Intervention de Hugues Fourage

Séance en hémicycle du 16 février 2016 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHugues Fourage :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis est simple dans son intention : il vise à proroger l’état d’urgence instauré par le décret du 14 novembre 2015 et déjà prorogé par la loi du 20 novembre 2015. Simple dans son intention et simple dans son dispositif, puisque le projet de loi dont nous débattons comporte un seul article.

En réalité, il renvoie à notre sens à plusieurs questions fondamentales, auxquelles il convient de répondre : celles, bien entendu, de la nécessité de la prorogation, qui exige de notre part d’analyser si perdurent les conditions qui ont prévalu à l’instauration de l’état d’urgence.

La première prorogation, votée une semaine après les attentats à la quasi-unanimité de notre assemblée, s’est imposée comme une évidence, tant il fallait une réponse forte, ferme, déterminée et durable face aux actes barbares qui ont endeuillé notre pays. Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour en contester le principe. Pourtant, l’état d’urgence n’est pas le contraire de l’État de droit : il en est le défenseur parce qu’il agit comme un bouclier, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre de l’intérieur.

Certains voient dans l’état d’urgence un état d’exception qui irait à l’encontre de la protection des libertés fondamentales. Mais la sécurité de tous est aussi une liberté fondamentale. L’état d’urgence n’est pas un état d’exception : c’est une réponse exceptionnelle à des circonstances qui le sont tout autant. L’état d’urgence n’est pas synonyme d’arbitraire : ses motifs, sa déclaration, sa prorogation, son contrôle par notre assemblée, que nous avons institué, et son contrôle approfondi par le juge administratif sont autant de garanties données à nos concitoyens.

Le Gouvernement a fait preuve de discernement et de mesure dans sa gestion de l’état d’urgence. Aucune liberté publique n’a été affectée. Alors que les recours n’ont pas manqué, la justice administrative n’a suspendu qu’un très petit nombre d’actes. En outre, sur 400 assignations à résidence prononcées par les préfets, onze seulement ont été suspendues, dont dix à l’initiative du ministère lui-même.

La légitimité de la mise en oeuvre de cette mesure est consubstantielle à son caractère exceptionnel et temporaire. Dans sa décision du 27 janvier, le Conseil d’État a défini l’état d’urgence comme « un régime de pouvoirs exceptionnels » dont les effets, « dans un État de droit, sont par nature limités dans le temps et dans l’espace ». Dans son avis consultatif du 3 février, ce même Conseil d’État a reconnu lui-même les fondements de la prorogation en soulignant la persistance d’un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, dès lors que « les liens entre le terrorisme intérieur et le terrorisme dirigé depuis l’étranger contre la France n’ont rien perdu de leur intensité ». Il poursuit son analyse de la situation en indiquant que « des actions terroristes de moindre ampleur qu’avant l’instauration de l’état d’urgence, mais pareillement inspirées, continuent de se produire sur le sol national, illustrant la persistance de la menace ».

Certes, j’entends certains évoquer, ici ou là, quelques mesures ou procédés ayant fait l’objet de contestations ou d’applications disproportionnées, mais ces dernières restent marginales et ne remettent pas en cause le principe. De plus, des correctifs ont été apportés, notamment, monsieur le ministre, dans le cadre de la circulaire du 25 novembre que vous avez adressée aux préfets.

S’il apparaît aujourd’hui nécessaire de proroger l’état d’urgence, la question des modalités de sortie se posera, dans un avenir proche, avec encore plus d’acuité, car l’état d’urgence n’est pas un état permanent, mais temporaire. Nous avons bien conscience de la difficulté d’en sortir, y compris en termes de responsabilités pour l’exécutif : que dirions-nous si un attentat survenait quelques jours après la sortie de l’état d’urgence ?

Cette sortie n’est pas à l’ordre du jour, au regard des éléments que nous avons mentionnés. Reste que vous la préparez, monsieur le ministre : vous nous l’avez rappelé à l’instant. Le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale viendra renforcer l’arsenal que notre majorité a mis en place depuis 2012.

En matière de terrorisme, François Mitterrand disait qu’il fallait « tout faire, sauf céder ». C’est ce que nous faisons aujourd’hui, afin de « ne pas subir », comme le disait un célèbre Vendéen issu de ma circonscription, de Lattre de Tassigny.

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