Intervention de Diana Filippova

Réunion du 4 février 2016 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Diana Filippova :

Les gens y respectent une charte de bonne conduite. Évidemment, vous pouvez travailler après dix-neuf heures si vous en avez envie, mais êtes-vous contraint de le faire ? Y a-t-il des contraintes insidieuses, des contraintes qui s'insinuent ? Cela renvoie à Michel Foucault : il n'y a pas besoin de normes obligatoires, il suffit de quelques normes tacites qui s'insinuent dans votre vie – c'est d'ailleurs ainsi que les normes fonctionnent dans le monde d'aujourd'hui, et qu'elles fonctionneront demain. Je pense que cela passe par l'éducation, l'éducation des entreprises, l'éducation des enfants, une discipline personnelle. Et, à cet égard, il y a une claire différence, en termes de niveau de formation et de confiance en soi, entre le travailleur qui sait très bien qu'il retrouvera du travail s'il se fait licencier pour s'être déconnecté et celui qui, une fois exclu de sa plateforme, ne pourra retrouver du travail.

On retrouve les segmentations, en termes de classes sociales et de niveau de diplôme, qu'on a toujours connues. Toutes les questions ne sont pas nouvelles. De très nombreuses études sociologiques et économiques ont été menées, qu'il serait intéressant de remettre au goût du jour, d'adapter à cette nouvelle forme d'économie qui apparaît, ces nouveaux fonctionnements, pour ne pas perdre tout un pan des sciences sociales et économiques, qui ont quand même beaucoup étudié ces questions de reproduction sociale, de segmentation entre classes, de différence entre les héritiers et les autres, entre ceux qui détiennent le capital économique et culturel et ceux qui ne le détiennent pas.

Nous sommes très déprimants, je vous l'accorde… Je ne veux pas du tout plaider pour Uber, mais n'oublions pas qu'Uber a quand même donné du travail à un nombre considérable de jeunes et de moins jeunes, de pères de famille et de mères de famille de banlieue. Ils le font à l'américaine parce que c'est une boîte américaine, mais ils le font quand même, et avec détermination, parce qu'ils savent très bien que si cela ne fonctionne pas, ils risquent de perdre ce monopole sur lequel repose leur modèle.

C'est aussi quelque chose qui nous gêne : comment donc ? une entreprise privée remplit le rôle de l'État ? Oui, effectivement, dans un cas précis, qui est celui de permettre d'accéder à un travail qui ne demande pas énormément de qualification, dans un secteur protégé pour des raisons qui ne sont plus qu'historiques, idéologiques, non rationnelles, qui ne se justifient pas par des contraintes de pure sécurité. Dans ce domaine, une entreprise a montré qu'on pouvait fonctionner autrement. Je ne préjuge pas du tout du futur de la réglementation, mais cela devrait nous inciter à nous interroger sur la manière dont les choses évoluent aujourd'hui.

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