Intervention de Diana Filippova

Réunion du 4 février 2016 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Diana Filippova :

Les travailleurs indépendants, ce sont 12 % de la population active. Le RSI revient à faire peser sur le travailleur indépendant toute l'horreur de la bureaucratie à l'état pur, comme pour bien lui rappeler qu'il n'est pas dans la norme. C'est aussi le rapport entre l'État et l'individu qui s'y joue.

Je pense qu'une réforme du droit du travail est aujourd'hui nécessaire, tout le monde en est d'accord, tout le monde en parle, des chantiers sont en cours, et ce sera fait. La question est d'imaginer ce que peut être un futur droit du travail : est-ce un droit du travail au sens large du terme « travail », incluant les personnes indépendantes, les free-lances, les personnes sur les plateformes ? Ou bien se focalise-t-on encore une fois sur le salarié ? À mon avis, il faut élargir la réflexion à tous les travailleurs, en dépoussiérant le mot de ses connotations idéologiques. Le travailleur, c'est quelqu'un qui travaille, et nous sommes tous, d'une façon ou d'une autre, des travailleurs, nous sommes tous producteurs dans cette société, nous coproduisons cette société. Le but premier de l'homme, c'est de se reproduire, et de reproduire la société dans laquelle il vit. Il ne faut plus considérer que ceux qui n'entrent plus dans la norme du salariat ne méritent pas de protection.

Du coup, la question devient beaucoup plus large : comment recréer un droit du travail qui s'éloigne de tout ce qu'on connaît, de tout l'héritage de la deuxième révolution industrielle, tout en gardant à l'esprit que les risques de domination et d'exploitation – pardon pour ce langage encore un peu connoté – ne sont pas plus faibles qu'auparavant, bien au contraire. À l'heure où les choses vont beaucoup plus vite, à l'heure où les plateformes sont capables de s'organiser d'une manière beaucoup plus fluide, les risques d'extraction de valeur ne sont pas du tout moindres. Cette tension ouvre un chantier qui excède le droit du travail : il s'agit de parvenir, à moyen terme, à un équilibre entre, d'une part, la fluidité, la liberté, l'incitation et l'autonomie, qui font peser de nouveaux risques sur les individus, et, d'autre part, une protection des travailleurs remise au goût du jour dans une société où le capital est encore réparti d'une manière totalement inégale.

J'en viens à votre question sur le contrôle, l'autonomie et le mutualisme. En fait, comment encourager la redistribution des moyens de production, faire en sorte que le travailleur ait aussi les moyens de devenir producteurs ? Cela peut se faire à trois niveaux. Le premier, c'est celui de la plateforme. Pour moi, le paritarisme, ce n'est rien d'autre, dans notre langage, que la gouvernance distribuée, cette gouvernance commune entre différentes parties prenantes qui ont des intérêts divergents et des intérêts communs. Comment trouver des arbitrages qui arrangent tout le monde ? C'est l'objectif d'une plateforme coopérative, d'une plateforme qui va impliquer les participants dans la prise de décision. Voilà un modèle qui prend place à l'intérieur de l'économie collaborative.

Ensuite, évidemment, la question est de savoir, dans un monde où le travail se fait de plus en plus rare et où celui qui détient du capital – capital monétaire, capital technologique, capital intellectuel, etc. – est incroyablement avantagé, comment répartir ce capital de façon plus équitable ? Par des politiques fiscales, des politiques de redistribution, comme nous en connaissons déjà, mais également par des politiques de formation, de reclassement, d'éducation, notamment des politiques d'éducation supérieure et de formation entre deux emplois.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion