Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 9 mars 2016 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Je vous propose de compléter cette présentation par un certain nombre d'informations précises et concrètes sur l'action de l'État à Calais et à Grande-Synthe depuis plusieurs mois.

L'opération concernant la zone sud de la lande a permis d'évacuer, au cours des dix derniers jours, près de la moitié de la superficie de cette zone. Nous proposons un hébergement à chaque personne, de sorte que l'évacuation a lieu au fur et à mesure de leur départ vers la partie nord, où se trouvent un centre d'accueil de 1 500 places et des centres de la sécurité civile, ou vers un centre d'accueil et d'orientation. Notre objectif est d'avoir terminé cette évacuation dans une dizaine de jours, pourvu que nous continuions à travailler dans les conditions actuelles, dans le dialogue le plus apaisé possible entre les maraudeurs et les migrants, les premiers ayant pour mission d'exposer sereinement aux seconds les conditions d'accueil offertes.

Au cours de ces dernières semaines, bien des contrevérités ont été énoncées et bien des manipulations ourdies sur ce sujet pourtant sensible, puisqu'il y va de la condition humaine d'hommes et de femmes confrontés à l'épreuve terrible de la persécution. Beaucoup, pour ne pas dire la totalité, de ceux qui se trouvent à Calais et à Grande-Synthe relèvent du statut de réfugié en France ou en Europe.

Je veux rappeler que la situation qui prévaut dans ces deux villes ne résulte en aucun cas d'un contexte français et qu'elle n'est pas récente. Comme le soulignent les élus de Calais, que je rencontre régulièrement, le Calaisis est confronté à ce problème depuis quinze à vingt ans, et les nombreuses solutions qui ont été imaginées ne l'ont jamais réglé définitivement. Ce phénomène s'inscrit, par ailleurs, dans un contexte géopolitique mondial et européen qu'il convient de prendre en compte. Depuis 2014, l'Europe est confrontée à une crise migratoire sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, depuis janvier 2015, environ un million de migrants sont entrés sur le territoire de l'Union européenne. Nombre d'entre eux ont pris tous les risques, bravé tous les dangers, pour fuir la guerre qui ravage la Syrie et l'Irak, ainsi que les persécutions et la barbarie de Daech.

En France, la forte augmentation, depuis plus d'un an, de la pression migratoire se fait particulièrement sentir en des points localisés. Certes, cette pression n'est pas aussi forte, loin s'en faut, que dans des pays tels que l'Autriche ou l'Allemagne, mais le nombre des demandes d'asile - passé de 65 000 à 80 000 - a augmenté de 20 % et nous devons y faire face. En raison de leur proximité géographique avec le Royaume-Uni, les régions du Calaisis et du Dunkerquois sont tout particulièrement affectées par la crise migratoire, avec la constitution des camps dits de « la lande » à Calais, puis de Bas-Roch à Grande-Synthe, près de Dunkerque. Ces lieux, où des femmes, des hommes, des enfants, des familles entières, vivent dans des conditions extrêmement précaires, servent de base arrière aux réseaux de passeurs qui y conduisent leurs victimes avant de leur extorquer le prix exorbitant d'une traversée de la Manche improbable et dangereuse, voire meurtrière puisque depuis le début de l'année 2015, vingt migrants y ont perdu la vie. L'activité criminelle des passeurs, parfois accompagnée de l'inconscience de groupes d'activistes comme les No border, qui poussent les migrants à franchir la frontière, les conduit à prendre tous les risques jusqu'à la mort. Cette dimension doit être prise en compte dans les actions de l'État, qui doit tout faire pour éviter que de telles situations ne se produisent.

