Intervention de Rose-Marie Antoine

Réunion du 9 mars 2016 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Rose-Marie Antoine, directrice générale de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre :

Je souhaite préciser à titre liminaire que je suis accompagnée de Mme Emmanuelle Double, chef du département de la solidarité, et du général (2S) Jean-Paul Martial, chargé des relations avec les autorités militaires et de l'accompagnement des nouvelles générations du feu dans leur insertion professionnelle.

C'est un grand honneur pour moi et pour mon établissement d'être de nouveau auditionnée par votre commission ; cela dénote combien l'ONAC-VG est un établissement placé aujourd'hui plus que jamais au coeur de l'actualité ; je sais votre attachement à l'établissement que je dirige depuis maintenant trois ans et à ses ressortissants ; les nombreux courriers que vous m'adressez à leur sujet en témoignent.

Vous m'avez auditionnée une première fois en janvier 2014, au moment où nous étions en train d'élaborer le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'Office qui a été depuis approuvé et adopté et qui fixe les grands axes de la transformation de l'établissement jusqu'en 2018 ; vous m'avez auditionnée une nouvelle fois en juillet 2014 dans le cadre de la mission d'information sur la prise en compte des blessés de nos armées ; enfin, je suis désormais auditionnée chaque année dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.

Avant d'aborder le point qui m'amène aujourd'hui devant vous – le suivi des blessés et la prise en charge des pupilles de la Nation –, à la suite notamment du rapport d'information que vous avez produit l'année dernière, je vous propose au préalable de vous faire un rapide point de situation sur la mise en oeuvre du contrat d'objectifs et de performance de l'ONAC-VG, dont les principales orientations sont très étroitement liées à ces questions.

Comme vous le savez, l'ONAC-VG est aujourd'hui à un tournant de son histoire. En effet, le premier axe du COP, qui est le recentrage de l'Office sur ses missions historiques, a connu en décembre dernier une avancée significative avec la validation du transfert des établissements médico-sociaux (EMS) de l'Office, créés il y a un siècle mais qui aujourd'hui n'accueillent plus que très marginalement des ressortissants de l'ONAC-VG. Les solutions de transfert préconisées dans le cadre du travail interministériel mené depuis 2013 ont été confirmées et les prérequis d'un transfert dans les meilleures conditions sont désormais assurés. J'y reviendrai si vous le souhaitez.

Ce transfert s'accompagne parallèlement d'un rapprochement volontariste avec les armées, auquel j'ai oeuvré sans relâche depuis trois ans. En effet, si l'Office se sépare de ses EMS, c'est pour mieux prendre en charge ses nouveaux ressortissants, comme il a accompagné depuis un siècle les anciens combattants, les mutilés, les pupilles. Or, contrairement à leurs aînés, ces jeunes militaires qui quittent l'institution ne connaissent pas l'Office. Ils n'ont pas la même culture, pas les mêmes attentes. Il convenait donc de faire en sorte que l'Office aille à leur rencontre et se fasse connaître ou reconnaître par ces nouvelles générations du feu.

La mise en oeuvre des nouvelles dispositions relatives à la carte du combattant à 120 jours d'une part et, d'autre part, la mission fondamentale, confiée à l'ONAC-VG par le ministre de la Défense, d'accompagner dans la durée les militaires blessés ayant quitté l'institution, ont permis de travailler à ce rapprochement de manière décisive.

Le choix du ministre s'est naturellement porté sur notre Office car ce travail d'accueil, d'accompagnement, d'écoute et de soutien de nos blessés, est celui que l'Office réalise depuis cent ans, et la création du premier « office des mutilés », auprès de toutes les femmes et tous les hommes, tous les civils et tous les militaires qui ont oeuvré, dès le début de la Première Guerre mondiale, à la défense des valeurs républicaines, auprès de tous ceux qui ont payé de leur vie, ou dans leur chair, un lourd tribut à la Nation.

Cet engagement séculaire est toujours d'actualité et celle-ci nous le rappelle douloureusement. Aujourd'hui, l'Office accompagne les victimes du terrorisme, cette nouvelle forme insidieuse de guerre qui ne dit pas son nom, comme il a accompagné toutes les victimes civiles au cours des conflits passés.

