombreux Français, présents sur les théâtres d'opérations, pourraient rentrer sur le territoire national pour y perpétrer des actes d'extrême violence et la liste des attentats visant des Occidentaux, et particulièrement des Français, s'allonge partout dans le monde, tandis que l'État islamique et l'ensemble des entités qui lui font allégeance multiplient les menaces à l'endroit de notre pays et de ses ressortissants.

Tout cela est patent, mais, avant de nous prononcer, il faut encore savoir si cette prorogation ménage bien un équilibre entre, d'une part, la sauvegarde des droits et libertés et, d'autre part, la protection de l'ordre et de la sécurité publique.

En ce qui concerne les droits et les libertés, le Conseil d'État répond de manière claire en indiquant que le juge de l'excès de pouvoir s'assure que les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sont « adaptées, nécessaires et proportionnelles à leur finalité ». Il constate par ailleurs que le référé-liberté permet, dans des délais brefs, un débat oral et contradictoire devant un juge qui dispose, à l'égard de l'autorité administrative, de larges pouvoirs de suspension et d'injonction. Les annulations prononcées le démontrent s'il le fallait, même si elles sont rares. De plus, la juridiction judiciaire répressive n'est pas dessaisie puisque, au titre de l'article 111-5 du code pénal, le juge judiciaire apprécie directement la légalité des actes administratifs dès lors qu'ils ont conduit à constater des infractions pénales ou à saisir des éléments de preuve, ce qui est évidemment le cas des perquisitions administratives.

La prorogation de l'état d'urgence est-elle de nature à protéger l'ordre et la sécurité publics ? Les résultats qui nous ont été communiqués ainsi que les travaux qui ont été menés dans le cadre du contrôle parlementaire ne laissent aucun doute, contrairement à ce qui a été dit : le nombre d'interpellations, de mises sous écrou, de saisines d'armes — y compris d'armes de guerre — démontre l'efficacité de cette mesure d'exception dès lors qu'elle s'appuie sur un renseignement efficace et une mise en oeuvre éclairée. L'intensité de la menace ne nous autorise pas à laisser le pays dans une situation de protection inadéquate ou insuffisante.

L'état d'urgence est un état d'exception, et chacun convient qu'il ne peut devenir permanent en raison de la permanence de la menace. Bien entendu, personne ne peut dire quelle sera la situation à l'issue de la seconde période de prorogation ; il est malheureusement probable que la menace terroriste djihadiste n'aura pas disparu le 26 mai prochain. Il est dès lors indispensable de doter la Nation des instruments de droit commun qui permettront de quitter l'état d'urgence tout en faisant face, avec l'efficacité nécessaire, à une menace terroriste qui ne sera pas éradiquée. Sur ce point, le Conseil d'État a estimé : « L'état d'urgence perd son objet, dès lors que s'éloignent les “atteintes graves à l'ordre public” ayant créé le péril imminent ou que sont mis en oeuvre des instruments qui, sans être de même nature […], ont vocation à répondre de façon permanente à la menace qui l'a suscité. » C'est la solution vers laquelle nous devons tendre. Le Conseil d'État fait d'ailleurs directement référence au projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, texte qui sera soumis à notre examen dans quelques jours.

Force est de constater que le maintien de l'état d'urgence est nécessaire et qu'il est encadré de manière à ne pas porter d'atteintes disproportionnées aux libertés publiques et individuelles. En l'état, nous constatons que le Gouvernement anticipe la sortie de l'état d'exception en nous soumettant un texte de droit commun de nature à répondre à une menace de long terme. C'est pourquoi le groupe Socialiste, républicain et citoyen votera cette prorogation.

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