Quelle est la politique du Gouvernement ? Depuis le début de la crise, nous n'avons cessé de défendre une position juste et efficace, la seule à même de garantir tant la protection des migrants contre les passeurs que la sécurité des habitants de Calais et de Grande-Synthe. Cette politique assure à la fois l'accueil des demandeurs d'asile – auquel nous tenons, car ce sont nos valeurs, nos engagements et notre droit –, l'assistance humanitaire et l'efficacité de la lutte contre les filières d'immigration irrégulière. J'ai bien conscience qu'il s'agit d'un objectif ambitieux, mais c'est à mes yeux le seul qui vaille la peine d'être défendu. Aucune solution durable à cette crise ne sera trouvée si nous n'avons pas à l'esprit cette double exigence d'humanité et de lucidité.

Il nous faut tout d'abord lutter contre les filières de traite des êtres humains, organisées au niveau mondial – en Lybie, à Londres, sur notre territoire –, qui exploitent des migrants en situation d'extrême vulnérabilité. Outre qu'ils sont à l'origine de nombreuses disparitions en Méditerranée, à Calais et à Grande-Synthe, ces réseaux criminels extorquent par la violence des milliers, voire des dizaines de milliers d'euros aux migrants, dont ils accroissent ainsi la misère. Dans le combat contre ces filières de passeurs, ma détermination est donc totale.

En 2015, nous avons démantelé, à Calais, pas moins de 28 d'entre elles, composées de 700 individus, soit deux fois plus qu'en 2014. J'ai assigné aux services de la police de l'air et des frontières des objectifs extrêmement clairs ; leur mobilisation a permis d'obtenir des résultats. À Grande-Synthe, depuis un an, 25 filières ont également été mises hors d'état de nuire. Tant qu'elle sera nécessaire, cette action se poursuivra avec la même puissance et la même opiniâtreté.

Sur l'ensemble du territoire national, pas moins de 251 filières clandestines ont été identifiées en 2015. C'est très simple : jamais un nombre aussi important de réseaux n'avaient été démantelés en aussi peu de temps. Cette sorte de record démontre que la détermination des services du ministère de l'Intérieur paie. Là aussi, nous maintiendrons notre effort en 2016. Il est en effet indispensable de lutter contre ces réseaux criminels qui entretiennent avec cynisme et sans la moindre humanité la création et le développement de campements où leurs victimes survivent dans des conditions dégradantes.

Dans le même esprit, il était également indispensable que nous sécurisions, à Calais, les infrastructures de transport – port et tunnel –, afin que la frontière soit étanche. J'ai donné des instructions aux préfets des départements concernés pour que le même effort soit accompli sur tous les sites transmanche. Sans une telle action, il est évident que d'autres filières tenteront de s'implanter et que des migrants, plus nombreux encore, dupés par les mensonges des passeurs, viendront s'implanter dans des campements. Nous continuerons tant que cela sera nécessaire, en dénonçant les manipulations de ceux qui, par leur activisme cynique, maintiennent les migrants entre les mains des passeurs. Je veux dénoncer ici sans la moindre ambiguïté les No border, plus soucieux d'agitation que d'humanité, animés par des arrière-pensées politiques, les migrants étant l'instrument de leur combat dévoyé.

Pour assurer la sécurisation de la frontière, nous avons consenti un effort considérable avec l'appui des autorités britanniques. Leur engagement dans ce domaine ne figurait pas dans les accords du Touquet. Aussi ai-je entamé avec elles une négociation : elles ont accepté de cofinancer la sécurisation des sites concernés – plus de 18 millions d'euros investis dans le port, 51 millions d'euros pour le tunnel –, afin de les rendre inaccessibles. Là aussi, notre action porte ses fruits. Depuis plusieurs mois, aucune intrusion n'a été détectée à l'intérieur du tunnel, et les autorités britanniques nous indiquent qu'elles ne constatent plus aucun passage irrégulier par les infrastructures de transport. Le message que nous envoyons aux migrants et aux passeurs est ainsi d'une clarté absolue : on ne passe plus et on ne passera plus à Calais ni à Dunkerque, ni sur l'ensemble de la façade septentrionale. En l'absence d'un tel message, nous incitons les passeurs à poursuivre leur trafic.

J'en viens à présent au deuxième grand objectif que nous poursuivons à Calais, celui qui mobilise le plus notre énergie. Il consiste, d'une part, à garantir un accueil humanitaire à ceux qui relèvent du statut de réfugié en France et, d'autre part, à faire en sorte que les migrants susceptibles de prétendre à ce statut soient accueillis dans des logements décents où ils peuvent être pris en charge par des associations et accompagnés dans leurs démarches.

Sur le premier point, je vous rappelle que nous avons investi plus de 18 millions d'euros, en 2015, afin d'accompagner la commune de Calais, avec laquelle nous entretenons des relations de confiance, dans l'organisation d'un accueil digne des migrants et des demandeurs d'asile. Un centre d'accueil de jour, le centre Jules-Ferry, a ainsi été ouvert, qui distribue 2 200 repas chaque jour et offre l'accès à environ 500 douches aux migrants installés sur la lande. Nous avons pris des mesures d'assainissement, et un dispositif d'hébergement et de mise à l'abri a été déployé. Actuellement, 305 migrants sont accueillis dans les tentes de la sécurité civile. Environ 200 personnes vulnérables ont trouvé refuge dans le centre Jules-Ferry, dont 143 femmes et 38 mineurs. Enfin, depuis le 11 janvier, 1 500 places ont été aménagées dans 125 conteneurs de douze places chacun, pourvus en eau, en chauffage et en électricité. Ce centre d'accueil provisoire est animé par l'association La Vie active, qui accomplit un travail remarquable. Alors que je lis dans la presse que les migrants refusent d'aller dans ces centres, 1 334 personnes y sont actuellement accueillies et, dans quelques jours, l'ensemble des 1 500 places seront occupées.

Afin que les migrants puissent être informés de leurs droits et des propositions d'hébergement que nous leur faisons, nous organisons des maraudes avec l'aide de plusieurs associations, telles que le Groupe SOS et France Terre d'Asile. Ce travail d'information directe, mené depuis des semaines, est le seul moyen efficace de lutter contre les opérations de désinformation et de manipulation auxquelles se livrent les passeurs et les No border.

Une attention particulière est bien sûr portée à la question délicate des mineurs. Comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, les mettre à l'abri a d'emblée constitué l'une de nos priorités absolues. Le centre Jules-Ferry permet d'accueillir les enfants accompagnés de leur mère ; 38 d'entre eux y sont actuellement. Quant aux mineurs isolés, particulièrement vulnérables, ils font évidemment l'objet d'un suivi spécifique. Là aussi, bien des contrevérités ont circulé dans les médias. Je rappelle que l'État a missionné l'association France Terre d'Asile pour le recensement et la mise à l'abri de ces mineurs isolés. Lors des maraudes, il leur est proposé de rejoindre l'un des deux centres qui leur sont dédiés : le centre de Saint-Omer pour les plus de 15 ans et le centre Georges Brassens pour les plus jeunes. Pour les plus de 15 ans, cette orientation dépend de leur consentement, conformément au droit.

Comme je l'ai dit il y a deux semaines au Mans, j'ai décidé de renforcer considérablement notre dispositif d'accueil des mineurs. Ainsi, des places leur sont réservées dans le CAP et dans les tentes de la sécurité civile. À ce jour, 89 mineurs isolés sont accueillis au CAP et 37 dans les tentes de la sécurité civile. Par ailleurs, 83 mineurs accompagnés d'un référent résident au CAP. En tout, 208 mineurs sont donc actuellement mis à l'abri d'une façon ou d'une autre sur la lande.

Pour les mineurs isolés de Calais, le Gouvernement a donc fait le choix d'agir avec vigueur. Je ne laisserai personne dire que l'État ne se bat pas pour que ces mineurs bénéficient des meilleures conditions possibles. Au contraire, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour leur proposer une solution satisfaisante.