Le présent rejoint ainsi le passé et pour rester à la hauteur des engagements qu'il s'est fixé, l'Office se modernise et s'adapte, tant dans sa mission de solidarité qu'au niveau de son travail de mémoire.

S'agissant de la solidarité, l'adaptation de la politique sociale de l'établissement à la diversité de ses ressortissants s'est traduite par des orientations validées formellement par son conseil d'administration et l'entrée en vigueur d'une circulaire permettant de cadrer l'action des services et des commissions départementales.

Ces orientations visent à garantir à ceux des ressortissants de l'ONAC-VG les plus en difficulté un soutien adapté à leur situation personnelle, sur la base d'une appréciation au cas par cas reposant sur des critères mieux définis. À ce titre, la réforme des modalités d'intervention – en particulier la nécessaire intégration de l'allocation différentielle aux conjoints survivants (ADCS) – a été opérée sans remise en cause du niveau d'aide assuré aux plus démunis, notamment les veuves d'anciens combattants. Je reviendrai sur ce point sensible si vous le souhaitez.

L'action conduite par l'Office en faveur de la promotion de la mémoire au niveau local est progressivement confortée par les efforts réalisés notamment dans le domaine de la conservation, de l'entretien et de la rénovation des nécropoles et des lieux de mémoire que l'Office gère depuis 2011 seulement, avec la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la Défense.

Enfin, qu'il s'agisse des mesures organisationnelles ou de celles visant à rationaliser les circuits de traitement des demandes, la mise en oeuvre des actions en faveur des harkis et des rapatriés décidées dans le cadre de la modernisation de l'action publique est désormais complète.

Voilà très rapidement tracés, les points clés du COP qui ont permis à notre établissement de rester aujourd'hui comme hier « la maison des combattants ». Car si les missions de l'Office se sont développées, si l'Office a su s'adapter à l'évolution de la société et à ses nouveaux ressortissants, deux éléments fondamentaux n'ont pas changé, qui ont fait sa force et fondé sa légitimité jusqu'à aujourd'hui : la présence du monde combattant lui-même au sein de ses instances dirigeantes et l'importance de son maillage territorial, ce réseau de services de proximité implantés dans chaque département et en Afrique du Nord, qui permettent à l'Office d'accompagner au plus près ses ressortissants et de les suivre dans la durée.

J'en viens maintenant à l'accompagnement des militaires blessés, de leur famille et des familles de militaires décédés en service. Le ministre de la Défense a réaffirmé le 24 juin 2014 la mission de l'ONAC-VG : « assurer le suivi dans la durée des militaires blessés ».

C'est à ce titre que j'ai signé des conventions de partenariat fin 2014 avec l'armée de l'air et la marine, et un protocole d'accord en mars 2015 avec le chef d'état-major de l'armée de terre. Ces conventions et ce protocole ont pour objet d'organiser le « passage de relais » entre les cellules d'aide aux blessés des armées et l'ONAC-VG, et leur conclusion démontre que les plus hautes autorités militaires reconnaissent de nouveau le rôle de l'Office au profit de leurs blessés. Je devrais d'ailleurs prochainement signer la convention avec la gendarmerie nationale.

La prise en charge des soldats blessés est en effet une mission historique de l'ONAC-VG. Tous les soldats blessés au cours des conflits mondiaux, en Indochine, en Afrique du Nord et en opération extérieure sont ressortissants de l'Office et bénéficient du soutien de ses services départementaux.

Nous agissons désormais dans le cadre du plan d'action ministériel qui a renforcé et amélioré l'accompagnement des militaires blessés et de leur famille. Des efforts particuliers sont engagés pour organiser la prise en compte des blessés qui vont quitter l'institution et inscrire leur suivi dans la durée. C'est là le coeur de la mission confiée à l'ONAC-VG. C'est dans le cadre de cette mission qu'une attention spécifique est portée aux victimes d'état de stress post-traumatique.

Cette action est conduite avec le service de santé des armées (SSA) dans le cadre d'une convention de partenariat. Un stage de sensibilisation à l'accueil et à l'écoute des victimes de syndromes de stress post-traumatique sera ainsi ouvert, à ma demande, par le service de santé des armées aux agents de la solidarité des services départementaux.

Cette mission exige une écoute attentive et bienveillante, une orientation concertée et individualisée, un soutien administratif, dans un dialogue permanent avec les services ministériels susceptibles d'être mobilisés. Et c'est là le savoir-faire et les atouts de nos services de proximité.

L'attribution d'une aide financière peut compléter cet accompagnement, si nécessaire, conformément aux principes généraux de la politique sociale de l'Office qui peuvent être résumés en quelques mots : subsidiarité, examen et réponse individualisés, décision collégiale.

Enfin, il est essentiel de comprendre que désormais l'action de l'ONAC-VG s'inscrit totalement dans le parcours normé du blessé tel que défini par le ministère de la Défense et sur lequel pourra revenir le général Martial.

Ce parcours repose sur la connaissance mutuelle de différents partenaires qui agissent de manière coordonnée. Le processus d'ensemble qui associe ces partenaires couvre les différentes étapes qui marquent le parcours d'un blessé que ce soit avant ou après sa radiation des contrôles. L'ONAC-VG a pleinement la responsabilité du suivi des blessés après leur radiation des contrôles.

Le passage de relais entre les cellules d'aide aux blessés des armées et les services de l'Office se traduit par la transmission d'un « passeport du blessé » qui retrace toutes les actions mises en oeuvre depuis la blessure.

J'ai demandé que l'accompagnement qui est initié ou poursuivi alors par les services fasse l'objet d'un effort sur la réinsertion professionnelle civile. Bien souvent, la réadaptation et la réinsertion d'un militaire blessé reposent en effet sur sa reconversion. C'est au regard de cet objectif prioritaire de l'accompagnement – l'accès à un emploi civil – qu'une convention de partenariat a été signée le 16 mars 2015 avec l'Agence de reconversion de la défense « Défense Mobilité ».

La qualité de l'accompagnement qu'il s'agit de proposer repose fortement sur la capacité de nos services à mobiliser les acteurs institutionnels et associatifs. Le parcours du blessé s'inscrit dans un véritable écosystème administratif qui, pour les intéressés, ne doit surtout pas s'apparenter à un « labyrinthe administratif ».

Nos services départementaux agissent donc désormais aux côtés des formations des armées : les régiments de l'armée de terre, les bases aériennes et les unités de la marine et les contacts établis permettent de constater que le rapprochement opéré avec les autorités militaires locales est aujourd'hui bien accueilli.

Le département de la solidarité, dirigé par Mme Double, au sein de la direction générale, est l'interlocuteur privilégié des cellules d'aide aux blessés des armées qui sont désormais regroupées à l'Hôtel national des Invalides. Les actions de l'ONAC-VG relèvent alors de la mise en oeuvre des droits – carte du combattant, carte d'invalidité, etc. –, et de la constitution des dossiers d'adoption des enfants par la Nation en qualité de pupille.

La méthode qui guide l'ONAC-VG dans ce domaine, est celle d'une action en réseau, avec notamment :

– le service de santé des armées ;

– l'Action sociale de la défense, avec laquelle nous venons de signer un accord, et l'Agence de reconversion de la défense ;

– la sous-direction des Pensions du ministère de la Défense ;

– le monde mutualiste, qui est de plus en plus présent ;

– l'Institution nationale des Invalides ;

– la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) ;

– les sociétés de prévoyance (GMPA, AGPM) ;

– et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Ce réseau comprend également les associations d'anciens combattants qui peuvent apporter leur soutien sous différentes formes, en fonction de leur statut et de leur politique d'entraide et de solidarité.

Pour conclure, je vous propose de dresser un premier bilan de cet accompagnement des blessés par l'ONAC-VG en 2015.

Depuis la signature des conventions et du protocole d'accord, le suivi de 43 blessés radiés des contrôles a été transféré à l'ONAC-VG par les cellules d'aide aux blessés des armées : 14 par la cellule d'aide aux blessés de l'armée de terre (CABAT), 18 par la cellule d'aide aux blessés de la marine (CABAM) et 11 par la cellule d'aide aux blessés, malades et familles de l'armée de l'air (CABMF-Air).

