Intervention de Franck Riester

Séance en hémicycle du 8 mars 2016 à 15h00
Liberté indépendance et pluralisme des médias — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFranck Riester :

Monsieur le rapporteur, vous souhaitez – et, encore une fois, nous savons cette volonté sincère – assurer l’indépendance des médias face aux intérêts économiques des actionnaires des chaînes : mais prenez garde à ne pas traduire cette bonne intention par un dispositif limitant, dans les faits, la liberté de la presse et donnant naissance, dans les rédactions, à des dysfonctionnements.

Il me semble qu’une réflexion sur la déontologie ne peut être que multi-supports et passer, par conséquent, par le développement d’organismes d’autorégulation comme il en existe dans d’autres pays d’Europe. Regardons ailleurs ce qui fonctionne plutôt que de vouloir inventer des dispositifs qui, bien souvent, s’avèrent des échecs !

À ce titre, je salue l’initiative de l’Observatoire de la déontologie de l’information, lancé en 2012 : il réunit des représentants des journalistes, des entreprises de presse et des lecteurs et traite de tous les supports d ’information. Enfin, je rappelle qu’en cas de manquements des rédactions à la loi de 1881, c’est au juge d’intervenir : l’audiovisuel ne doit pas faire exception.

Cette interrogation sur le rôle du CSA dépasse le domaine de la déontologie : nous devons ouvrir un véritable débat sur les compétences de cette institution, ainsi que sur l’avenir de la régulation de l’audiovisuel.

Ainsi que je l’ai rappelé, ce texte illustre, à nouveau, à quel point le CSA est en porte-à-faux avec l’audiovisuel public : une réflexion sur ses compétences ne peut donc qu’aboutir – et je sais que vous y êtes sensible, monsieur le président-rapporteur – à la suppression de son pouvoir de nomination des présidents de l’audiovisuel public.

Cette proposition de loi souligne la complexité de la régulation de l’audiovisuel, domaine dans lequel les frontières avec les autres autorités de régulation sont devenues poreuses. À l’heure de la convergence des médias, l’un des principaux défauts de cette proposition de loi est d’accentuer les différences de traitement entre médias, tout comme la tendance à une surrégulation de l’audiovisuel ainsi qu’à une sous-régulation d’internet.

Nous devons au contraire lancer un débat sur le rôle de la régulation pour adapter les médias aux enjeux auxquels ils sont confrontés aujourd’hui avec la révolution numérique et réfléchir à l’articulation entre les instances de régulation concernées. Outre le CSA, il y a les autres autorités indépendantes, l’ARCEP, la CNIL, HADOPI, l’Autorité de la concurrence, ainsi que les établissements publics qui interviennent dans le secteur comme l’ANF ou le CNC.

En conclusion, mesdames, messieurs, si, au groupe Les Républicains, nous partageons l’objectif de protéger l’indépendance des médias qui sous-tend la proposition de loi que nous examinons, il nous semble que le dispositif proposé ne permettra pas de le satisfaire. Il fait au contraire peser un risque tant sur la liberté de la presse que sur le bon fonctionnement des rédactions et des médias.

Le texte, néanmoins, a le mérite de mettre en lumière le nécessaire débat que nous devons mener sur l’évolution des compétences du CSA. Depuis sa création, le Conseil a bien accompli ses missions, mais l’audiovisuel a profondément évolué. Une simplification du paysage institutionnel semble s’imposer afin de rendre plus lisible l’agencement et l’organisation des différents organes de régulation. Malheureusement, la brièveté des travaux menés, le fait que vous ayez décrété l’urgence sur le texte en dépit de toute logique n’ont pas permis d’aborder ces enjeux.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez assuré que cette loi n’était pas une loi de circonstance. Nous ne doutons donc pas que vous accepterez de faire revenir ce texte en commission afin que nous puissions le retravailler et en faire la grande loi sur l’audiovisuel que la majorité nous promet depuis quatre ans et que nous attendons toujours.

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