Intervention de Colette Capdevielle

Réunion du 2 mars 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle :

Ce n'est pas tous les jours, en effet, que nous examinons des textes qui bousculent à ce point notre droit pénal !

Cette proposition de loi ne comprend que trois articles, d'ailleurs extrêmement bien rédigés, mais elle aura des conséquences inversement proportionnelles à sa taille. La différence entre la prescription de l'action publique et la prescription des peines est essentielle, et votre texte ne les confond pas.

Je vous félicite d'avoir accomplir ce travail difficile. Nous sommes en effet à la croisée des chemins : le pardon fait partie de notre droit, mais nous glissons vers l'imprescriptibilité. Il n'est aujourd'hui pas facile de traiter de ces questions, et vous avez su le faire.

À mon sens, il faut absolument conserver la notion de prescription — tant la prescription de l'action publique que celle des peines — dans notre procédure pénale, et cela même si l'opinion publique n'y est pas favorable. C'est de toute façon indispensable pour respecter nos engagements conventionnels, notamment la Convention européenne des droits de l'homme — M. Devedjian l'a dit : tous les justiciables ont le droit d'être jugés dans un délai raisonnable. Cette question est cruciale, et il en va de même pour l'exécution des peines.

Dans notre tradition pénale, la prescription a un sens : nous sommes heureusement très loin de rendre toutes les infractions imprescriptibles. Cette loi sera votée, je pense, et elle remplacera des lois très anciennes : elle restera sans doute longtemps dans notre droit pénal. Je ne partage pas, monsieur le rapporteur, votre opinion sur l'idée que nous allons vers une imprescriptibilité. Ce serait à mon sens une erreur grave — mais vous connaissez le sujet mieux que moi.

Vous ne touchez pas aux principes fondamentaux de la prescription, qui demeure fonction des catégories d'infraction — contraventions, délits, crimes.

Vous êtes partis d'un constat que nous pouvons tous partager : nos règles sont devenues illisibles, et l'on voit se développer des stratégies judiciaires assez choquantes. Le législateur — en augmentant les délais de prescription pour certaines infractions —, mais aussi la jurisprudence ont créé beaucoup de confusion. Ici même, récemment encore, certains voulaient allonger les délais pour des infractions commises, par exemple, sur des mineurs, voire les rendre imprescriptibles. Notre système a perdu toute cohérence.

Il était temps de le clarifier et de le moderniser, et je vous remercie de cette proposition de loi. Nous admettons en effet moins facilement qu'auparavant le pardon légal, et il est vrai que la preuve judiciaire a énormément changé. Les principales mesures de la proposition de loi me semblent donc aller dans le bon sens, et cet allongement des délais est demandé. Clarifier les modalités de computation des délais est également important, comme me paraissent raisonnables vos propositions en matière de prescription des peines. Rappelons-nous toutefois que, pour les infractions les plus graves, les délais sont déjà allongés : je pense notamment au terrorisme et au trafic de stupéfiants.

Le groupe Socialiste, républicain et citoyen votera ce texte, une fois adoptés les amendements que vous proposez.

Toutefois, je m'interroge sur l'application de ce texte. Le Conseil d'État a été saisi par le Président de l'Assemblée nationale sur le fondement du dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution. Le Conseil vous invite notamment à préciser les modalités d'entrée en vigueur de la disposition qui prévoit la suppression du report du point de départ du délai de prescription pour certaines infractions commises sur des personnes vulnérables. Pouvez-vous préciser les conditions d'entrée en vigueur de la loi ? Les affaires en cours seront-elles affectées ? Des éclaircissements me paraissent indispensables.

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