Intervention de Yves Blein

Réunion du 9 mars 2016 à 9h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Blein, rapporteur :

La question du financement est un sujet essentiel pour l'ESS. L'inventaire des financements, que l'on a mené avec M. Daniel Fasquelle, intègre notamment le programme d'investissements d'avenir (100 millions d'euros), le fonds d'investissement dans l'innovation sociale (40 millions d'euros), le nouveau fonds de la Caisse des dépôts pour abonder en fonds propres les entreprises de l'ESS (100 millions d'euros), etc. Au total, 6,8 milliards d'euros sont destinés à financer l'ESS. Mais on rencontre encore sur le terrain des acteurs qui ont du mal à trouver des financements : comment les accompagner ? On a consacré dans la loi les dispositifs locaux d'accompagnement (DLA), mais leur efficacité est limitée par l'importance des demandes de soutien, notamment en provenance des entreprises de l'ESS de nouvelle génération – issues de l'élargissement du champ de l'ESS prévu par la loi. Cela se fait au détriment des opérateurs traditionnels de l'ESS, pourtant en nombre plus important.

Il faut donc s'interroger sur l'adéquation des moyens et sur l'ampleur des dispositifs, que nous avons mis en place ou qui sont à mettre en place. Rappelons que les entreprises classiques bénéficient du soutien des chambres de métier et des chambres de commerce et d'industrie, et ont donc tout l'accompagnement nécessaire au développement de leurs projets. Les seules entreprises de l'ESS qui parviennent à un tel degré d'accompagnement sont celles qui bénéficient des DLA, mais ces derniers ne sont pas calibrés pour suivre des centaines de projets par an.

Sur l'aspect économique, M. Hervé Pellois posait la question du CICE. Le Président de la République a annoncé que le CICE basculerait en allégements de charges en 2017 : cette mesure est très attendue par les acteurs de l'ESS qui ne bénéficient pas du CICE, c'est-à-dire les organismes qui ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés. Ils attendent avec beaucoup d'impatience cette évolution.

Sur la question de l'emploi, il faut rappeler que le chiffre mentionné par Mme Carole Delga, soit 600 000 emplois, porte sur l'ensemble des emplois qui seront pourvus dans l'ESS au regard de la pyramide des âges, notamment du fait du départ à la retraite de la première génération des emplois de l'ESS entrée dans la vie active dans les années 1960 et 1970. Il ne s'agit pas d'une création d'emplois nets. Comment l'ESS, d'ailleurs, pourra-t-elle anticiper convenablement ce renouvellement ? C'est une vraie question d'adaptation aux nouveaux besoins en matière de compétences.

S'agissant de l'agrément ESUS, il est délicat de savoir combien d'entreprises l'ont sollicité à ce stade. On peut toutefois constater une difficulté : la formation des greffes des tribunaux de commerce. Pour des entreprises de nouvelle génération, sous forme de SASU ou de SARL par exemple, je vous rappelle que si elles souhaitent revendiquer l'agrément ESUS, elles doivent d'abord être reconnues d'utilité sociale, par l'intermédiaire des greffes. Ensuite seulement, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) sont en mesure de recevoir leur candidature à l'agrément. Cette double étape est délicate pour ces nouvelles entreprises, en raison du manque de formation des greffiers et des employés des DIRECCTE.

Sur la question soulevée par Mme Jeanine Dubié concernant la liste des entreprises de l'ESS tenue par les CRESS, on peut souligner qu'il existe déjà deux sources de recensement des entreprises de l'ESS : l'une rassemble les entreprises qui ont besoin d'être enregistrées par les tribunaux du commerce et l'autre recense les familles statutaires de l'ESS, qui n'ont pas besoin de procéder à un tel enregistrement. En comparant ces deux sources, il est possible de répondre à votre préoccupation, à savoir quelles entreprises relèvent de l'entreprenariat social et lesquelles relèvent des familles statutaires.

Sur les PTCE, mon sentiment est que ce dispositif a été mal intégré par les acteurs de terrain à ce jour. Ces acteurs n'ont pas la cohérence suffisante pour agréger l'ensemble des initiatives (privées, publiques, relevant de l'ESS ou non) et monter des projets communs d'innovation sociale. Les appels d'offre ont exigé que ces « mariages » rassemblent bien toutes les catégories d'acteurs ; ce n'est pas vraiment dans une telle logique d'obligation que les acteurs voulant porter un projet commun souhaitent s'inscrire.

Dans la loi, et malgré les évolutions de la loi NOTRe, ont été maintenues les conférences territoriales de l'ESS. C'est une garantie que l'ESS soit bien intégrée comme un des facteurs de développement économique des régions. Mais il est difficile, si peu de temps après le renouvellement de ces régions, de vérifier que cet objectif est rempli.

De la même façon, s'agissant de la question de M. André Chassaigne concernant le financement de la fusion des chambres régionales de l'ESS, je n'ai, à ce stade, pas d'informations précises.

Sur le plan de l'organisation sociale, la nouvelle déléguée à l'ESS, précédemment en poste au Conseil national de l'industrie, a été nommée très récemment, il y a moins de deux mois. Elle sera entourée d'une équipe de six personnes, actuellement en cours de recrutement.

Concernant l'impact de la définition du nouveau périmètre de l'ESS, il devra encore être mesuré à l'aune d'un futur inventaire des entreprises de l'ESS. Cependant, j'ai eu le plaisir d'intervenir à l'Agora des SCIC (sociétés coopératives d'intérêt collectif), réunion qui s'est tenue pour la première fois, à l'Assemblée nationale. Il est apparu que la nouvelle structure et les capacités capitalistiques augmentées des SCIC offraient de réelles potentialités pour ces organismes. Les SCIC sont des modèles très prometteurs de ce qui peut se mettre en oeuvre, notamment en matière de transition énergétique.

Il est à noter qu'un nouveau dispositif de financement devrait voir le jour : les impact social bonds. Un appel à projets est en cours, pour offrir des capitaux propres à des initiatives sociales innovantes.

Enfin, pour répondre à M. Régis Juanico sur la question de la simplification de la vie des associations, je vais vous faire part d'une anecdote. Je suis en charge d'une association locale, pour laquelle je suis amené à demander des subventions. Je vous confirme que le dossier de demande unique de subvention est bien en place, que ce soit dans les services de l'État ou dans ceux des collectivités territoriales. Mais il faut dépasser certains réflexes bien ancrés : je pense notamment au nombre des pièces justificatives à fournir en complément de la demande. Ce nombre n'a pas diminué ! Je profite donc de cette tribune pour demander une vraie simplification de la vie des associations… (sourires)

Sur la question de l'engagement civique, il faut qu'on progresse. Une proposition visant à permettre que les entreprises labellisées ESUS puissent accueillir des jeunes en service civique figure dans le rapport ; j'aurais peut-être l'occasion de porter cette mesure dans un autre cadre,. Ce serait bien une démarche d'utilité sociale. Si l'on veut atteindre rapidement l'objectif de 300 000 jeunes en services civique, une telle initiative pourrait permettre de combler le reste du chemin à faire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion