Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 10 mars 2016 à 15h00
Interdiction de licenciement à la suite d'un congé maternité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner la proposition de loi présentée par Dominique Orliac et inscrite au titre de la niche parlementaire du groupe radical, républicain démocrate et progressiste.

Ce texte vise à renforcer la protection offerte par le code du travail aux parents suite à la naissance d’un enfant.

Sur la forme, je m’étonne un peu que cette proposition de loi, qui a été adoptée en commission des affaires sociales la semaine dernière, soit aujourd’hui étudiée par l’Assemblée nationale alors même que nous sommes censés examiner dans quelques jours, après le 24 mars, un projet de loi qui doit refondre l’ensemble de notre code du travail.

Nous pouvons, dès lors, nous interroger sur la pertinence à légiférer maintenant sur ce sujet et regretter le manque de cohérence de nos travaux parlementaires. Mais comme l’a si bien dit M. Schwartzenberg à l’instant, nous sommes au surlendemain de la journée de la femme et c’est un bel hommage que nous pouvons ainsi leur rendre.

Venons-en au fond.

L’article L. 1225-4 du code du travail interdit à l’employeur de rompre le contrat de travail d’une salariée qui attend un enfant lors des dix semaines de congé de maternité qui suivent la naissance de l’enfant, ainsi que pendant une période de quatre semaines suivant son retour au travail.

De même, l’article L. 1225-4-1, issu de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, protège tout salarié, notamment le père ou le deuxième parent d’une rupture de contrat pendant les quatre semaines qui suivent la naissance d’un enfant.

Cette proposition de loi comprend deux mesures. Elle vise tout d’abord à modifier la loi du 4 août pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes afin de porter de quatre à dix semaines la durée légale d’interdiction de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, tant pour la mère qui retourne au travail à l’issue de son congé maternité – c’est l’objet de l’article 1er – que pour le père ou le deuxième parent.

Ainsi, l’article 2 prévoit que le père ou le deuxième parent sera protégé d’une rupture de contrat de travail, non plus pendant quatre semaines, comme le prévoit actuellement la loi du 4 août 2014, mais pendant les dix semaines suivant la naissance de l’enfant.

Dans les deux cas, cette protection renforcée ne remet pas en cause la possibilité pour l’employeur d’effectuer un licenciement pour faute grave ou pour un motif non lié à la grossesse, à l’accouchement ou l’adoption, comme un motif économique, s’il est justifié.

Il est également prévu d’inscrire dans la loi une récente jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation précisant que la prise de congés payés à l’issue du congé maternité reporte d’autant le début de la période de protection.

Pour appuyer leur argumentation, les rédacteurs de ce texte soulignent dans l’exposé des motifs que, du fait de leur absence, les femmes de retour de congé maternité peuvent avoir besoin de plus de quatre semaines pour montrer à leur employeur leur volonté et leur motivation. Il est fait référence à celles qui doivent se recomposer une clientèle, comme les commerciales, ou qui doivent effectuer une remise à niveau, comme ce peut être le cas dans les secteurs liés aux nouvelles technologies.

Bien sûr, nous pouvons nous accorder sur le fait que le retour au travail nécessite une période d’adaptation pour la mère, pendant laquelle elle peut redéfinir son poste, récupérer ses attributions ou reprendre ses marques avant de redevenir totalement opérationnelle.

C’est d’ailleurs ce qui explique que de nombreux pays ont une législation assez favorable dans ce domaine : en Allemagne, la période de protection dure deux semaines de plus qu’en France ; en Espagne, elle va jusqu’aux neuf mois de l’enfant ; en Italie, elle s’étend jusqu’au premier anniversaire.

Dès lors, nous ne sommes pas opposés à l’idée d’allonger de six semaines cette période de protection, étant entendu qu’elle ne remet pas en cause la possibilité d’un licenciement en cas de faute grave ou pour un motif totalement étranger à la grossesse, l’accouchement ou l’arrivée de l’enfant.

Le groupe Les Républicains a toujours eu à coeur de défendre la famille. Toutes les initiatives qui protègent les femmes et les mères en supprimant les barrières qui les découragent de donner la vie, tout en renforçant les possibilités de poursuivre leur travail et en améliorant leurs conditions de travail vont dans le bon sens.

Nous ne pouvons tolérer les discriminations subies par certaines femmes en entreprise du fait de leur grossesse. Elles sont encore, trop souvent, une triste réalité. Le Défenseur des droits, dans son avis rendu le 24 février, rappelle que plus du tiers des actifs déclarent que le fait d’avoir des enfants contribue à ralentir, voire à stopper la carrière d’une femme. De même, 8 % des réclamations reçues par le Défenseur au titre de la discrimination à l’emploi concernent des salariées en raison de leur état de grossesse ou maternité. Une telle discrimination est inadmissible.

L’article 1er est donc un signal positif envoyé aux mères et aux futures mères ; nous ne pouvons que nous en réjouir. Pour autant, il semble bien marginal et n’effacera pas la déstructuration de la politique familiale entreprise par votre gouvernement, madame la secrétaire d’État, une déstructuration que j’ai dénoncée à maintes reprises depuis 2012, à l’occasion de l’examen des projets de loi de financement de la Sécurité sociale successifs.

En effet, derrière ce sujet de la protection des mères de famille qui viennent d’avoir des enfants, perce la question de la natalité – un enjeu fondamental pour notre pays. Or une menace réelle pèse actuellement sur la natalité en France.

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