Intervention de Diana Filippova

Réunion du 4 février 2016 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Diana Filippova :

Je ne suis pas non plus trop fan de l'idée selon laquelle la génération Y aurait un cerveau alien, organisé différemment… Ce qui nous relie tous, en tout cas, quand même, c'est que nous sommes entrés sur le marché du travail à un moment de rupture, de crise importante. En fait, notre point commun, c'est une dissonance cognitive forte, entre les promesses qu'on nous avait faites à l'entrée dans les écoles supérieures, les aspirations des années 2000, et la réalité apprise à la dure quand nous avons commencé à travailler. Cela, effectivement, vous marque une génération : cette déconnexion entre une idée de l'entreprise comme lieu d'évolution et de carrière et une réalité faite de tâches inintéressantes. Cela nous rassemble, nous qui faisons pourtant partie des diplômés, des privilégiés.

Pour ceux sortis de l'école depuis des années, les choses ne font qu'empirer progressivement, et on ne les écoute pas. Ce sont les jeunes de banlieue qu'il faudrait interroger ici. En tout cas, ils ont probablement des choses à dire que je ne pourrai jamais dire parce que je ne sais rien de leur réalité, que je n'ai pas vécue. C'est sur eux aussi qu'il faut porter l'attention. Comme les autres outsiders, ce sont des forces vives de la nation qui ne sont pas employées à leur plein potentiel. Et j'ai l'impression que se concentrer sur les diplômés, sur la génération Y qui abandonne l'entreprise, est parfois une façon de passer à la trappe tous ces invisibles, parce que cela fait trente ans qu'on en parle, parce que, déjà dans les années quatre-vingt-dix, on parlait de la fin de l'école républicaine, etc. Ce débat mérite pourtant d'être rouvert, cela concerne aussi le travail ; ce sont des exclus, ce sont des trappes à pauvreté, c'est de la déperdition de talents.

La question de la porosité de la vie privée et de la vie personnelle est extrêmement importante. Beaucoup de travailleurs sont en souffrance parce qu'ils ne peuvent pas faire de pause et qu'il leur faut être connectés en permanence, mais je ne suis pas sûr qu'une réponse centralisée, étatique, puisse être la solution. C'est une question d'éthique qui se pose avec une forte acuité à l'entreprise elle-même. Microsoft, où je travaille actuellement, pratique ainsi une éthique de déconnexion : il n'y a pas de réunion après dix-huit heures.

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