Intervention de François Villeroy de Galhau

Réunion du 2 mars 2016 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France :

En effet, mais alors c'est aussi une bonne nouvelle !

Il nous paraît important de disposer aussi d'une capacité d'intervention, de conseil ou d'information en amont. Tel est le sens du correspondant TPE. Avant qu'une difficulté n'apparaisse, un dirigeant doit pouvoir bénéficier d'un certain nombre d'informations, d'un diagnostic précis de sa situation. Un dirigeant de TPE, c'est normal, n'est pas toujours un spécialiste financier. Son entreprise a-t-elle un besoin de court terme ou de long terme ? Parmi les instruments de court terme, lesquels sont appropriés ? Aidons-le dans le diagnostic. Nous allons donc mettre à la disposition des TPE un outil de diagnostic qui s'appelle OPALE, pendant de l'outil GEODE – acronyme de « gestion opérationnelle et dynamique des entreprises » – dont nous disposons déjà pour les PME. J'en profite pour faire une petite page de publicité : ces outils sont absolument remarquables, et leur coût pour les entreprises est extrêmement faible. Tous les dirigeants qui y ont recouru me le disent : ils permettent de connaître exactement la situation et les besoins de l'entreprise. L'un des rôles du correspondant TPE sera donc de développer leur utilisation. Il s'agira aussi d'orienter vers les différents circuits de financement et d'animer le réseau des tiers de confiance – experts-comptables, réseaux consulaires, etc., qui peuvent aussi procurer des conseils. Ce rôle en amont sera différent de la médiation du crédit en aval ; il ne sera d'ailleurs pas rempli par la même personne, de façon à éviter tout conflit juridique. Comment un médiateur en aval pourrait-il être indépendant s'il a lui-même conseillé en amont ? La philosophie sera cependant la même.

Avec l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), monsieur Goua, nous sommes très attentifs à l'exposition des banques françaises au secteur de l'énergie et des matières premières. Nous avons les chiffres, nous suivons leur évolution. En termes quantitatifs, l'exposition des banques françaises est à peu près dans la moyenne des banques internationales, et, en termes qualitatifs, ce qui est encore plus important, la situation des banques françaises est relativement favorable : elles ont des contreparties de meilleure qualité. Par exemple, elles sont moins exposées sur des sociétés pétrolières américaines à très fort effet de levier, c'est-à-dire ayant beaucoup recouru à l'endettement.

M. Lebreton m'a interrogé sur l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM). Effectivement, le Gouvernement compte proposer dans le cadre du projet de loi dit « Sapin II » un projet de filialisation de l'IEDOM auprès de la Banque de France. L'IEDOM, dans les départements d'outre-mer (DOM), est au coeur de la zone euro, puisque l'euro est et restera la monnaie des départements d'outre-mer. Pour des raisons historiques parfaitement respectables, la situation des DOM diffère de celle du reste de la zone euro. L'émission monétaire est confiée non à la Banque de France mais à un établissement public, longtemps dans l'orbite de l'Agence française de développement. S'il est très respectable, ce compromis est fragile : un institut d'émission qui ne soit pas proche de la banque centrale mais plutôt proche de l'AFD, société de financement soumise au contrôle de l'ACPR… Nous avons réussi, en 1999-2000, à expliquer cela à la Banque centrale européenne, mais, je peux vous le dire, cela n'a pas été simple. Il nous a paru souhaitable, à l'occasion de la clarification intervenue entre l'AFD et la Caisse des dépôts, de clarifier aussi la situation de l'IEDOM, que nous conservons mais qui passe de l'orbite de l'AFD à celle de la Banque de France ; cela garantit à la fois sa pérennité et l'ancrage des départements d'outre-mer dans la zone euro. Il s'agit d'une filialisation, et en rien d'une privatisation – crainte parfois exprimée. L'IEDOM sera une filiale à 100 % de la Banque de France, elle-même à 100 % publique, et j'y tiens autant que vous. Je suis attaché comme vous à la constance, à la permanence. L'IEDOM garde ses missions, toutes ses missions, ses personnels conservent leurs statuts et les droits attachés. La politique d'émission outre-mer et la situation de l'IEDOM seront beaucoup plus solides, beaucoup plus claires quand nous aurons mis fin à cette anomalie qui avait des raisons historiques respectables mais un peu dépassées et, surtout, qui fragilisaient l'IEDOM lui-même.