Enfin, j'ajoute que, lors du sommet franco-britannique d'Amiens, le 3 mars, la France a obtenu du Royaume-Uni qu'il s'engage à accueillir sur son territoire les mineurs isolés présents à Calais ayant de la famille outre-Manche, dans le cadre de l'application rigoureuse du règlement européen de Dublin. C'est un sujet supplémentaire sur lequel notre coopération a permis d'avancer. En la matière, il est essentiel que le Royaume-Uni prenne toute sa part ; Theresa May, mon homologue britannique, m'a assuré de sa détermination à oeuvrer rapidement en ce sens, et j'y veillerai.

J'en viens maintenant au second point : faire en sorte que les migrants qui relèvent de l'asile en France puissent y avoir accès.

Nous avons consenti un effort particulier, en 2015, pour permettre aux migrants qui ont déposé une demande d'asile et qui se maintiennent sur la lande de rejoindre une des places d'hébergement réservées aux demandeurs d'asile. Depuis le 1er janvier 2015, 1 648 demandeurs d'asile présents à Calais ont ainsi gagné un centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) ou une structure d'accueil temporaire du service de l'asile (AT-SA). Ils étaient seulement 374 en 2014, et moins d'une centaine en 2013. Cette importante amélioration de la prise en charge des demandeurs d'asile à Calais a été rendue possible par le plan en faveur des migrants que le Gouvernement a adopté en juin dernier : il a permis la création de 13 630 places de CADA, de 4 000 places d'AT-SA et de 500 places en centre provisoire d'hébergement (CPH).

Enfin, afin d'accroître les possibilités pour les migrants de Calais et de Grande-Synthe de rejoindre un hébergement digne de ce nom, j'ai décidé, en octobre dernier, en accord avec la ministre du Logement d'alors, Mme Sylvia Pinel, de créer des centres d'accueil et d'orientation à taille humaine. On compte désormais 112 centres de ce type répartis sur tout le territoire national. Ils permettent aux migrants de Calais qui relèvent du statut de réfugié d'être accueillis dans des logements, où ils sont pris en charge par des associations qui les accompagnent dans leurs démarches. Depuis le mois d'octobre, nous avons ainsi accueilli près de 3 000 personnes venant de Calais et de Grande-Synthe dans les CAO. Nous sommes donc très loin de l'échec dénoncé par certains organes de presse ! Ce résultat significatif doit être mesuré à l'aune de l'oeuvre de désinformation cynique des passeurs, des No border et de multiples acteurs aux préoccupations égotiques dont la situation difficile des migrants constitue le miroir narcissisant.

J'ajoute qu'à l'heure actuelle, de plus en plus de départs en CAO se font depuis le centre d'accueil provisoire de Calais, ce qui montre que le dispositif est d'une grande fluidité. Les migrants quittent les tentes pour être accueillis dans le CAP avant, dans un second temps, de partir en CAO. Le dispositif est vertueux. J'ai entendu dire que les personnes accueillies en CAO revenaient à Calais : je précise que 80 % d'entre elles font une demande d'asile en France et ne retournent jamais à Calais. En effet, un CAO, comme son nom l'indique, n'est pas seulement un lieu d'accueil et de répit, c'est aussi un espace d'orientation où les migrants peuvent formuler leur demande d'asile.

Les résultats sont au rendez-vous : les migrants vivant dans la boue, le froid et la précarité à Calais étaient au nombre de 6 000 à la fin de l'année 2015 ; ils ne sont plus aujourd'hui que 3 700. À Grande-Synthe, leur nombre a été divisé par trois, passant de 3 000 à moins de 1 000, avant la création d'un nouveau camp sur l'initiative de la municipalité, sur laquelle je dirai un mot en conclusion de mon propos. C'est le fruit d'un travail de persuasion intense mené auprès des migrants pour les convaincre d'accepter de rejoindre les CAO. À ce propos, je veux rendre hommage à l'engagement et à la mobilisation admirables des travailleurs sociaux de la direction de la cohésion sociale, de l'OFII, de l'OFPRA et des associations.

