Intervention de Jean-Yves le Drian

Réunion du 16 février 2016 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense :

Nous nous sommes vus à la mi-janvier, mais le contexte que nous traversons justifie ce rythme : les rencontres mensuelles permettent de faire régulièrement le point sur la situation. En prévision du débat prévu pour le mois de mars, je commencerai par aborder, de façon approfondie, la situation sur le théâtre national. J'évoquerai ensuite les théâtres extérieurs : Syrie, Libye, Centrafrique et Mali.

Le contrat opérationnel défini dans les lois de programmation militaire (LPM) de 2008 et de 2013 prévoyait le déploiement de 10 000 soldats pour une durée non précisée afin de répondre au scénario d'une crise majeure dans le pays, pouvant se combiner avec une crise extérieure. En janvier 2015, ce contrat a été activé par le président de la République, avec la mobilisation, en quelques jours, de 10 000 militaires dans le cadre de l'opération Sentinelle.

L'actualisation de la LPM a été décidée en conseil de défense en avril 2015 et adoptée par le Parlement en juillet. Elle consacre le nouveau contrat opérationnel des armées sur le territoire national, prévoyant une capacité permanente de mobilisation de 7 000 hommes dans la durée et jusqu'à 10 000 hommes pour un mois – plafond d'effectifs qui a été activé le 13 et le 14 novembre avec une efficacité exceptionnelle. Dès les trois premiers jours, l'objectif de 10 000 hommes a été atteint ; trois mois plus tard, on ne peut qu'observer que cette mobilisation se prolonge bien au-delà de la durée prévue par le contrat opérationnel des armées. Elle les soumet donc à de fortes tensions et pose des problèmes pour l'entraînement et la gestion de nos forces. Ces tensions devraient perdurer jusqu'à l'achèvement des recrutements prévus par la LPM actualisée, qui fait passer les effectifs de la force opérationnelle terrestre (FOT) de 66 000 à 77 000 hommes. Ces recrutements ont commencé en 2015 – 5 500 hommes supplémentaires par rapport au renouvellement habituel – et seront complétés d'un même niveau en 2016. Leurs effets ne se feront sentir qu'à l'été 2016 car il ne suffit pas de recruter, encore faut-il former et entraîner les recrues.

Je rappelle que 70 000 militaires ont déjà été engagés dans Sentinelle en 2015, certaines unités jusqu'à six fois dans l'année, avec une moyenne de 7 500 soldats déployés depuis le début de l'opération, environ 10 000 aujourd'hui à la suite de la montée en puissance des effectifs après les événements de novembre.

Ces forces interviennent sur réquisition et sous l'autorité du ministre de l'Intérieur, qui a en charge l'ensemble de la manoeuvre de sécurité intérieure. Nos unités sont désormais regroupées sous des commandements tactiques couvrant, en région parisienne, des territoires délimités, et sous le commandement de chefs de corps totalement impliqués dans la manoeuvre. Cette réorganisation se révèle très efficace. L'ensemble est placé sous la responsabilité du ministre de l'Intérieur, au bénéfice de qui je mets à disposition les moyens des armées. Celles-ci agissent sous l'autorité des préfets de zone, en coordination étroite avec les officiers généraux de zones de défense. Nos forces assurent des missions de garde statique, des patrouilles mixtes, la surveillance de zones ou de lieux potentiellement menacés et soutiennent aussi, en zone nord notamment, la police de l'air et des frontières. À ma connaissance, l'entente est excellente entre les autorités militaires et civiles sur l'application de ces réquisitions, à Paris comme en province, tant au niveau de l'encadrement supérieur que dans la pratique quotidienne. J'ai notamment constaté que l'articulation entre la police et les patrouilles militaires fonctionnait très bien.

Cependant, il nous faut tirer les leçons de cette situation pour formaliser une doctrine d'emploi car la menace a changé d'échelle et le niveau de l'engagement des armées, impliquées de façon durable dans de véritables opérations militaires, s'est brutalement modifié. Le conseil restreint de défense d'avril a chargé le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) de préparer un bilan de l'opération Sentinelle. Ses recommandations portent notamment sur l'approche interministérielle de la manoeuvre de sécurité intérieure, la coordination entre civils et militaires et les modes d'engagement de nos armées. En application de l'article 7 de la LPM actualisée, le ministère de la Défense élabore un rapport qui précisera la nouvelle doctrine de l'emploi des armées sur le territoire national. Il est en effet important de bien définir la mission de protection de la population confiée à nos armées.

Cette doctrine d'emploi prendra en considération trois éléments d'analyse des menaces : un terrorisme militarisé, entièrement nouveau ; une porosité très élevée entre la menace extérieure et la menace intérieure ; des actions d'une violence extrême, désinhibée, et qui reproduisent sur notre territoire des scènes et des actes de guerre. Notre nouvelle posture prendra également en compte la cyberdéfense. Elle doit valoriser les caractéristiques spécifiques de l'armée professionnelle : ses capacités de planification, de réaction et de surprise ; sa capacité de dissuasion grâce à la maîtrise d'armes de guerre, face à un terrorisme qui n'hésite pas à y avoir recours ; ses facultés très particulières d'intégration des moyens terrestres, aériens et maritimes, d'action mobile ; l'apport de moyens spécialisés, comme les forces spéciales ou les moyens de protection et d'intervention contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) ; enfin son expérience de la coordination et du commandement. Tout cela doit être valorisé dans la nouvelle doctrine d'emploi. Ce sont bien des opérations de plein exercice qui sont ainsi confiées aux armées par les autorités en charge de la sécurité intérieure. Nos armées ne constituent pas un réservoir d'unités supplétives, dans lequel puiser pour combler ici ou là les manques d'effectifs d'un dispositif de sécurité intérieure, mais un ensemble professionnel doté d'une identité et de qualités propres, qui doit être employé en tant que tel. Nous dépassons dès lors largement la logique du plan Vigipirate. La mise en mouvement de plusieurs milliers de militaires professionnels dans les zones exposées et sensibles du territoire doit obéir aux règles d'une opération militaire à part entière, décidée en conseil de défense par le chef de l'État, chef des armées, et placée sous l'égide de la manoeuvre d'ensemble pilotée par le ministère de l'Intérieur.

Dans ce contexte, en fonction de la menace, comment nos forces armées peuvent-elles agir de manière cohérente pour contribuer à protéger notre territoire, tout en conservant leur spécificité et dans une relation forte avec le ministère de l'Intérieur ? Le concept de protection du territoire, renouvelé, repositionne et rééquilibre cette fonction parmi les trois missions de l'armée : dissuasion, intervention, protection. Cette dernière – une mission historique de nos forces armées – doit s'exercer dans les trois milieux, terrestre, aérien et maritime, auxquels s'ajoute désormais celui de la cyberdéfense. La fonction stratégique de protection est donc devenue plus structurante, en raison des développements de la menace. Il nous faut évidemment garantir, dans le même temps, que les armées assurent toujours, avec la même efficacité, les missions de dissuasion et d'intervention que nous leur confions.

Ces missions pourront s'appuyer à l'avenir sur des moyens renforcés grâce aux effectifs recrutés, aux capacités et équipements spécifiques dont il faut poursuivre les acquisitions, ou encore à la nécessaire rénovation de la politique des réserves. La LPM actualisée prévoit le passage de 28 000 à 40 000 réservistes ; mon objectif est de fournir 1 000 hommes chaque jour pour les opérations de sécurité intérieure, dès 2018. Il faut donc que cette force monte en puissance rapidement puisqu'aujourd'hui nous n'en sommes qu'à 300 réservistes quotidiennement engagés sur les 7 000 militaires déployés. Nous prenons les moyens de renforcer cette dynamique, tout en assurant une forme de territorialisation des réserves.

Nous devrons également poursuivre nos efforts de soutien de ces opérations, par une politique immobilière volontariste, une protection juridique réaffirmée et une attention singulière à la condition de notre personnel. Le cadre juridique n'a pas besoin d'évoluer, sinon pour être homogénéisé avec les dispositions concernant la légitime défense figurant dans le projet de loi sur la procédure pénale, renforçant la lutte contre le crime organisé, c'est-à-dire les conditions d'ouverture du feu – pensons à la « jurisprudence Bataclan ». La continuité de l'action impose de modifier le code de la défense en accord avec cette loi, ce qui ne devrait pas poser de problèmes particuliers.

Le champ de ces missions exclut les actions relevant du domaine judiciaire, hors réquisition adaptée de l'autorité judiciaire. De même, les armées ne doivent pas être engagées dans les opérations de maintien ni de rétablissement de l'ordre public, telles que le contrôle de manifestations, de foules ou d'émeutes sur la voie publique, hors les états d'exception prévus par la Constitution ou la loi.

L'opération Sentinelle étant amenée à durer, nous devons poursuivre nos actions pour améliorer les conditions de vie et d'accueil des militaires, en région parisienne tout particulièrement. Nous avons mobilisé tous les lieux d'hébergement possibles, y compris l'îlot Saint-Germain et le Val-de-Grâce. À l'heure actuelle, 85 % des effectifs sont hébergés sur nos propres sites. Je suis conscient des difficultés qui persistent en matière de qualité d'hébergement et de logement, y compris dans nos bâtiments. C'est un sujet dont je me suis récemment entretenu avec M. Bernard Pêcheur, président du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM). Des mesures ont été prises et vont continuer ; elles ont d'ores et déjà abouti à une certaine amélioration de la situation. Nous avons prévu 20 millions d'euros d'investissements pour garantir un hébergement décent pour nos militaires. Je suis le dossier, mais je vous invite à partager avec moi vos observations. Le problème est particulièrement aigu en région parisienne, qui manque de lieux d'accueil militaires, car beaucoup ont été fermés ou réaffectés.

Nous poursuivons les recrutements. Pour encourager et soutenir les militaires de l'opération Sentinelle, nous avons créé l'indemnité pour sujétion spéciale d'alerte opérationnelle (AOPER) – 200 euros pour six semaines de mobilisation – qui a été attribuée à titre rétroactif aux militaires mobilisés dès janvier 2015. Elle s'ajoute à l'indemnité pour services en campagne (ISC) dont le montant est en moyenne de 40 euros par jour. En effet, l'AOPER est fixe, alors que l'ISC varie en fonction du grade.

J'achève cette mise au point en vous rappelant que les missions de protection sur le territoire national ne sont pas nouvelles. D'autres missions de protection de nos espaces aéromaritimes, en métropole comme dans nos outremers, sont permanentes. Elles s'inscrivent dans les postures permanentes de l'armée de l'air et de la marine. Les grands événements, comme la COP21, bénéficient également de la contribution des moyens spécialisés des armées. L'opération Sentinelle nous appelle à réfléchir sur le contrat opérationnel et sur les nouvelles missions de nos armées sur le territoire national. À partir du rapport que je vous présenterai, il faut donc organiser un débat très large sur ce sujet.

J'évoquerai maintenant l'évolution de la situation internationale, marquée par plusieurs rendez-vous importants. La rencontre ministérielle du 20 janvier, que j'ai initiée avec le secrétaire à la Défense Ashton Carter, a réuni à Paris les sept pays qui contribuent le plus aux opérations du Levant. La semaine dernière s'est tenue une réunion des ministres de la Défense de l'OTAN, qui a lancé une démarche spécifique en matière de surveillance des migrants. Par ailleurs, jeudi après-midi a eu lieu une réunion des ministres de la Défense de la coalition qui agit au Levant, incluant les pays arabes de la région. Enfin, lors de la 52e Conférence pour la sécurité de Munich, je suis intervenu vendredi, en ouverture, aux côtés de ma collègue allemande, Ursula von der Leyen – signe de l'unité franco-allemande. Le Premier ministre, Manuel Valls, s'est également exprimé lors de la séance de samedi matin, dans une session partagée avec le Premier ministre russe, M. Medvedev.

La Conférence de Munich s'est tenue dans un contexte particulier, marqué par l'évolution de la situation au Moyen-Orient. Les forces du régime de Bachar el-Assad, massivement appuyées par l'aviation, voire l'artillerie, russes et les milices chiites, ont poursuivi leur action pour couper la route nord allant d'Alep à la frontière turque. L'encerclement de la ville progresse, le sud, l'est, et maintenant une partie au moins du nord étant aux mains du régime. Seul un axe vers l'ouest et la frontière turque reste libre et permet encore le contact et le ravitaillement des insurgés par l'extérieur. La situation est toutefois compliquée par la présence, dans cette zone, de Jabhat al-Nosra.

Cette progression est intervenue la semaine même où se réunissait à Munich le groupe international de soutien à la Syrie (GISS), dont nous faisons partie. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le GISS est parvenu à s'entendre sur une forme de « cessation des hostilités » – le terme de « cessez-le-feu » n'a pas été retenu –, censée intervenir sous une semaine et couplée avec un engagement de toutes les parties à laisser l'aide humanitaire parvenir librement à un certain nombre de villes. Le nom d'Alep ne figure pas sur la liste à la demande expresse des Russes, acceptée par M. Kerry. Cependant, l'accord a été validé par le coordonnateur général du Haut Comité, M. Riyad Hijab. Désormais, il faut attendre l'épreuve des faits : l'arrêt des bombardements et l'acheminement effectif de l'aide humanitaire.

Hier, le 15 février, un hôpital de MSF situé dans la province d'Idlib, à Maarat al Nouman, a été pris pour cible, provoquant des protestations. MSF a désigné le régime et ses soutiens russes comme responsables de ce bombardement ; pour l'instant, on ne peut que constater les faits.

Au cours de la même période, la tension entre la Turquie et la Russie est encore montée d'un cran. Je relève le renforcement du dispositif militaire russe, avec l'arrivée prochaine d'un patrouilleur lance-missiles en Méditerranée orientale, équipé de missiles de croisière. Les estimations les plus courantes placent à au moins 5 000 hommes le nombre de militaires russes déployés en Syrie.

Dans ce contexte, le président Assad a fait part à l'AFP de son interprétation personnelle de la déclaration du GISS, en indiquant qu'il n'entendait pas arrêter les combats pendant les négociations.

Un mot sur les rendez-vous de l'OTAN et le plan de campagne décidé par la coalition anti-Daech. Jeudi dernier, à Bruxelles, l'Allemagne a présenté une initiative novatrice à l'OTAN, suggérant que le groupe maritime SNMG2 – Standing NATO Maritime Group 2 –, force permanente de l'OTAN habituellement basée en Méditerranée et en mer Égée, composée de cinq frégates – une allemande, une italienne, une canadienne, une grecque et une turque –, actuellement sous commandement allemand, contribue à la surveillance des flux migratoires et donc à la meilleure connaissance des réseaux de trafiquants d'êtres humains. En effet, nous ne pouvons plus tolérer ces réseaux qui alimentent financièrement les mouvements terroristes, et nous devons nous efforcer de les démanteler en appuyant l'action de l'ensemble de nos partenaires. L'initiative allemande, coordonnée avec les Grecs et les Turcs, va dans ce sens. La mission des forces de l'OTAN sera de surveiller l'espace maritime ; la responsabilité d'interpeller physiquement les bateaux de trafiquants repérés sera confiée aux garde-côtes turcs et grecs, qui les ramèneront sur leurs côtes respectives, en fonction des eaux territoriales concernées. Les deux pays ont donné leur accord, et il serait très positif que cette initiative fonctionne. C'est une nouveauté, car l'OTAN n'a pas l'habitude d'intervenir entre deux pays membres ; mais il faut faire preuve de pragmatisme. Aussi avons-nous largement soutenu cette initiative, qui devra évidemment s'articuler avec l'opération Poséidon de FRONTEX.

En Libye, peu d'éléments nouveaux sont intervenus dans le domaine militaire. Vous connaissez déjà l'ampleur du déploiement de Daech à partir de Syrte où se concentre l'essentiel de ses forces ; des ralliements lui ont également permis de s'implanter à Sabratha, près de la frontière tunisienne, mais également à Derna. L'organisation participe à des combats à Benghazi et progresse vers le sud, sans toutefois atteindre les ressources pétrolières puisque ses tentatives en ce sens ont été repoussées. Nous surveillons la situation de très près.

L'accord libyen signé à Skhirat fin décembre a subi une déconvenue avec l'échec de la première proposition de gouvernement faite par le Premier ministre Al-Sarraj. Une autre proposition, avec un nombre plus réduit de ministres, est en cours d'examen depuis le week-end dernier. Il est urgent que le parlement de Tobrouk et le conseil présidentiel s'entendent sur la composition de ce gouvernement. Le rôle de notre diplomatie est de pousser les acteurs à parvenir à un accord qui seul permettrait à la force EUNAVFOR MED Sophia d'interpeller les passeurs dans les eaux territoriales libyennes. En effet, cette option n'est possible que si un gouvernement y appelle. Militairement réalisable, cette démarche doit absolument être entreprise avant le retour du beau temps ; sinon, nous serons confrontés à des mouvements de migrants que les membres de Daech pourraient utiliser comme couverture, entraînant des risques considérables pour notre sécurité. Il faut donc impérativement faire aboutir cet accord politique ; cela semble possible, mais vu le nombre d'échecs passés, on peut s'interroger sur la fiabilité des pronostics.

S'agissant de la mobilisation de l'article 42.7 du traité sur l'Union européenne à la suite des attentats du 13 novembre, de nouveaux pays ont affiché leurs intentions depuis notre rencontre de janvier. Les Pays-Bas ont ainsi fait savoir qu'ils interviendraient militairement en Syrie et l'Italie a annoncé le déploiement sur le théâtre des opérations d'une capacité – Combat Search and Rescue (CSAR) – qui y manquait. D'autres décisions devraient intervenir. Certains pays, comme l'Espagne, ne sont pas en mesure de contribuer à cet effort ; d'autres, comme le Portugal, devraient prochainement s'y joindre. Le mouvement se poursuit donc de manière positive.

Lors de la réunion des ministres de la Défense de la coalition, le 20 janvier dernier, nous avons constaté que Daech a reculé en Irak : la reconquête de Ramadi s'achève ; globalement, Daech a perdu environ 15 % du terrain initialement occupé. Nous avons décidé de renforcer notre action en Syrie et en Irak, avec comme objectif la prise de Raqqa et de Mossoul au cours de l'année 2016. Le plan de campagne proposé par le secrétaire à la Défense Ashton Carter, dont nous avions discuté auparavant à Paris, a été validé par l'ensemble des ministres présents. Le Premier ministre irakien Haïder al-Abadi, que j'ai rencontré samedi, a confirmé ces orientations ; les autorités irakiennes semblent donc déterminées à mener à bien ces opérations.

Nos armées sont également engagées au Sahel, où 3 500 militaires pourchassent les terroristes dans le cadre de l'opération Barkhane. En 2015, nous aurons mené 150 opérations, de nature et de volume très différents, avec notamment une centaine de caches d'armes découvertes et seize tonnes de munitions détruites. La situation a évolué, forçant les groupes terroristes à changer de tactique : ils ne s'opposent plus directement à nos troupes et évitent tout contact avec Barkhane pour s'attaquer désormais aux forces armées nationales, notamment maliennes, ou aux forces des Nations unies. Comme on l'a vu à Bamako et à Ouagadougou, ils recourent également à la pose d'engins explosifs improvisés – une menace terroriste asymétrique. Ces attaques montrent qu'il faut continuer notre action et travailler à la constitution des armées des pays du G5 Sahel. Nous devons notamment aider ces pays à se doter de forces antiterroristes capables d'empêcher des attentats. Désormais, il ne s'agit plus de faire face à l'action organisée de groupes militarisés, mais à des opérations asymétriques, davantage concentrées dans le sud. Dans le nord, l'action de Barkhane comme la présence de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et le renforcement des forces armées des pays concernés ont permis de changer la donne. Les attentats qu'on y observe sont liés à AQMI et suivent un schéma terroriste plus classique. Le temps presse ; il faut que les accords d'Alger et de Bamako soient appliqués plus rapidement. Après-demain, j'accompagnerai le Premier ministre au Mali afin d'insister sur l'importance du processus politique en cours, même si les Européens souhaitent continuer à renforcer l'EUTM – European Union Training Mission – Mali et la MINUSMA.

En République centrafricaine, le processus électoral s'est déroulé dans de bonnes conditions. Le second tour de l'élection présidentielle, entre Anicet Dologuélé et Faustin Archange Touadera, s'est tenu sans difficultés majeures le 14 février ; les résultats seront connus dans quelques jours. En tout cas, le pays sera enfin doté d'un gouvernement et d'un président élus avec une participation significative. Le premier tour des élections législatives a eu lieu avant-hier ; un parlement va donc également être constitué. Nous pourrons alors diminuer progressivement notre présence au cours de l'année 2016. L'opération Sangaris a joué son rôle ; nous sommes en train de constituer le dispositif d'EUTM Centrafrique qui prendra exemple sur l'EUTM Mali, aux résultats satisfaisants. À la réunion informelle des ministres de l'Union européenne, cette proposition que j'ai présentée a été validée. Les contributions commencent déjà, alors même que la génération de forces n'est pas encore engagée. Nous semblons donc entrer dans une phase positive. Nous avons évité des massacres de masse et j'espère que le processus va se poursuivre.

Quant à Boko Haram, il faut noter la création lente mais réelle de la force mixte multinationale qui se constitue en état-major plutôt qu'en forces séparées. Mon collègue Michael Fallon m'a également confirmé le renforcement de la contribution britannique en matière de renseignement. Là aussi, nous entrons visiblement dans une phase positive : affaibli, Boko Haram n'est plus dans une attitude de conquête territoriale, mais se cantonne aux actions terroristes. Les risques subsistent, mais la coopération entre les quatre pays bordant le lac Tchad se renforce. Notons enfin l'intensification de l'engagement des forces nigérianes depuis l'arrivée au pouvoir du nouveau président Muhammadu Buhari.

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