Intervention de Dominique Potier

Réunion du 16 mars 2016 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur :

Ces amendements sont dans l'esprit de la première version de la loi, que nous avions coécrite. En concertation avec le Gouvernement, nous avons trouvé un compromis afin que le logiciel de changement en lequel nous plaçons beaucoup d'espoir ne puisse constituer un handicap pour nos entreprises. Or il me semble que les amendements proposés compromettent quelque peu l'équilibre délicat auquel nous sommes parvenus.

Cet équilibre suppose en effet que nous renoncions à l'inversion de la charge de la preuve, qui, si elle ne me choque pas sur le plan philosophique – je suis pour un monde où les plus puissants doivent prouver qu'ils ne sont pas responsables des dommages qu'ils causent à l'autre bout de la planète –, peut être considérée comme une charge excessive pour les entreprises concernées.

La question des seuils est celle qui me préoccupe le moins, car je pense que les choses évolueront d'elles-mêmes au fil du temps, notamment lorsqu'une directive européenne sera adoptée. Cela a été le cas avec la mise en oeuvre par la France du principe du reporting extra-financier en pleine crise financière : ce principe a rapidement fait école en Europe et les seuils ont diminué en cascade, pour atteindre 900 salariés. Aujourd'hui, la proposition de loi ne concerne que les majors qui, de leur propre aveu, disposent largement des ressources leur permettant d'adopter un plan de vigilance. Dès lors que nous aurons adopté les mêmes normes et habitudes dans toute l'Europe, celles-ci seront de plus en plus supportables et pourront donc s'appliquer à des entreprises d'une taille de plus en plus réduite.

Enfin, le principe de responsabilité solidaire, sur lequel repose l'amendement CL4, n'étant qu'une application du droit commun de la responsabilité civile, cet amendement est satisfait. Si une grande entreprise méconnaît ses obligations au sens de la proposition de loi et qu'un dommage en résulte, elle en sera tenue responsable autant que l'opérateur local : en effet, dès lors que l'on relève un manquement aux obligations et un lien de cause à effet, les articles 1382 et suivants du code civil ouvrent droit à réparation – j'insiste sur la nécessité d'établir un lien de cause à effet : par exemple, si un plan de prévention des inondations est établi pour un site industriel situé à proximité du fleuve Niger et que ce site est touché par un incendie, il n'y a pas de lien de cause à effet entre le non-respect du plan de prévention des inondations et l'incendie.

Si je suis en accord avec ces quatre amendements sur le plan philosophique, ils me paraissent incompatibles avec le compromis que nous espérons voir aboutir avant la fin de la présente session parlementaire. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable pour chacun d'eux. Soyons réalistes et sachons nous contenter de la petite réforme que nous pouvons adopter aujourd'hui, qui annonce peut-être la révolution culturelle de demain. La mondialisation n'est pas forcément synonyme de barbarie : pour ma part, je veux croire qu'elle peut constituer le cadre d'une nouvelle civilisation.

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