Intervention de Pascal Popelin

Séance en hémicycle du 2 mars 2016 à 21h30
Lutte contre le crime organisé le terrorisme et leur financement — Après l'article 21

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur Lellouche, je vais m’efforcer de vous répondre du mieux possible, sans aucunement balayer d’un revers de main votre proposition. Je comprends votre préoccupation, je perçois les objectifs de votre amendement, j’entends les éléments de comparaison que vous nous fournissez mais, en même temps, je mesure l’immense difficulté que pose cette mesure, tant d’un point de vue juridique que pratique.

À ma connaissance, des recommandations existent déjà s’agissant des précautions utiles à prendre pour l’accès à des lieux fréquentés par le public, ce qui est une première chose. L’introduction de cette obligation dans la loi en est une autre. Votre amendement vise à instaurer l’obligation de prévoir une protection de tout lieu accueillant du public d’une surface supérieure à 400 mètres carrés, assortie de la fouille des effets personnels de toute personne souhaitant y accéder. Il me semble que c’est une proposition extrêmement globalisante, formulée de manière trop générale et imprécise.

Elle est d’abord trop générale, car l’obligation de faire assurer la surveillance de certains lieux, qu’il s’agisse de locaux administratifs ou de surfaces commerciales, est déjà prévue par l’article L. 271-1 du code de la sécurité intérieure, lorsque l’importance de ces immeubles ou leur situation justifie que soient prises des « mesures permettant d’éviter les risques manifestes pour la sécurité et la tranquillité des locaux ». Votre amendement fixe un seuil bien en deçà des 3 000 à 6 000 mètres carrés mentionnés à l’article R 273-1 du même code, selon qu’il s’agisse de commerces de détail ou de centres commerciaux. En deçà de ces seuils, il est bien sûr possible, voire souhaitable, selon les cas, de prendre des mesures, mais il me semble qu’elles doivent plutôt être décidées au cas par cas, selon la réalité, l’enjeu et les risques, que systématisées dans la loi ; cette inscription légale imposerait par ailleurs aux propriétaires des obligations, soit inappliquées – mais sanctionnables –, soit inapplicables. Il y a donc là une vraie difficulté.

Votre proposition est également formulée de manière trop imprécise. L’amendement prévoit la fouille systématique des effets personnels de toute personne souhaitant accéder à ces lieux : il y aurait là, aux yeux, me semble-t-il, de toute juridiction, une atteinte manifestement disproportionnée au principe de liberté d’aller et de venir.

Par ailleurs, il n’est fait aucune distinction quant à la qualité des personnes qui ont accès aux sites. Imposerait-on aussi la fouille systématique et quotidienne aux personnes qui travaillent dans ce lieu ? À défaut, le dispositif présenterait une faille, au regard de la logique que vous poursuivez. Mais une telle mesure paraîtrait manifestement disproportionnée.

Bref, monsieur Lellouche, je ne rejette pas d’un revers de main ce que vous proposez. Il me semble que, dans de nombreux cas, ce sont des mesures souhaitables, qu’il faut encourager. Mais l’écrire dans la loi, tel que vous le souhaitez, ne me paraît pas la réponse la plus adaptée aux périls face auxquels nous nous efforçons de nous protéger. Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

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