Intervention de Jean-Pierre Maggi

Séance en hémicycle du 16 mars 2016 à 15h00
Déclaration du gouvernement et débat sur le rapport au parlement relatif aux conditions d'emploi des forces armées sur le territoire national pour protéger la population

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Maggi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, chers collègues, le contrat opérationnel défini dans les lois de programmation militaire de 2008 et de 2013 prévoyait le déploiement de 10 000 soldats pour une durée non précisée afin de répondre au scénario d’une crise majeure dans le pays pouvant se combiner avec une crise extérieure. Les attaques de janvier 2015 en constituaient dramatiquement le premier acte.

Dans la foulée, le Président de la République activait ce contrat opérationnel avec la mobilisation en quelques jours de 10 000 militaires dans le cadre de l’opération Sentinelle. Prolongement des dispositifs permanents dans les milieux maritime et aérien, Sentinelle s’inscrit en cohérence avec les opérations extérieures de contre-terrorisme dans la bande sahélo-saharienne ou au Levant. Elle est exécutée par les mêmes soldats, aviateurs et marins, qui en constituent le réservoir de forces unique.

En avril 2015, l’actualisation de la LPM était décidée en Conseil de défense – présidé par le Président de la République – puis adoptée par le Parlement en juillet.

Elle consacre le nouveau contrat opérationnel des armées sur le territoire national, prévoyant une capacité permanente de mobilisation de 7 000 hommes dans la durée et jusqu’à 10 000 hommes pour un mois.

C’est grâce à ce plafond d’effectifs qu’une mobilisation d’hommes a été activée le soir tragique du 13 novembre et le lendemain, avec une efficacité exceptionnelle.

Au total, ce sont 70 000 militaires qui ont déjà été engagés dans Sentinelle en 2015, certaines unités jusqu’à six fois dans l’année, avec une moyenne de 7 500 soldats déployés depuis le début de l’opération, pour atteindre les 10 000 aujourd’hui.

L’engagement des armées sur le territoire national en appui aux forces de sécurité intérieure vise en premier lieu à répondre à un niveau de menace inédit et durable provoqué et entretenu par des groupes terroristes lourdement armés.

Ce danger est sans précédent et appelle des réponses complètes qui passent par un lien particulièrement fort entre une défense se projetant en opérations extérieures au plus près des sources de la menace, et la sécurité intérieure face à une menace ayant la même origine. Face à une telle situation, notre sécurité nationale repose donc plus que jamais sur une articulation très serrée entre sécurité intérieure et défense extérieure.

Ainsi, ces forces interviennent sur réquisition et sous l’autorité du ministre de l’intérieur, qui a en charge la direction de l’ensemble des opérations de sécurité intérieure.

Ces militaires assurent alors des missions de garde statique, des patrouilles mixtes, la surveillance de zones ou de lieux potentiellement menacés, et ils soutiennent aussi, en zone nord notamment, la police de l’air et des frontières. Dans ce contexte, en fonction de la menace, nos forces armées doivent agir de manière cohérente pour contribuer à protéger notre territoire ; elles doivent conserver leur spécificité, tout en entretenant une relation forte avec le ministère de l’intérieur.

C’est dans ce contexte spécifique de contre-terrorisme que doit s’inscrire la redéfinition de la stratégie de défense et de sécurité nationale sur terre, dans les airs et en mer. Car la menace a changé d’échelle, et le niveau d’engagement des armées, impliquées durablement dans de véritables opérations militaires, s’est très rapidement modifié. Ce sont donc les opérations de sécurité intérieure, la coordination entre civils et militaires et les modes d’engagement de nos armées qu’il nous faut repenser.

C’est en application de l’article 7 de la loi de programmation militaire actualisée que le ministère de la défense a élaboré un rapport, dons nous discutons aujourd’hui. Ce rapport précise la nouvelle doctrine de l’emploi des armées sur le territoire national, en définissant tout d’abord la mission de protection de la population confiée à nos armées. En effet, la doctrine d’emploi prend en considération les menaces nouvelles auxquelles nous sommes confrontés : un terrorisme militarisé entièrement nouveau ; une porosité très élevée entre la menace extérieure et la menace intérieure ; des actions d’une violence extrême, enfin, qui reproduisent sur notre territoire des scènes et des actes de guerre.

Ce rapport valorise également une doctrine d’emploi qui prend en compte les caractéristiques spécifiques de l’armée professionnelle, qu’il s’agisse de ses capacités de planification, de réaction et de surprise ; de sa capacité de dissuasion grâce à la maîtrise d’armes de guerre, face à un terrorisme qui en use désormais tant ; de ses facultés d’intégration des moyens terrestres, aériens et maritimes ; de l’apport de moyens spécialisés, enfin, comme les forces spéciales ou les moyens de protection et d’intervention contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques.

Ce rapport a le mérite de mettre en évidence que ce sont bien des opérations de plein exercice qui sont confiées aux armées sur le territoire national. Nous dépassons dès lors largement le plan Vigipirate. Comme vous le rappeliez récemment, monsieur le ministre, et nous y souscrivons, « nos armées ne constituent pas un réservoir d’unités supplétives, dans lequel puiser pour combler ici ou là les manques d’effectifs d’un dispositif de sécurité intérieure, mais un ensemble professionnel doté d’une identité et de qualités propres, qui doit être employé en tant que tel ».

Par conséquent, des trois missions de l’armée que sont la dissuasion, l’intervention et la protection, c’est, en termes de sécurité intérieure, celle de la protection du territoire qui se trouve être renouvelée et qui s’exerce dans les milieux terrestre, aérien et maritime, ou en cyberdéfense. En raison des développements de la menace, la fonction stratégique de protection est donc devenue plus structurante. Dès lors, ce rapport préconise que cette mission s’appuie, à l’avenir, sur des moyens renforcés.

Cela doit passer, en premier lieu, par une augmentation des effectifs : tel est l’objet des recrutements prévus par la loi de programmation actualisée, qui doivent faire passer l’effectif de la force opérationnelle terrestre de 66 000 à 77 000 hommes à l’été 2016. Il convient, ensuite, de donner à nos forces des moyens renforcés, grâce à des capacités et des équipements spécifiques, dont il faut poursuivre l’acquisition. Il est par ailleurs préconisé de rénover la politique des réserves. La loi de programmation militaire actualisée prévoit en effet le passage de 28 000 à 40 000 réservistes. Or nous n’en sommes aujourd’hui qu’à 300 réservistes quotidiennement engagés sur les 7 000 militaires déployés. Cette force doit donc monter en puissance rapidement.

Ce rapport appelle enfin à un « effort nécessaire sur le soutien ». En effet, l’opération Sentinelle étant amenée à durer, il est nécessaire de poursuivre les actions entreprises pour améliorer les conditions de vie et d’accueil des militaires, en région parisienne tout particulièrement, car la qualité de l’hébergement et du logement est encore problématique, y compris dans les bâtiments militaires.

Nos militaires méritent d’être encouragés et soutenus. Aussi, nous saluons la création de l’indemnité pour sujétion spéciale d’alerte opérationnelle, qui a été attribuée à titre rétroactif aux militaires mobilisés dès janvier 2015, à laquelle s’ajoute l’indemnité pour services en campagne.

Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste partage donc le contenu de ce rapport, qui devrait permettre d’adapter les ressources du ministère de la défense à ses nouvelles missions en faveur de la sécurité de nos concitoyens.

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