Intervention de Myriam El Khomri

Réunion du 16 février 2016 à 16h15
Mission d'information commune sur l'application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social :

Monsieur le président, avant d'en venir au travail du dimanche, permettez-moi de vous répondre s'agissant des questions que vous m'avez posées sur les prud'hommes.

Jusqu'à la fin de leur mandat actuel, en décembre 2017, la formation continue des conseils des prud'hommes continuera d'être financée par le ministère du travail, grâce aux conventions passées avec des organismes agréés. J'ai souhaité soutenir cette formation en maintenant son financement à hauteur de 7,75 millions d'euros, ce qui correspond à 31 000 journées de formation. En 2018, les nouveaux conseillers prud'homaux bénéficieront toujours de cette formation, à laquelle s'ajoutera une formation initiale de cinq jours – il s'agit d'une innovation apportée par la loi du 6 août 2015 –, intégralement prise en charge sur le budget de l'État. Son objectif n'est pas d'apporter une formation syndicale, mais de dispenser aux futurs conseillers les compétences et les connaissances de base relatives à la fonction de juge, à la procédure, à la déontologie ou au cadre juridique général. Ces formations seront communes pour les salariés et les employeurs. Elles seront dispensées par l'École nationale de la magistrature (ENM).

Le décret relatif à la formation initiale des conseillers prud'homaux relève de la compétence du ministère de la justice. Il doit fixer les modalités de contrôle et de sanction des conseillers qui ne respectent pas leur obligation de formation. Ce texte sera pris au premier semestre 2016, mais il ne s'appliquera qu'aux nouveaux conseillers, en 2018.

Monsieur Travert, nous avons publié, le 18 septembre dernier, sur le site internet du ministère du travail, une fiche explicative intitulée : « Le travail du dimanche ». Elle présente et elle explicite les nouvelles dispositions relatives aux dérogations au repos dominical. Ce document a pour vocation d'informer les employeurs et les salariés sur le droit applicable. Nous avons toutefois constaté que des disparités existaient en termes d'information – de nombreux députés ont appelé notre attention sur ce point. Après avoir évoqué le sujet avec les préfets de région et les DIRECCTE que je rencontre sur le terrain et avec lesquels je discute tous les mois par visioconférence, j'envisage de mettre en place des actions d'information ciblant en particulier les petites entreprises et les maires. Mes services conduisent actuellement une enquête auprès de ces derniers afin de savoir comment ils se sont approprié la nouvelle législation, s'agissant notamment des « dimanches du maire ». Dans l'ensemble, l'obligation de déduire du nombre des dimanches désignés par le maire les jours fériés travaillés, dans la limite de trois, a été bien comprise. Selon les résultats de l'enquête, nous apporterons les précisions nécessaires, et je suis prête à rédiger une instruction sur le sujet. Il est vrai que certains rencontrent parfois des difficultés à s'emparer de la totalité des informations.

À ce stade, mes services n'ont pas connaissance de problèmes particuliers liés aux compensations prévues pour le travail du dimanche dans le commerce de détail et pour les franchisés. Nous sommes très vigilants en la matière, car je tiens à ce que tous les salariés concernés par le travail du dimanche bénéficient des contreparties prévues, notamment salariales.

J'estime que le contrôle et les sanctions sont efficaces et adaptés. Les services de l'inspection du travail n'hésitent pas à dresser des procès-verbaux et à introduire des référés lorsqu'ils constatent des ouvertures dominicales illégales. En 2014, cent quarante-six procès-verbaux ont été dressés pour non-respect des dispositions relatives à l'emploi de salariés après 13h00 le dimanche, et soixante-treize procédures de référé ont été lancées pour non-respect du repos dominical.

Des commerces pourraient, comme vous l'indiquez, réfléchir à des stratégies de relocalisation leur permettant de bénéficier de la possibilité d'ouvrir le dimanche, et des effets d'aubaine pourraient en résulter. Il me semble toutefois qu'il est trop tôt pour faire des constats en la matière. Je rappelle que la relocalisation d'une grande surface demande des délais qui peuvent atteindre plusieurs années, et qu'elle implique des coûts importants. Nous sommes évidemment très vigilants sur ce sujet.

Les services du ministère et toutes les DIRECCTE sont sensibilisés sur chacun des points sur lesquels je vous ai dit notre vigilance. Ils doivent faire remonter toutes les informations sur ces sujets afin que nous puissions réagir. Ces questions sont traitées dans l'enquête que j'ai évoquée.