Lors du sommet franco-britannique d'Amiens, nous avons également obtenu du Royaume-Uni – qui participait déjà au financement de cette démarche à hauteur de 10 millions d'euros répartis à parts égales sur 2015 et 2016 – un financement supplémentaire de l'ordre de 22 millions d'euros pour cette année. Cette somme contribuera au financement des places en CAO et permettra de compléter nos efforts de sécurisation à Calais par la mise en place d'un dispositif d'éclairage de la rocade.

Je veux maintenant revenir sur l'opération de mise à l'abri des migrants et de réduction de la zone sud du campement de la lande, que nous menons depuis le 29 février à la suite de la décision du tribunal administratif de Lille du 25 février, qui a confirmé en tout point – y compris en ce qui concerne les équipements collectifs que nous avons proposés de maintenir et que nous sommes prêts à faire monter en puissance – l'arrêté du 20 février de la préfète du Pas-de-Calais.

Tout d'abord, au cours du mois de janvier, nous avons mis à l'abri, grâce notamment à des départs en CAO, les migrants présents sur la « bande des 100 mètres ». La situation dans cette zone située le long de la rocade portuaire était en effet problématique car les migrants, instrumentalisés par les passeurs et les No border, étaient tentés de traverser, ce qui provoquait des violences et des morts. L'évacuation a permis de sécuriser le camp et de limiter considérablement les intrusions, les heurts et les échauffourées.

Ce que certains appellent expulsion ou démantèlement de la « jungle » – on a évoqué la présence de bulldozers et des violences – n'est en réalité que la poursuite de notre politique méthodique de mise à l'abri des migrants. En effet, je ne considère pas, et je l'assume, que maintenir des enfants, des femmes et des familles en situation précaire dans la boue corresponde à un idéal humanitaire. Je dois dire que la mobilisation de certaines bonnes consciences autoproclamées ou de pétitionnaires d'habitude en faveur du maintien d'un bidonville obéit à des motivations dont je perçois mal le caractère caritatif.

Notre objectif est de proposer à ces personnes, qui ont déjà beaucoup souffert, un dispositif permettant hébergement, accompagnement social et accès à la langue française. Voilà ce que je fais et continuerai à faire pour que notre pays soit à la hauteur de son histoire, de ses valeurs et de sa réputation internationale.

À l'heure actuelle, nous avons d'ores et déjà réduit de 40 % environ la zone sud du campement et, si nous maintenons ce rythme satisfaisant, nous devrions avoir mis à l'abri l'ensemble des migrants concernés d'ici sans doute une dizaine de jours. À toutes ces personnes, nous proposons de rejoindre les CAO. Par ailleurs, conformément à la décision du tribunal administratif de Lille, nous laissons en place les « lieux de vie » précisément cités dans l'ordonnance du juge.

Je regrette qu'une poignée de militants d'extrême gauche irresponsables, les fameux No border, qui bénéficient d'étonnants relais, tentent de fixer les migrants sur la lande, les empêchant d'accéder à des conditions d'accueil autrement plus décentes. Ces extrémistes irresponsables et cyniques n'hésitent pas à recourir à l'intimidation, à la manipulation et à la violence. Ainsi, à plusieurs reprises, les travailleurs sociaux, notamment les agents de l'OFII, au cours de maraudes au contact des migrants, ont-ils été pris à partie, insultés, bousculés et menacés. Les forces de l'ordre ont été « caillassées ». Je me suis donc trouvé dans l'obligation de faire protéger les travailleurs sociaux dans l'exercice de leurs missions, ce qui a conduit les mêmes agitateurs à crier aux violences policières.

À ce propos, je tiens à rappeler que 133 CRS et policiers ont été blessés en 2015 et que 67 policiers, dont 64 CRS, l'ont été depuis le début de l'année 2016. J'appelle donc chacun à faire preuve de mesure. Je serai intraitable et j'agirai avec la plus grande sévérité, en mobilisant l'inspection générale de la police nationale, si des violences devaient être commises à l'égard des migrants. Mais ces chiffres témoignent, s'il en était besoin, d'une autre réalité. Les forces de l'ordre accomplissent un travail difficile dans un contexte où l'État mobilise des moyens humanitaires. N'oublions pas qu'elles protègent des travailleurs sociaux qui tentent de convaincre les migrants de se mettre à l'abri. Ces violences sont inacceptables et nous serons déterminés à les dénoncer de manière à mener notre opération à son terme.