En ce qui concerne les blessés de l'armée de terre, ce transfert s'est limité en 2015 aux six services départementaux expérimentateurs de la mise en oeuvre du protocole d'accord. Il a été décidé de généraliser ce transfert à l'ensemble des services départementaux à compter du 1er janvier 2016.

2016 sera donc l'année de référence du suivi des blessés par l'ONAC-VG. Cette montée en puissance progressive devrait se traduire par une augmentation sensible des anciens militaires blessés accompagnés par l'Office au titre des conventions.

Par ailleurs 20 services départementaux accompagnent déjà 92 blessés hors conventions. Il s'agit de militaires ou d'anciens militaires qui sollicitent spontanément l'aide de l'Office. Là encore la généralisation de cette prise en charge devrait conduire à une progression importante des blessés accompagnés.

Ainsi avons-nous accueilli des jeunes en déshérence sociale et en situation de grande précarité. C'est là incontestablement la force de notre réseau de proximité qui complète l'action des armées et rattrape ceux qui « auraient perdu le contact ». Je pourrai si vous le souhaitez témoigner de l'action des services départementaux.

Après vous avoir ainsi rapidement brossé le rôle et les évolutions récentes de l'action de l'Office, notamment en faveur des blessés en opérations, vous comprendrez aisément que l'ONAC-VG a pris sa place sans difficultés dans le dispositif de prise en charge des victimes d'actes de terrorisme.

L'Office accompagne et soutient depuis un siècle les victimes de toutes les formes de conflits, qu'elles soient civiles ou militaires. La mise en oeuvre des dispositions la loi du 23 janvier 1990, dont l'article 26 étend aux victimes d'actes de terrorisme les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre applicables aux victimes civiles de guerre, s'est donc inscrite sans difficulté dans les missions de l'Office.

Présents au sein des guichets uniques mis en oeuvre lors des attentats des années 1990, aujourd'hui membres du comité de suivi des victimes mis en place par l'instruction interministérielle du 12 novembre 2015, les services de l'Office sont prêts à répondre aux demandes de la secrétaire d'État chargée de l'aide aux victimes, comme le prévoit sa lettre de mission. En outre et afin d'être encore plus à l'écoute des besoins des familles de victimes d'actes de terrorisme, le secrétaire d'État chargé des Anciens combattants et de la mémoire, M. Todeschini, a nommé au conseil d'administration de l'Office récemment renouvelé, une victime du terrorisme et une experte, psychologue clinicienne, spécialiste de l'aide aux victimes.

En effet, les victimes d'actes de terrorisme, dès lors qu'elles sont reprises sur la liste unique des victimes établie par le Parquet après chaque attentat, sont depuis 1990 ressortissantes de l'ONAC-VG. Cette qualité leur permet de bénéficier de l'action sociale et de l'assistance administrative mises en oeuvre par les services de proximité de l'ONAC-VG. Avant les attentats de novembre 2013, l'ONAC-VG assurait ainsi le suivi de près de 500 ressortissants victimes d'actes de terrorisme depuis la mise en oeuvre de la loi de 1990.

Par ailleurs, les enfants des victimes d'actes de terrorisme ainsi que les victimes âgées de moins de 21 ans peuvent être adoptés par la Nation en qualité de pupille par jugement rendu par le tribunal de grande instance compétent. Ils sont actuellement 183 pupilles de la Nation adoptés à la suite d'actes de terrorisme et ce nombre va malheureusement s'accroître sensiblement en 2016. Je reviendrai ultérieurement sur cette mission fondamentale et elle aussi historique de l'Office.

Concrètement, dès que la direction générale a connaissance de la liste unique des victimes, elle adresse à chaque service départemental les noms des victimes domiciliées dans son département. Le service prend ensuite l'attache de chaque victime pour lui proposer un accompagnement personnalisé. Ainsi, à la suite des attentats du 13 novembre, le service départemental de Paris, qui réunit à lui seul plus de 600 victimes, a mis en place une cellule d'accueil afin d'organiser les prises de rendez-vous.

Dans la première phase de son accompagnement, le rôle de l'Office est surtout celui d'un soutien administratif dans l'accomplissement des nombreuses formalités complexes à diligenter par des victimes désorientées devant la multitude de démarches à accomplir. L'Office peut alors efficacement les orienter et les aider à remplir les dossiers auprès du Fonds de garantie, du service des pensions, des assurances, de la Caisse nationale d'assurance maladie, etc.

À ce stade, les services de l'Office travaillent en étroite collaboration avec les associations d'aide aux victimes – Paris Aide aux Victimes par exemple, et le réseau des associations de l'INAVEM – qui orientent les victimes vers l'ONAC-VG. À l'inverse, l'Office informe les victimes de l'existence de ces associations qui sont en mesure de leur apporter un soutien juridique et psychologique.

Passé le stade de l'urgence, il importe de noter que l'Office a vocation à accompagner les victimes du terrorisme comme l'ensemble de ses ressortissants dans la durée puisque le statut de ressortissant est un statut à vie.

L'Office est ainsi en mesure d'aider ces victimes de multiples façons et à tous les moments de leur existence :

– par des aides financières en cas de difficultés ponctuelles ou chroniques ;

– par un accompagnement en vue d'une réinsertion professionnelle, comme je l'ai indiqué précédemment ;

– par des prestations de service pour les victimes âgées dépendantes ;

– par un accès au réseau de maisons de retraites labellisées Bleuet de France pour nos victimes les plus âgées.

Les victimes blessées font l'objet d'une attention particulière de l'Office. En effet, ces victimes sont invitées à déposer rapidement une demande de pension afin de bénéficier dès que possible de l'accompagnement de la caisse nationale militaire de sécurité sociale, très efficace dans ce domaine. Les services accompagnent les victimes pour constituer dans les meilleurs délais leur dossier d'attribution de pension. Depuis novembre 2015, une mesure de prise en charge dérogatoire à 100 % par la caisse nationale d'assurance maladie a été adoptée dans la loi de financement de la sécurité sociale. Cette mesure simplificatrice est toutefois limitée à un an et n'enlève rien à l'intérêt d'une pension militaire d'invalidité. L'Office s'est également rapproché des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) afin de faciliter les démarches des victimes les plus gravement touchées.

Il convient également de souligner l'excellence des soins apportés dans les hôpitaux militaires. Ce point est particulièrement important pour le suivi des syndromes post-traumatiques, qui sont très nombreux chez les victimes d'actes de terrorisme. L'expertise acquise par les hôpitaux militaires dans ce domaine permet d'orienter efficacement les victimes vers ces médecins, qui sont en mesure de décerner des certificats décrivant précisément les atteintes psychiques. Ces documents sont précieux pour les victimes tant pour un éventuel dossier de pension que pour une démarche d'adoption par la Nation des enfants de victimes blessées psychologiquement.

Je terminerai en vous présentant le statut particulier de pupille de la Nation, statut historique auquel l'office est très attaché depuis sa création, au coeur de la Grande Guerre, par la loi du 27 juillet 1917.

Conçue dans un esprit de mémoire et de gratitude pour les soldats morts pour la France ou grièvement blessés au cours de ces événements, cette loi a tenté d'apporter une réponse à la détresse des 1,1 million d'orphelins de guerre et fils de mutilés ou d'invalides, en prévoyant leur adoption symbolique par la Nation, qui s'obligeait ainsi à leur apporter une protection morale et matérielle.

Unique par son ampleur et unique en Europe, le dispositif mis en place par la loi du 27 juillet 1917 a été utilisé une seconde fois massivement après la Seconde Guerre mondiale, puis à l'occasion des guerres en Indochine et en Algérie. Son champ d'application a été peu à peu étendu, et les droits qui y sont associés augmentés.

Les pupilles de la Nation sont des enfants victimes ou orphelins de guerre adoptés par la Nation au terme d'une procédure de jugement d'adoption spécifique. L'adoption par la Nation est symbolique et ne produit aucune conséquence sur la filiation de l'enfant, qui reste établie à l'égard de ses parents comme elle l'était avant le jugement.

En revanche, elle permet à l'intéressé de bénéficier d'un soutien matériel effectif et, le cas échéant, d'une protection morale spécifique, grâce à l'organisation et le contrôle par les services de l'État de la tutelle ouverte pour le mineur ou de son placement auprès d'établissements compétents ou de particuliers.

L'adoption par la Nation était initialement réservée aux orphelins de guerre ou aux enfants des invalides ou des mutilés qui ne pouvaient plus, du fait de cette infirmité, assurer leur entretien.

Des lois récentes en ont étendu le champ aux enfants de victimes d'actes ne s'inscrivant pas dans le cadre d'une guerre. Il s'agissait, à chaque fois, pour le législateur, d'apporter aux enfants des victimes d'actes unanimement condamnés, le soutien de ce statut protecteur et rendre ainsi hommage à leur parent disparu ou blessé.

Ainsi, la loi du 23 janvier 1990 a étendu aux victimes du terrorisme le bénéfice de ces dispositions. Par conséquent, les enfants des victimes d'actes terroristes ou les enfants eux-mêmes victimes de ces actes ont eux aussi vocation à la qualité de pupilles de la Nation, lorsque leur parent a été tué ou blessé à cette occasion.

C'est pourquoi je demande aux services départementaux de l'Office, dès que nous avons connaissance de la liste des victimes décédées, de se tenir à la disposition des familles afin de les accompagner dans l'élaboration du dossier d'adoption des enfants et de l'adresser au tribunal de grande instance compétent accompagné d'un avis motivé.

Après le prononcé du jugement d'adoption, l'Office met en place un accompagnement personnalisé permettant d'apporter une aide aussi adaptée que possible à la situation de l'enfant et de sa famille. Cet accompagnement très proche se poursuit jusqu'à l'entrée du pupille dans la vie active et crée un lien très fort entre les agents de l'Office et les pupilles, qui fait de cette adoption une procédure profondément humaine.

En 2015, douze adoptions liées au terrorisme ont été prononcées par les tribunaux et il faut ici souligner le travail de concertation entre les services de l'Office et ceux de la justice, dans le cadre des comités de suivi, qui a permis des adoptions dans des délais très courts, de deux à trois mois dans la plupart des cas.

À la suite des attentats de novembre 2015, plus d'une cinquantaine de dossiers d'adoption sont actuellement en cours d'élaboration, dont 26 ont été transmis aux tribunaux concernés. Cinq adoptions ont déjà été prononcées.

Enfin, le suivi de l'Office peut se poursuivre au-delà de l'entrée dans la vie active et notamment envers les pupilles les plus âgés. Ainsi, plus d'un millier de pupilles majeurs font encore aujourd'hui l'objet d'un accompagnement par l'Office.

Tels sont, mesdames et messieurs, les points forts de l'accompagnement des victimes d'actes de terrorisme par l'Office.

Je conclurai en soulignant que l'actualité de l'Office, qu'il s'agisse du suivi dans la durée des militaires blessés, de l'accompagnement des victimes d'actes de terrorisme ou de l'accueil des pupilles de la Nation, s'inscrit en cette année du centenaire dans la continuité de ses missions historiques. Elle exprime une fidélité sans cesse réaffirmée au service des valeurs du monde combattant et des victimes de guerre.

L'un des atouts de l'Office réside dans le savoir-faire de ses agents, leur abnégation, leur détermination à aider nos ressortissants en grande difficulté. Je sais en toutes circonstances pouvoir compter sur eux.

L'Office, c'est aussi ce réseau de proximité qui chaque jour démontre sa pertinence, malgré la faiblesse de ses effectifs. Les évolutions aujourd'hui engagées notamment avec le transfert des établissements médico-sociaux permettent à l'ONAC-VG de se recentrer sur son coeur de métier, d'accueillir les nouveaux ressortissants sans délaisser les plus anciens.

Enfin, je veux souligner ici le soutien sans faille dont bénéficie l'Office de la part du Secrétaire d'État chargé des Anciens combattants et de la mémoire, M. Jean-Marc Todeschini, qui oeuvre sans relâche pour défendre son action.

Je puis vous assurer que l'Office est ainsi en capacité de relever les défis qui se présenteront à lui dans un monde incertain. C'est là son ambition et sa fierté.

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