Intervention de Arnaud Richard

Séance en hémicycle du 10 mars 2016 à 15h00
Interdiction de licenciement à la suite d'un congé maternité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard :

Aujourd’hui, nos excellents collègues du groupe RRDP nous invitent à débattre de la situation des femmes enceintes dans l’entreprise, mais cette séance pourrait également être l’occasion d’apprécier les progrès qu’il nous reste à accomplir en matière d’égalité professionnelle et de protection des femmes au travail.

Les orateurs précédents l’ont rappelé, la France possède d’un arsenal juridique dont l’objectif est de garantir l’égalité entre les hommes et les femmes dans le monde professionnel, et l’interdiction de licencier une femme enceinte a été érigée au rang de principe général de droit du travail par le Conseil d’État en 1973, il y a un peu plus de quarante ans seulement. Ainsi, notre code du travail devrait selon toute logique suffire à offrir toutes les garanties aux femmes, notamment aux mères et aux futures mères.

Malheureusement, la réalité est tout autre, comme le décrit le Défenseur des droits dans son rapport annuel d’activité publié fin janvier 2015. En effet, en dépit de la clarté des textes et de la jurisprudence, le Défenseur des droits est encore massivement saisi, dans tous les secteurs, de situations résultant de mesures défavorables, voire hostiles, en lien avec le congé de maternité ou la grossesse.

C’est très certainement ce constat qui a incité nos collègues du groupe RRDP à déposer cette proposition de loi où il est proposé d’allonger la période légale d’interdiction de rupture du contrat de travail sur l’initiative de l’employeur de quatre à dix semaines – dans un lapsus bien compréhensible, un collègue a parlé de dix mois, mais il ne s’agit malheureusement que de semaines…

Ce texte traduit également dans la loi, comme nous devrions peut-être le faire plus souvent, une jurisprudence récente de la chambre sociale de la Cour de cassation qui précise qu’en cas de prise de congés payés à la suite du congé de maternité, la période de protection ne prend effet qu’à l’issue des congés pris, et donc au retour de la salariée au travail, ce qui semble de bon sens.

Ces dispositions ne devraient pas poser de difficulté particulière, dans la mesure où elles ne remettent nullement en cause la possibilité, pour l’employeur, de procéder à un licenciement pour faute grave ou pour un motif non lié à la grossesse, à l’accouchement ou à l’adoption – un motif économique par exemple, question dont, je crois, nous aurons à débattre prochainement, sur l’initiative du Gouvernement.

Le sujet que nous étudions aujourd’hui est important mais il ne permettra pas de remédier aux importantes discriminations que subissent encore les femmes dans notre pays, que ce soit en matière salariale ou dans le déroulement de leur carrière. Alors même que la forte natalité est un atout économique pour la France, il est de notre devoir de faire en sorte que la maternité ne soit pas un facteur pénalisant pour les femmes sur le plan professionnel.

Plus largement, à mesure de l’adoption des textes en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes – je pense à la loi que notre collègue UDI François Sauvadet, alors ministre, fit adopter en 2012, ou à la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes –, on voit que la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale reste un enjeu essentiel que le travail législatif seul ne peut traiter. Aussi nous faut-il dès à présent faire évoluer les mentalités en multipliant les leviers incitant les entreprises à respecter leurs obligations légales en matière d’égalité salariale.

Telles sont les raisons de notre soutien à ce texte qui va poursuivre son parcours législatif. Nous espérons également intégrer des dispositions pertinentes, que nous pourrions proposer par des amendements conjoints avec le groupe RRDP – sans préjuger pour autant d’une recomposition de la vie politique française ! –, dans le futur projet de loi de Mme El Khomri. Dans l’immédiat, je le répète, nous soutenons cette excellente proposition de loi.

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