Intervention de Thierry Dez

Réunion du 3 mars 2016 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Thierry Dez, directeur général :

La dernière réforme a introduit une plus grande segmentation des fonds ; aujourd'hui, pour schématiser, un organisme collecteur a treize comptes comptables, qui sont hermétiques les uns par rapport aux autres pour l'essentiel. La réforme a séparé la contribution légale des contributions conventionnelles et de ce que nous appelons dorénavant les contributions volontaires, qui relèvent du choix de l'entreprise. Auparavant, il n'existait qu'un seul pot ; le fonds mutualisé permettait d'intervenir pour injecter « 20 » dans un secteur qui contribuait à hauteur de « 1 ».

La réforme a confié de plus grandes responsabilités aux branches. Dans ce contexte, la mutualisation ne porte plus que sur la contribution légale.

Dans notre cas, avant la réforme, les fonds disponibles pour le plan de formation, représentaient 175 millions d'euros ; après la réforme, ce montant tombe à 140 millions. Sur ces 140 millions, seulement 20 à 25 sont mutualisés là où, précédemment, la totalité des 175 millions étaient mutualisés, ce qui nous permettait de réguler d'une année sur l'autre entre les différentes branches. Aujourd'hui, la segmentation des fonds rend presque impossible cette régulation parce que le fonds mutualisé de l'OPCA ne s'élève qu'à 20 millions – mais nous avons fait le choix d'un fonds mutualisé, ce que d'autres n'ont même pas fait ; ils ont rendu à chacune des branches le taux de contribution légale. Aujourd'hui, une branche préfère garder pour elle ce que la loi ne l'oblige pas à donner. Auparavant, l'obligation légale et fiscale imprimait une culture de contribution et de mutualisation. Même dans notre OPCA, marqué par une vraie culture de mutualisation, on observe un changement d'état d'esprit : les branches se recroquevillent sur elles-mêmes. Le paritarisme de gestion peine à trouver des marges pour opérer une régulation. Les fonds que nous sommes capables de réguler seuls sont devenus extrêmement faibles, s'agissant du plan de formation – c'est un peu moins vrai sur les autres sujets. Cet élément est loin d'être neutre : nous ne trouvons plus de solutions pour les populations les plus fragiles parce que les contributions à l'OPCA des branches dont elles relèvent, au regard des masses salariales qu'elles représentent, sont extrêmement faibles. Ainsi, la branche des ateliers et chantiers d'insertion apporte autour d'un million d'euros à l'OPCA alors que ses besoins aujourd'hui sont estimés entre 25 et 30 millions par an. Nous ne pouvons plus assumer seuls une telle charge. C'est la raison pour laquelle un travail doit être mené avec les autres organes paritaires. Les pouvoirs publics doivent intervenir pour tenter de revoir la répartition entre les différents acteurs.

Vous avez évoqué le CPA. L'idée est bonne évidemment. Nous n'avons pas d'interrogations de fond sur le CPA. En revanche, nous attirons votre attention sur un point : le CPF marche, quoi qu'on en dise, il monte en charge, il n'a qu'un an. Au vu des résultats dans notre OPCA, je peux le confirmer, il fonctionne, et ce dans ses différentes modalités – nous les avons toutes utilisées : pour la validation des acquis de l'expérience, le socle de compétences, la certification nationale, la certification régionale, ou la certification de branche. Il faut lui laisser du temps. Combien d'années a-t-il fallu au droit individuel à la formation (DIF) pour commencer à être utilisé ? Le CPF fonctionne dès la première année.

En outre, il ne faut pas oublier le CEP : il s'agit d'une évolution extrêmement importante qui, encore une fois, marche très bien. Les volumes pour le CEP commencent à être importants, notamment dans sa traduction en formations à l'issue du processus. Le lien entre le CEP et le CPF fonctionne très bien. Pour nous qui sommes à la fois OPCA, OPACIF et OCTA, ce lien permet de jouer sur toutes les possibilités d'accompagnement et de reconversion.

Notre message est le suivant : ne cassez pas le CPF, ne cassez pas le CEP parce qu'ils marchent. Nous n'avons rien à redire à ce que le CPA vienne s'ajouter à ces deux dispositifs ou qu'il devienne une sécurité sociale professionnelle, avec une plateforme d'information pilotée par la caisse des dépôts et consignations. Mais à l'intérieur de ce nouveau dispositif, ne remettons pas en cause ce qui relève de la formation pure, c'est-à-dire le CPF, indéniablement promis au succès, et le CEP, qui constitue la première marche dans la démarche emploi formation que nous mettons en place dans nos organismes. Nous le faisions d'une manière un peu empirique ; désormais nous l'avons structuré, avec des résultats à la clé.

Nous mettons en garde ceux qui souhaitent casser le CEP et faire du CPA un équivalent de la « garantie jeunes », . Le CEP fonctionne mais son modèle économique reste à trouver : on ne pourra pas faire perdurer un prélèvement sur les fonds des OPACIF pour financer le CEP. Dès que le dispositif montera en charge, il faudra trouver un modèle économique, ce qui ne s'annonce déjà pas simple. Si le CPA doit reprendre le CEP et devenir un équivalent de « garantie jeunes » géré par les missions locales, le modèle économique sera très complexe à trouver car on parle de centaine de millions d'euros à financer.

Je reconnais que l'OPCA n'a pas fait de la pénibilité un sujet de réflexion. Je ne dis pas que les branches ne s'en préoccupent pas. Il va falloir que nous avancions sur ce sujet, ne serait-ce qu'à cause de son articulation avec d'autres, mais à ce stade, nous n'en avons rien fait du tout.

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