Intervention de Patrick Devedjian

Réunion du 17 février 2016 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Devedjian :

Les fiches S sont établies de manière incontrôlée, incontrôlable, voire aléatoire. Une haute autorité – je ne préciserai pas laquelle pour ne pas lui nuire – m'a indiqué que les deux tiers des inscriptions étaient extrêmement discutables.

Ce qui est choquant dans cette procédure, c'est que le seul fait pour ces gens d'être inscrit sur une fiche S vaut réduction de leurs droits : ils pourront être « retenus » pendant quatre heures, autrement dit subir une atteinte à leur liberté d'aller et venir. Il me paraît utile ici, n'en déplaise au Conseil d'État et au Conseil constitutionnel, de rappeler la définition de la liberté telle qu'elle figure à l'article 4 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Point final !

Je suis scandalisé par la distinction totalement arbitraire opérée par le Conseil constitutionnel entre privation de liberté et restriction de liberté, qui voudrait qu'en dessous de douze heures d'assignation à résidence, il n'y aurait pas d'atteinte aux droits garantis par l'article 66 de la Constitution. Je conteste cette jurisprudence : elle est en contradiction totale avec l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme.

Cette distinction était déjà très discutable quand elle restait du domaine de la théorie. La voilà maintenant intégrée dans la pratique quotidienne des forces de l'ordre, elle est inacceptable : ce sont les libertés individuelles mêmes qui sont mises en cause, sans qu'aucun contrôle ne s'exerce. La personne concernée ne peut même pas savoir pourquoi elle a fait l'objet d'une inscription au fichier S !

Des contentieux devant la juridiction administrative sont en cours et j'ai la conviction que certains recours aboutiront. Je citerai le cas d'une personne qui a été retenue pendant quatre heures et a fait l'objet d'une perquisition simplement parce qu'elle avait montré du doigt un policier, lequel a interprété ce geste comme une menace au motif qu'il simulait un pistolet !

Des conduites aussi banales que celle-ci peuvent aboutir à des mesures attentatoires à la liberté particulièrement graves. La lutte contre le terrorisme est une chose, mais la fin ne justifie par les moyens.

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