Intervention de Isabelle Le Callennec

Réunion du 2 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Le Callennec :

Cette proposition de loi présentée par notre collègue Dominique Orliac tend à faire évoluer l'article L. 1225-4 du code du travail. Cet article interdit à un employeur de rompre le contrat de travail d'une salariée en état de grossesse lors des dix semaines de congé maternité qui suivent la naissance de l'enfant ainsi que pendant une période de quatre semaines suivant son retour au travail.

L'article 1er du texte veut porter cette période de quatre à dix semaines. L'exposé des motifs souligne que, du fait de leur absence, les femmes de retour de congé maternité peuvent avoir besoin de plus de quatre semaines pour prouver à leur employeur leur volonté et leur motivation renouvelées. Certaines doivent se reconstituer une clientèle, telles les commerciales, d'autres doivent effectuer une remise à niveau, comme celles qui travaillent dans des métiers liés aux nouvelles technologies. Dans son avis rendu le 24 février dernier, le Défenseur des droits considère que cet article 1er constituerait un moyen juridique pertinent pour remédier à ces situations.

Il faut reconnaître que chez certains de nos voisins européens, la période de protection est plus longue que quatre semaines : six semaines en Allemagne, jusqu'aux neuf mois de l'enfant en Espagne et jusqu'aux douze mois de l'enfant en Italie.

L'article 1er inscrit également dans la loi une jurisprudence récente de la chambre sociale de la Cour de cassation précisant qu'en cas de prise de congés payés à la suite du congé de maternité, la période de protection ne prend effet qu'à l'issue des congés pris et donc au retour de la salariée au travail.

Pour ma part, je continue à me poser la question des naissances prématurées, mais nous aurons l'occasion d'en débattre puisque, à ma demande, notre assemblée a accepté la constitution d'un groupe d'études sur les prématurés ; je vous remercie, madame la présidente, d'avoir soutenu cette démarche.

Précision importante au sujet de l'article 1er : il ne remet pas en cause la possibilité pour l'employeur d'effectuer un licenciement pour faute grave ou pour un motif non lié à la grossesse, à l'accouchement ou à l'adoption, comme un motif économique par exemple.

L'article 2 modifie l'article L. 1225-4-1, résultant de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité entre les femmes et les hommes, qui étend au père ou au deuxième parent l'interdiction d'une rupture de contrat pendant les quatre semaines suivant la naissance d'un enfant. Votre proposition de loi propose de porter cette période à dix semaines.

Les discriminations sont bien réelles comme le montrent les statistiques que vous avez rappelées, madame la rapporteure.

La première question que s'est posée le groupe Les Républicains à la lecture de votre proposition de loi a été de savoir si le nombre de litiges sur les licenciements qui seraient effectués après la période actuelle de quatre semaines suivant le retour de congé de maternité était à ce point significatif.

La deuxième interrogation porte sur la durée : pourquoi dix semaines ? Pourquoi pas six comme en Allemagne ?

La troisième remarque porte sur l'article 2. Autant les arguments avancés pour la mère pourraient s'entendre – difficultés de reprise du poste compte tenu de l'évolution de l'emploi, moindres résultats commerciaux à la reprise –, autant ils ne sont plus fondés dès lors qu'il s'agit du père ou du deuxième parent qui n'arrêterait son activité que très peu de temps à l'occasion d'une naissance. À moins que cet article ne trouve sa justification dans la prévention d'un éventuel risque de rupture d'égalité entre les hommes et les femmes, car il manque de cohérence au regard de la transcription de la jurisprudence de la chambre sociale : le quatrième alinéa prévoyant logiquement que les pères ne bénéficient pas d'un congé maternité.

Par ailleurs, je ne sais, Madame la rapporteure si votre proposition a été rédigée avant ou après l'annonce du projet de loi que doit défendre la ministre du travail, et qui n'a toujours pas été présenté en conseil des ministres, mais a déjà beaucoup fait parler de lui. Son intitulé a également été modifié puisqu'il ne s'agit plus d'« instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » mais de créer de « nouvelles protections pour les entreprises et les salariés ». En tout état de cause, la proposition de loi que nous examinons ce matin concerne le licenciement, que le Premier ministre a dit vouloir réformer ; il touche ainsi au code du travail, dont le Président de la République a indiqué qu'il allait le refondre.

Vous comprendrez donc que, compte tenu de nos interrogations et des nombreuses incertitudes qui pèsent désormais sur le sort qui sera réservé à ce projet de loi, le groupe Les Républicains préfère, à ce stade, s'abstenir.

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