Parce que j'ai bien conscience des incompréhensions et des malentendus, des méconnaissances aussi – sans oublier les mensonges et les manipulations – concernant l'action de l'État à Calais, j'ai souhaité qu'un site internet dédié soit créé pour rétablir la vérité. Il sera mis en ligne dans les jours qui viennent ; y seront diffusés des documents qui permettront d'apporter aux citoyens français, face aux contrevérités, toutes les explications qu'ils sont en droit d'attendre.

Pour conclure, je veux ajouter quelques mots à propos de Grande-Synthe.

Le campement sauvage qui s'y est installé présente, depuis plusieurs mois, une situation particulièrement dégradée. Du point de vue de la sécurité tout d'abord, il est particulièrement investi par des réseaux de passeurs. Nous menons donc une action déterminée pour démanteler les filières – je le rappelais tout à l'heure. À titre d'exemple, un réseau qui faisait l'objet d'enquêtes approfondies depuis décembre dernier a été mis hors d'état de nuire en début de semaine dernière et ses six membres ont été placés en garde à vue.

La priorité du Gouvernement est bien de démanteler les bidonvilles, à Calais comme à Grande-Synthe, en proposant des solutions pour chaque migrant. Pour répondre à l'urgence humanitaire, des maraudes ont lieu chaque jour dans le camp de Bas-Roch, conduites par les services de l'État et les associations, pour proposer à chacun une solution adaptée. Depuis le début de l'année, 600 migrants ont ainsi quitté Grande-Synthe pour rejoindre les CAO. Par ailleurs, des solutions de mise à l'abri ont été offertes à proximité de Grande-Synthe pour les personnes particulièrement vulnérables ; 300 places ont été mises à leur disposition par l'État. En tout, 389 personnes y ont été accueillies depuis le début de l'année ; 93 d'entre elles sont depuis parties en CAO. Ces efforts ont permis une réduction très nette de l'affluence sur le camp de Grande-Synthe puisqu'en quelques semaines, nous sommes passés de plus de 3 000 personnes à 1 050 selon le recensement de mardi dernier.

La solution ne passe donc pas par un déplacement du campement vers un site qui, en raison de sa localisation, pose des problèmes. Par ailleurs, comme le veut le droit, un camp de ce type ne peut être implanté qu'après le passage de la commission de sécurité, dont les préconisations doivent être suivies, faute de quoi la vie de ceux qui vivront sur place serait mise en danger. Nous ne demandons rien d'autre autre que l'application du droit. Nous avons le souci d'entretenir une relation de confiance avec les élus, que nous respectons pour leur engagement humanitaire, mais celui-ci ne peut échapper aux règles de droit ni aux objectifs globaux de l'État, dont la responsabilité est d'accueillir les migrants. Dans le cas contraire, on prendrait le risque de créer à terme une situation humanitaire extrêmement dégradée.

Par ailleurs, nous avons constaté, à l'occasion des intrusions dans le tunnel, des incidents survenus sur la rocade ou du travail accompli par les forces de sécurité, que se trouvent dans ces camps des étrangers en situation irrégulière ne relevant pas de l'asile en France. Nous mobilisons donc les services pour procéder à leur reconduite à la frontière. Cette procédure a concerné l'an dernier, à Calais, près de 1 600 d'entre eux. Nous devons assumer cette action également car, si nous voulons pouvoir accueillir dans de bonnes conditions ceux qui relèvent du statut de réfugié, nous devons reconduire vers leur pays d'origine ceux qui sont en situation irrégulière, dans le respect des règles de droit.

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