Intervention de Martial Saddier

Séance en hémicycle du 24 janvier 2013 à 21h30
Débat sur la fiscalité écologique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartial Saddier :

Plus de 180 000 éco-prêts ont été octroyés entre 2010 et 2012 et, fin mai 2011, 100 000 logements sociaux avaient fait l'objet d'une rénovation.

Depuis qu'il a été créé, en 2005, le crédit d'impôt développement durable a permis de rénover plus de 6,2 millions de logements privés et 7,9 millions de travaux ont été déclarés au titre de ce dispositif en France métropolitaine sur un ensemble de 27 millions de logements.

Enfin, grâce au Grenelle de l'environnement, la consommation énergétique moyenne dans un logement existant a fortement diminué, passant de plus de 240 à 190 kilowatts heure par mètre carré. Par ailleurs, les émissions de gaz à effet de serre du secteur résidentiel ont été réduites de plus de 7,5 % en deux ans.

Autre mesure ayant rencontré un franc succès à une époque où l'on se concentrait sur les émissions de CO2 du parc de véhicules : la prime à la casse. Il nous faut poursuivre l'effort, travailler au-delà du simple rejet du CO2 et nous concentrer sur les particules fines – PM10 et PM2,5 –, les particules secondaires, comme les NOX, et l'ozone. À nos yeux, les futures grandes propositions en matière de fiscalité incitative devraient inclure des mesures de ce type. Du reste, le communiqué de presse publié cet après-midi par la Commission européenne nous rappelle l'importance des travaux engagés par le Conseil national de l'air, dont je sais que vous souhaitez qu'ils se poursuivent, madame la ministre.

Toujours dans le domaine des transports, notre majorité avait souhaité mettre en place, suite à l'adoption de la loi de finances pour 2009, une éco-redevance kilométrique sur les poids lourds. Il n'a pas été facile de la faire adopter dans cet hémicycle, mais nous l'avons fait. Auditionné sur le volet réglementaire et l'application de ce texte, le ministre Cuvillier nous a confirmé que ce n'était pas simple.

Là encore, nous nous inscrirons dans une logique constructive, puisque nous avons créé cette redevance sur le plan législatif – il vous reste à assurer sa mise en oeuvre par la voie réglementaire notamment –, mais nous veillerons à ce que son esprit initial soit bien respecté.

À ces réformes d'une ampleur considérable s'ajoutent notamment la réforme de la taxe générale sur les activités polluantes pour encourager le tri sélectif et le recyclage, les incitations au développement des biocarburants dits de deuxième génération, les aides en faveur du développement des filières d'énergies renouvelables et la mise en place de la redevance incitative pour le tri des déchets. Nous n'avons certes pas eu le temps de mettre en oeuvre toutes les mesures prévues dans le Grenelle, mais, vous en conviendrez, nous n'avons absolument pas à rougir de notre bilan en matière de fiscalité verte et de supports législatifs. J'espère que vous les utilisez à bon escient et continuerez à le faire dans les semaines et les mois à venir.

Les signaux envoyés au cours des six derniers mois – mais, là encore, ne tirons pas sur le Gouvernement : respectons le temps nécessaire de l'installation, les choses sont compliquées – nous ont un peu inquiétés, vous le savez, madame la ministre, sans mettre en doute votre volontarisme.

S'il est vrai qu'un large volet de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre derniers avait été consacré à la fiscalité environnementale, les premières mesures budgétaires nous ont un peu refroidis. Hormis un léger renforcement du bonus-malus automobile et de la taxe générale sur les activités polluantes, aucune autre vraie disposition nouvelle n'a été introduite. De plus, peu de précisions ont été données pour l'instant sur l'amélioration du fonctionnement de l'éco-prêt à taux zéro et du crédit d'impôt développement durable en matière de rénovation thermique des logements. Tout au plus savons-nous que les nouvelles modalités de ces dispositifs sont en cours de définition et qu'ils devraient être prêts pour 2013, selon le ministère. Dont acte, madame la ministre. Autant dire – c'est là ce qui nous inquiète – que l'objectif ambitieux fixé par François Hollande – auquel nous rappelons amicalement qu'il est élu depuis bientôt un an – d'améliorer la performance énergétique de 500 000 logements par an semble compromis et apparaît d'ores et déjà comme difficilement réalisable.

Le flou entoure également le calendrier adopté pour la mise en place de votre nouvelle fiscalité écologique – je ne vous cache pas que c'est ce qui nous inquiète vraiment. Nous avions tout d'abord pu penser qu'elle servirait de base au financement de la transition énergétique et que sa mise en oeuvre serait donc concomitante à l'adoption des premières mesures issues de la future loi de programmation. Mais nous constatons que M. Ayrault, Premier ministre, a annoncé la création d'une nouvelle fiscalité écologique seulement à compter de 2016. Au sein même de votre majorité Pascal Canfin et Cécile Duflot ont demandé une révision de ce calendrier.

Le choix de 2016 nous inquiète parce qu'il s'agit de la fin du mandat du Président de la République. Or, nous savons qu'on ne met pas en place ce type de fiscalité – il faut se dire les choses les yeux dans les yeux – à moins d'un an d'échéances électorales, qui plus est lorsqu'il s'agit de la plus importante d'entre elles, l'élection du Président de la République. Je vous le dis donc solennellement, madame la ministre, vous pouvez compter sur les députés de l'opposition pour vous soutenir et forcer la main du Premier ministre et du Président de la République afin que les arbitrages vous soient plus favorables que ceux qui semblent se dessiner aujourd'hui.

Autre signal négatif : il semblerait que la mise en place de prélèvements verts à hauteur de 3 milliards d'euros d'ici à 2016 n'ait pour seul objectif que de boucler le financement des 20 milliards d'euros du crédit d'impôt compétitivité. Il n'y a donc plus d'équilibre entre une fiscalité à vocation exclusivement économique et une fiscalité à vocation économique et écologique.

Enfin, quid de la fameuse taxe carbone ? Treizième des soixante engagements du candidat François Hollande, la contribution climat énergie a été évoquée dans le rapport sur la compétitivité de Louis Gallois sans que soient toutefois précisés l'assiette, le taux et les recettes envisagés. Là aussi, je vous le dis avec lucidité, nous connaissons mieux que quiconque les difficultés que soulève la création d'une telle taxe, puisque le Conseil constitutionnel nous a rappelés à l'ordre sur cette question. Les récentes annonces du Gouvernement nous laissent donc présager que, malgré les engagements du Président de la République, ce dispositif restera encore pour quelque temps en suspens.

Madame la ministre, avec mes collègues du groupe UMP, nous formons le voeu que le Gouvernement s'inscrive, en matière de fiscalité verte, dans le prolongement des amples travaux que notre majorité avait menés dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Sans décision courageuse de votre part, sans réforme claire, précise et incitative, il sera sans doute beaucoup plus difficile de mettre en oeuvre la transition énergétique et de continuer à faire évoluer les comportements des ménages et des entreprises vers des attitudes plus respectueuses de l'environnement. Vous pourrez compter sur notre travail constructif dans le domaine de la pollution de l'air, l'évolution du climat, la répartition – je rejoins en cela le rapporteur général du budget – de la richesse et de la solidarité, facteur d'aménagement du territoire – je pense aussi au code minier et aux trames vertes et bleues –, au financement de la protection des biens et des personnes en matière de risques naturels, à la ressource en eau potable, aux zones littorales et de montagne et, bien sûr, au logement et aux transports. Voilà les défis qui méritent une attention particulière et, je l'espère, un consensus de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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