Intervention de Jean-François Merle

Réunion du 3 mars 2016 à 9h00
Mission d'information relative au paritarisme

Jean-François Merle, président du Conseil supérieur de la prud'homie, membre du Conseil d'état :

La loi du 6 août 2015 a tronçonné les propositions présentées dans divers rapports remis à la Chancellerie dans les mois qui ont précédé sa rédaction – je pense notamment au rapport du président Lacabarats. Ces éléments avaient le mérite de former un tout ; leur éclatement a beaucoup fait perdre en lisibilité, d'autant que de nombreuses dispositions procédurales de nature réglementaire n'ont pas été présentées simultanément.

Je ne pense pas que l'on puisse véritablement évaluer la portée de la loi quelques mois après son entrée en vigueur. Des améliorations substantielles doivent par exemple être apportées en matière procédurale par des textes réglementaires comme ceux relatifs à la formalisation de la mise en état des affaires. Le contentieux devant les prud'hommes ressemble aujourd'hui à un jeu de poker menteur : le salarié a le plus à perdre de l'allongement de la procédure, et l'employeur a le plus à perdre s'agissant de l'incertitude qui pèse sur le montant de l'indemnisation éventuelle à laquelle il pourrait être astreint. Sur ces sujets, les mesures figurant dans la loi de 2015 vont globalement dans le bon sens. Une grande partie des difficultés de leur mise en oeuvre ne viendra pas de la justice prud'homale elle-même, mais des problèmes que l'on rencontrera pour disposer de suffisamment de juges départiteurs et de magistrats spécialisés pour les activités de conseil et de formation. La question de l'effectif des pôles sociaux des juridictions est posée. Dans certaines régions, on peut avoir un juge départemental en 4 mois, dans d'autres il faut un an.

Je ne vous surprendrai pas en vous rapportant que, la semaine dernière, lors de la consultation du Conseil supérieur sur l'avant-projet de loi relatif au travail et à l'emploi, les points de vue ont été extrêmement partagés entre les représentants des organisations syndicales de salariés, unanimement opposées au plafonnement, et ceux des organisations d'employeurs, opposées pour leur part aux exceptions au plafonnement prévues par le texte notamment en matière de discrimination. Sur des fondements différents, une unanimité s'est donc établie contre le dispositif tel qu'il nous était présenté.

J'ajoute que la limitation du pouvoir d'appréciation du juge qui découle du texte ne semble pas dépourvue de risques sur le plan conventionnel.

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