Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du 16 février 2016 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a trois mois, après les attentats de janvier 2015, la France était de nouveau frappée en plein coeur par des attentats terroristes sans précédent, faisant plus de 130 morts et de nombreux blessés. Devant l’ampleur et le caractère coordonné des attaques terroristes commises dans la soirée du 13 novembre, le Gouvernement avait aussitôt déclaré l’état d’urgence, prorogé ensuite pour trois mois par le Parlement.

La loi du 20 novembre 2015 a, rappelons-le, également permis d’adapter notre droit aux nouveaux défis auxquels la France est aujourd’hui confrontée. Le terrorisme, ses causes et ses caractéristiques ont profondément évolué. Nous faisons face à un ennemi d’une nature exceptionnelle, peu visible et tentaculaire. Nous sommes confrontés à un phénomène nouveau qui ne connaît ni frontières ni limites, et dont la menace plane sur l’ensemble de la planète et, naturellement, sur notre territoire. Il est évident que des mesures datant de la guerre d’Algérie n’étaient pas à même de nous mettre en capacité de lutter contre ce fléau. Devant une menace aussi élevée, seul un régime d’exception et une adaptation de la loi de 1955, avec notamment un renforcement du dispositif d’assignation à résidence, pouvaient nous aider à prévenir ces effroyables atteintes à notre sécurité et à l’ordre public.

Nous savons tous pourtant qu’il faudra certainement plusieurs années pour anéantir Daech et Al-Qaïda. Le 19 novembre dernier, à cette même tribune, mon collègue Jean-Christophe Lagarde, comme bon nombre de parlementaires, évoquait la forte probabilité que nous nous retrouvions dans cet hémicycle, dès le mois de février, pour examiner un second projet de loi de prorogation de l’état d’urgence. Nous y sommes. Après le vote de nos collègues sénateurs, la lourde charge nous revient de décider si, oui ou non, l’état d’urgence doit être maintenu jusqu’au 26 mai prochain.

Il ne fait tout d’abord aucun doute que la menace qui pèse sur nos concitoyens demeure, aujourd’hui, aussi élevée qu’il y a trois mois. Cependant, comme l’a indiqué le ministre de l’intérieur lors de son audition par la commission des lois, « ce n’est pas la menace terroriste qui fait l’état d’urgence, c’est le péril imminent ».

En effet, l’article 1er de la loi de 1955 conditionne la déclaration de l’état d’urgence à l’existence d’un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public.

Mes chers collègues, la question est donc la suivante : le péril est-il toujours imminent ? Un examen de la situation actuelle, à l’extérieur comme à l’intérieur de nos frontières, semble répondre de manière évidente à cette interrogation.

Le rapport de la commission des lois sur le présent projet de loi rappelle les tragédies qui se sont produites ces derniers mois. Plusieurs attentats ont été projetés ou perpétrés, au cours des dernières semaines, sur le territoire national ou à l’étranger, au nom d’organisations terroristes telles que Daech ou Al-Qaïda. Si des projets ont pu être déjoués en Belgique et en Allemagne, ce ne fut malheureusement pas le cas à Bamako le 20 novembre, à Istanbul le 12 janvier, à Jakarta le 14 janvier, ni à Ouagadougou le 15 janvier. N’oublions pas non plus que, sur notre territoire, deux projets terroristes ont été déjoués en décembre, à Tours puis dans la région orléanaise, et qu’un autre attentat a été déjoué en janvier dans le 18e arrondissement de Paris. Le 11 janvier, à Marseille, un mineur a blessé à l’arme blanche un professeur de confession juive, avant de revendiquer son acte au nom de l’organisation Daech.

En outre, le nombre de Français qui rejoignent des pays étrangers pour combattre aux côtés des terroristes ne cesse de croître. Ils seraient aujourd’hui 600 à avoir rejoint les rangs de Daech et d’AQMI. Ces 600 individus susceptibles de revenir sur notre territoire font de la France le pays d’Europe le plus directement concerné.

Dans ces circonstances, nous pouvons considérer que l’existence d’un péril imminent est avérée. Le Conseil d’État a d’ailleurs estimé à deux reprises que le péril ayant justifié la déclaration d’état d’urgence le 13 novembre 2015 n’avait pas disparu.

Pour autant, l’examen de ce projet de loi doit être également l’occasion de dresser un bilan de l’état d’urgence déclaré le 14 novembre dernier.

Le bilan des mesures administratives prises dans le cadre de l’état d’urgence est important : 3 379 perquisitions à domicile, 400 assignations à résidence. Nous devons néanmoins nous assurer du respect de l’État de droit durant ces trois mois, et être certains que la République a agi, à chaque fois, dans le respect des règles fondamentales.

Sans nul doute, le Conseil d’État s’est livré à un contrôle plein et entier des mesures prises au titre de l’état d’urgence. Nous constatons que ces mesures ont suscité un contentieux limité en volume.

En outre, le contrôle parlementaire, élément de garantie fondamental dans le cadre d’un régime d’exception, par nature attentatoire aux libertés fondamentales, a permis d’assurer un suivi régulier de ces mesures. Vous le savez, le groupe UDI est très attaché à cette garantie, qu’il a défendue dans le cadre de la révision constitutionnelle.

Il importe que ce suivi et ce contrôle, tant juridictionnel que parlementaire, demeurent effectifs si notre assemblée vient à se prononcer en faveur de la prorogation de l’état d’urgence. Lorsque la République agit dans le cadre de l’état d’urgence, en recourant à des pouvoirs exorbitants du droit commun, l’État de droit doit être respecté.

Enfin, nous devons nous interroger sur la sortie de l’état d’urgence. L’éventualité d’un attentat commis au lendemain de la levée de ce dispositif ne doit pas nous conduire à rester trop longtemps en dehors du cadre du droit commun.

Le moyen de sortir de l’état d’urgence sans baisser la garde est de renforcer et d’actualiser notre arsenal répressif contre les terroristes. Au-delà des symboles, en effet, nous avons avant tout besoin d’outils juridiques efficaces. Nous devons envisager la lutte à moyen et à long termes contre le terrorisme dans le cadre normal de l’État de droit. Pour cela, nous devons doter notre arsenal législatif de moyens suffisants pour assurer une lutte efficace contre le terrorisme.

La législation en vigueur prévoit d’ores et déjà des procédures susceptibles de prendre le relais des mesures de l’état d’urgence : l’interdiction de sortie du territoire, ou encore le blocage administratif de contenus ou sites internet faisant l’apologie du terrorisme. De nouveaux outils juridiques sont toutefois nécessaires pour lutter efficacement contre le terrorisme et permettre une sortie de l’état d’urgence. Des mesures de droit commun doivent être adoptées pour lutter sans discontinuer contre le terrorisme, sans avoir à mettre en oeuvre un régime d’exception qui, par essence, ne pourra répondre à des menaces dont nous connaissons le caractère pérenne. Nous devons notamment prévoir l’éventuel retour sur notre territoire de Français partis faire le djihad. Nous devons également nous assurer que l’assignation à résidence et le contrôle judiciaire empêchent les individus concernés de s’enfuir de notre pays.

Au-delà de la sécurité intérieure, nous devons travailler ensemble sur les causes profondes, sur les racines mêmes de ce mal, et non pas seulement sur ses symptômes.

La prochaine discussion du projet de loi améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale nous donnera, je l’espère, l’occasion d’enrichir notre arsenal législatif sur ces points.

Dans cette perspective, mes chers collègues, vous aurez compris que le groupe UDI votera en faveur de ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion