Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du 10 mars 2016 à 9h30
Réforme de la prescription en matière pénale — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

L’article 1er de la proposition de loi permet d’allonger les délais de droit commun de prescription de l’action publique des crimes et des délits, ce qui constitue une avancée, notamment pour les personnes victimes de violences sexuelles à l’âge adulte.

En revanche, cet allongement remet en question l’échelle de gravité des crimes, puisque les délais dérogatoires, notamment ceux qui concernent les crimes et délits sexuels ou violents contre des mineurs, demeurent inchangés. Ainsi, les crimes de droit commun auraient désormais le même délai de prescription que les crimes mentionnés aux articles 706-47 du code de procédure pénale et 222-10 du code pénal, tels que le meurtre d’un mineur accompagné d’un viol.

Cet amendement est issu de la proposition de loi qui avait été déposée au Sénat par Mmes Muguette Dini et Chantal Jouanno pour modifier le délai de prescription de l’action publique.

Permettez-moi de vous faire observer, monsieur le rapporteur, que votre raisonnement de tout à l’heure aboutissant à un délai de cinquante-huit ans ne tient pas. S’agissant d’abord des dix-huit ans théoriques qui vont jusqu’à l’âge de la majorité, vous conviendrez qu’il est tout de même rare que l’on assiste au dévoilement d’un viol par un bébé. Cette durée est donc toujours en réalité inférieure à dix-huit ans.

Deuxièmement, vous avez dit qu’au premier délai de vingt ans pouvait s’en ajouter un nouveau, en cas d’acte juridique. Mais la difficulté, c’est justement que si cet acte juridique n’intervient pas au bout de vingt ans, mais de vingt-deux ou vingt-trois ans, la prescription est définitivement acquise. Et si un acte juridique a lieu, on ne parle plus de prescription au sens où nous l’entendons : il faudrait qu’il y ait une inertie de la justice pendant vingt ans pour qu’il y ait à nouveau prescription.

Notre amendement ne tend pas à rendre le délit imprescriptible. Ce que nous demandons, c’est que le délai soit plus long pour les mineurs, parce que la prise de conscience et le fait d’assumer ce dont on a été victime sont des processus qui prennent du temps. Nous ne demandons pas de prendre comme point de départ le moment de la prise de conscience par la victime, ce qui rendrait effectivement, dans les faits, le crime imprescriptible. Ce que nous voulons, c’est que le délai soit plus long pour les mineurs, parce que leur situation est différente de celle des adultes, qui sont mieux à même de se défendre, d’ester en justice et d’avoir conscience de ce qui leur est arrivé.

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