La baisse de 6 % du nombre de dossiers de surendettement à l'échelle nationale tient en premier lieu aux effets de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde », aux termes de laquelle le crédit renouvelable est beaucoup plus strictement encadré. Nous commençons à les voir, et j'espère avec vous qu'ils se prolongeront ces prochaines années. Nous devrons adapter nos effectifs à cette évolution, mais c'est une bonne nouvelle pour l'économie et la société françaises. Je ne crois pas que le crédit renouvelable nécessite de nouvelles dispositions législatives, mais des mesures pourraient être prises pour simplifier et accélérer la procédure. Nous y réfléchissons avec le ministère des finances et peut-être le projet de loi « Sapin II » comportera-t-il telle ou telle disposition. Ce serait aussi un service rendu aux ménages : si le recours aux commissions de surendettement est plus simple et plus rapide, c'est une bonne chose.

Madame Schmid, j'avoue ne pas connaître le montant exact des billets fabriqués en 2016, mais je rends hommage avec vous à nos services de fabrication des billets, à Vic-le-Comte pour le papier et à Chamalières pour l'impression. La Banque de France est la seule en Europe à disposer de cet outil industriel intégré, qui a été, en 2015, mobilisé en priorité pour l'impression de la nouvelle coupure, très sécurisée, de 20 euros, que j'ai présentée à la fin du mois de novembre. La filière française a imprimé 44 % de ces nouveaux billets de 20 euros. C'est beaucoup plus que notre part naturelle de 20 % dans l'Eurosystème et nous pouvons nous réjouir : c'est un hommage rendu à notre capacité à fabriquer une coupure fortement sécurisée.

M. Fromantin a posé la question de l'impact de notre politique monétaire sur les exportations. Il m'a semblé que c'était une façon habile et positive de poser la question de la politique de change. Tout d'abord, je ne crois pas, en la matière, à un désalignement des intérêts français et allemands. Notre appareil industriel et d'exportation est moins bien spécialisé que celui de l'Allemagne, mais celle-ci bénéficie aussi du taux de change favorable de l'euro. Son actuel excédent courant, un excédent record, en est la meilleure preuve – en même temps qu'il justifierait une coordination des politiques économiques, nous en avons déjà parlé. Il n'y a pas de divergence entre les objectifs des autorités françaises et les objectifs des autorités allemandes. Je veux ensuite souligner que la politique monétaire ne vise pas d'objectif de change. C'est extrêmement important, et nous l'avons d'ailleurs réaffirmé dans le communiqué du G20. L'objectif de la politique de la BCE, c'est la cible d'inflation ; j'y ai insisté, en rappelant que nous étions prêts à amplifier, si nécessaire, notre politique active. La possibilité d'une guerre des changes a suscité des inquiétudes mais chacune des grandes autorités monétaires, y compris la Réserve fédérale des États-Unis, cible d'abord sa situation économique intérieure. Il est reconnu, depuis plusieurs années, dans les communiqués internationaux, que cela correspond à l'optimum collectif, et je crois très important que nous en restions là. Nous avons par ailleurs indiqué, dans le communiqué du G20, que nous nous consulterions, si nécessaire, sur les mouvements de change résultant de la volatilité des marchés, mais les objectifs de la politique monétaire sont des objectifs domestiques, nous n'entendons pas procéder, par les mesures monétaires que nous prenons, à des dévaluations compétitives, soyons clairs.

Je crois avoir répondu à l'ensemble de vos questions.

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