À mon sens, la décision du tribunal administratif de Pau ne remet pas en cause la pertinence des arrêtés de fermeture qui constituent des outils utiles pour réguler la concurrence à l'échelle locale. Cette décision ne fait que confirmer une jurisprudence plutôt constante du Conseil d'État : avant de prendre un arrêté de fermeture, le préfet doit consulter l'ensemble des entreprises concernées, quels que soient leur taille, leur activité principale, leur statut ou leur organisation.

Mes services ne m'ont pas informée de l'existence de contentieux ni même de contestation visant des arrêtés municipaux qui ne prévoiraient pas les modalités d'attribution du repos compensateur dans le cadre des « dimanches du maire ». La loi n'avait d'ailleurs pas été modifiée sur ce point. Ce sujet suscite, quoi qu'il en soit, notre vigilance et fait l'objet des contrôles mis en oeuvre.

Madame Carrey-Conte, deux projets de délimitation de ZTI sont en cours d'instruction concernant les villes de Dijon et de La Baule. La ville de Marseille a manifesté son intention de demander un classement en ZTI, mais elle n'a pas encore présenté de dossier. En tout état de cause, je suis extrêmement attentive à ce que l'ensemble des textes soient pris en concertation avec les élus et les partenaires sociaux. Cette méthode a été scrupuleusement respectée jusqu'ici ; elle le sera pour tous les nouveaux projets de ZTI.

Nous avons suggéré la création d'un observatoire du travail dominical à Paris, en lien avec l'État, pour mesurer les effets de l'ouverture du dimanche sur l'emploi et sur le commerce de proximité, mais également parce qu'elle produit des coûts induits. Certaines charges inhérentes à l'augmentation de la fréquentation des quartiers concernés devront être supportées par la ville, par exemple en termes de sécurité ou de propreté. Il est sain que ces coûts soient analysés de façon transparente.

Monsieur Travert, vous m'avez interrogée sur les démonstrateurs. Tous les salariés qui travaillent le dimanche doivent bénéficier de contreparties. Elles doivent être négociées par les syndicats qui les représentent. Les choses sont claires. C'est d'ailleurs parce que ces contreparties n'étaient pas prévues pour les démonstrateurs que les salariés du BHV Marais se sont prononcés, en novembre dernier, contre la signature dans leur établissement d'un accord sur le travail dominical – les démonstrateurs votaient dans la même urne que les salariés. La loi prévoit que tous les salariés couverts par un accord collectif pour travailler le dimanche doivent bénéficier de contreparties : il ne faut pas évincer les démonstrateurs. Il faudra tirer un bilan de cette expérience. Il est cependant vrai que l'accord obtenu dans l'entreprise où travaillent physiquement les démonstrateurs ne peut pas concerner ces derniers puisqu'ils relèvent d'autres employeurs. L'accord inter-entreprises, prévu dans le projet de loi que je vous présenterai d'ici à quelques semaines, pourra apporter une réponse spécifique à ce problème.

Vous m'avez interrogée sur la négociation collective. Dans le cadre du texte que je défendrai devant vous, afin d'ouvrir le champ des négociations, je souhaite renforcer la légitimité des accords, ce qui ne peut se faire que dans le respect du principe majoritaire. J'ai évoqué dans mon exposé liminaire une proposition nouvelle à ce sujet qui ouvre une deuxième voie : en cas d'accord des organisations syndicales représentant 30 % des salariés, ces dernières pourront demander une consultation des salariés. L'accord sera alors valide si 50 % des salariés se prononcent en sa faveur. Dans le cadre de mon projet de loi, qui vise à revivifier la négociation collective, une restructuration des branches est également essentielle : leur nombre passerait de sept cents à quatre cents d'ici à la fin de l'année, voire à deux cents dans les trois prochaines années. Je note que certaines organisations syndicales trouvent cette deuxième voie intéressante. J'insiste sur le fait que je ne propose pas ce dispositif afin de traiter des accords relatifs au travail du dimanche, mais bien, de façon globale, pour préciser la définition de l'accord majoritaire.

Monsieur Cherpion, la loi a aménagé un régime transitoire pour que les zones touristiques qui préexistaient puissent s'adapter. Elle garantit des contreparties aux salariés qui n'en disposaient pas, ce qui permettra aussi d'améliorer les conditions de la concurrence. Des négociations sont en cours. Je reste vigilante, mais j'estime qu'il est trop tôt pour dresser un bilan.

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