Intervention de Jacques Bompard

Réunion du 2 mars 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Bompard :

Il est plutôt louable de vouloir faire appliquer le droit individuel à la formation des élus locaux, mais cette initiative manque, à mon sens, de pragmatisme.

L'application de la loi NOTRe est encore difficile tant les choses sont complexes, le tissu des élus locaux étant heurté par les tiraillements entre le jacobinisme de l'État et la dépréciation de leur statut dans l'opinion publique. Je pense ainsi aux intercommunalités : leurs décisions sont encore régulièrement cassées, notamment du fait des trous noirs de la clause de compétence, et bien des élus ne comprennent qu'imparfaitement les décisions prises dans ces assemblées — les juristes ne font d'ailleurs pas mieux. Entre la pression des préfets, les arnaques des découpages territoriaux, la création d'administrations supplémentaires loin de la promesse de collaboration des communes, bien des nouveaux ensembles ne remplissent pas leur rôle.

Alors que toutes ces questions ne sont pas encore réglées, il nous faut déjà légiférer sur le droit à la formation. Cet empressement met en exergue le drame de la « représentativité » politique. Pourtant, ce n'est pas en renforçant la formation qu'on améliorera la diversité des profils et des professions des élus, mais en revenant sur des modes de scrutin et des ambiances électorales qui n'ont que peu à voir avec la démocratie.

L'article 3 entend bien intégrer les EPCI, les départements et les régions, ce qui ne va rien simplifier. Prenons l'exemple des élus régionaux qui sont issus de scrutins de liste dans des structures politiques éloignées des électeurs. Comment peut-on comprendre qu'il faille augmenter l'aide à la formation de ces élus ? Ils devraient être à ce point qualifiés au moment de leur élection qu'ils n'aient aucun problème à oeuvrer par la suite. En agissant de la sorte, le législateur valide, de fait, une analyse qui n'est pas récente et qui constate le nivellement par le bas dû au poids des partis, et l'intrusion de l'image et de la marche médiatique contre la capacité de gestion : aujourd'hui, on ne juge plus les hommes !

Chacun sait aussi que la formation des élus pose d'énormes problèmes de destination des fonds et d'organisation partisane de cette formation. Les Français s'en plaignent ; la presse s'en fait très régulièrement l'écho. Ne faudrait-il pas commencer par réformer ce modèle pour assurer une plus grande transparence ?

Procédons par étapes : réduisons la dictature des partis, supprimons les compétences cumulées, réduisons l'intrusion de l'État dans les libertés locales, et les élus pourront se questionner sur leur formation ! Pour conclure, légiférons moins et mieux et, surtout, élaguons largement la forêt inextricable de textes et de lois en vigueur. Il s'agit de la première urgence à laquelle nous devons nous attacher.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion