Intervention de Nicolas Revel

Réunion du 15 mars 2016 à 17h00
Commission des affaires sociales

Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, CNAMTS et de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, UNCAM :

L'article 83 de la loi de modernisation de notre système de santé prévoit que les régimes obligatoires et les organismes complémentaires élaborent un rapport présentant les solutions techniques permettant la mise en place, au profit de l'ensemble des bénéficiaires de l'assurance maladie, du mécanisme du tiers payant, simultanément sur la part couverte par les régimes obligatoires d'assurance maladie et sur celle couverte par les organismes d'assurance maladie complémentaire. Nous avons remis ce rapport à la ministre chargée de la sécurité sociale le 19 février dernier, après l'avoir présenté aux professions de santé lors d'une réunion à la CNAMTS, en présence des représentants des régimes obligatoires cosignataires – régime général, RSI, MSA – et de ceux de l'association regroupant les trois familles de complémentaires.

La loi fixe un cadre juridique et un calendrier prévoyant que le tiers payant devient progressivement un droit pour tous les assurés sur la part obligatoire. Le tiers payant se mettra en place en deux grandes étapes. Première étape : le 1er juillet 2016, date à partir de laquelle les professionnels de santé pourront pratiquer le tiers payant avec les assurés en ALDmaternité, et ce jusqu'au 1er janvier 2017, date à laquelle le tiers payant deviendra un droit pour chaque patient couvert à 100 % par l'Assurance maladie. Deuxième étape : le 1er janvier 2017, date à laquelle les médecins pourront proposer le tiers payant à tous leurs patients, avant qu'il ne devienne un droit pour tous les Français, pour la partie remboursée par la sécurité sociale, en novembre 2017. Compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel du 21 janvier 2016, l'application du tiers payant sera laissée à l'appréciation des professionnels de santé de ville pour la part complémentaire, étant entendu que les organismes complémentaires seront tenus de le proposer dans le cadre des contrats responsables.

Qu'il constitue un droit ou une faculté, le déploiement du tiers payant se fera dans des conditions respectueuses des attentes et des exigences exprimées par les professionnels de santé dans le cadre de la concertation voulue par la ministre au premier trimestre 2015. Ces exigences sont de deux ordres. Première exigence : une garantie claire du paiement. Deuxième exigence : la rapidité et la simplicité de la pratique du tiers payant, sans perte de temps médical, que ce soit au stade de la consultation ou au stade du suivi post-consultation.

Nous ne partons pas de rien : le tiers payant est déjà largement pratiqué, même si son utilisation varie fortement selon les professionnels de santé, les AMO et les AMC pratiquant le tiers payant depuis de nombreuses années. Les pharmaciens et les biologistes ont des taux de prise en charge en tiers payant – sur la part obligatoire et la part complémentaire – qui avoisinent les 100 %, les infirmiers et les kinésithérapeutes des taux de prises en charge de 65 %. En revanche, pour les médecins généralistes et les spécialistes en secteur 1, le taux de prise en charge en tiers payant est respectivement de 35 % et de 37 %.

Bien que le tiers payant soit déjà largement répandu et fonctionne plutôt bien, ce fonctionnement doit et peut être amélioré. La généralisation du tiers payant exige donc des améliorations s'appuyant sur trois principes, présentés dans ce rapport.

Premier principe : au-delà des engagements formels, apporter des solutions opérationnelles permettant de corriger ce qui doit l'être. Cela passe par des modifications de règles, par exemple sur les rejets et les délais ; des changements de normes techniques, sur les flux d'information ; ou encore la mise en place de services nouveaux, pour la vérification des droits et la gestion des difficultés.

Deuxième principe : déployer ces solutions sur l'ensemble du champ des régimes. Tous les régimes obligatoires doivent partager les mêmes règles et proposer les mêmes services aux professionnels de santé. La même logique prévaut du côté des organismes complémentaires.

Troisième principe : tenir compte de la diversité des organisations des professions de santé. Certaines pratiquent le tiers payant de longue date, comme les pharmaciens, et se sont déjà organisées diversement. Nous devons respecter ces choix d'organisation, notamment d'équipements informatiques.

Je vais maintenant insister sur les points saillants de ce rapport, c'est-à-dire les améliorations indispensables à la généralisation du tiers payant pour la part obligatoire, sachant qu'Emmanuel Roux abordera la part complémentaire. Bien évidemment, nous avons veillé à établir des points de convergence entre la part obligatoire et la part complémentaire en proposant, soit par des solutions techniques identiques, soit par des solutions cohérentes et coordonnées.

Premier point : la garantie de paiement. Le professionnel de santé doit être assuré du paiement de son acte et de sa consultation. Le taux de rejet des actes réalisés en tiers payant est aujourd'hui variable d'une profession à l'autre ; il se situe, selon les mois, entre 1 % et 1,5 %. Ce niveau de rejets est certes faible, mais nous devons le réduire. Nous avons identifié deux familles de rejets.

La première tient à un problème de facturation du professionnel de santé, lié soit à la cotation de l'acte, qui semblerait contestable – ce qui est assez rare –, soit à l'envoi multiple d'une facturation par le professionnel de santé à l'organisme payeur, qui relève d'erreurs techniques. Pour réduire cette première famille de rejets, nous nous emploierons à régler ces problèmes techniques et à mieux accompagner les professionnels de santé dans la compréhension des règles de cotation.

La deuxième famille de rejets tient aux droits des assurés. Nous proposons de la supprimer. Premier cas de figure : une carte Vitale non à jour – l'assuré a changé de régime, par exemple. Ce rapport propose le paiement par le régime obligatoire sur la base des droits en carte, que ces droits soient à jour ou pas. Deuxième cas de figure : le non-respect du parcours de soins par l'assuré, qui représente 30 % des rejets. Nous considérons que cette cause ne doit plus conduire à des rejets et que la participation supplémentaire doit être demandée directement auprès de l'assuré.

Ces nouvelles règles, que les professionnels de santé estiment importantes, seront opérationnelles à compter du 1er juillet 2016.

Nous apporterons un service supplémentaire : la mise en place d'un service de vérification des droits des assurés en ligne, le dispositif ADR (acquisition des droits). Il s'agit d'un téléservice qui permettra aux professionnels de vérifier en temps réel les droits des assurés et de facturer sur la base de ces droits dûment vérifiés. En effet, des assurés peuvent avoir une carte illisible ou ne pas avoir leur carte Vitale, d'autres peuvent ne pas avoir eu le temps de mettre à jour leur carte, par exemple après l'obtention de la CMUC ou leur admission en ALD. D'où l'intérêt de ce dispositif de vérification en ligne, qui sera déployé à compter du 1er juillet 2016. Nous l'avons présenté aux professionnels de santé et sommes en train de le tester : il intégrera automatiquement, dans un délai d'une seconde, les droits tels qu'ils sont actualisés dans les référentiels des régimes.

Deuxième point : les délais de paiement rapides. Les assurances maladie obligatoires et complémentaires s'engagent auprès des professionnels de santé à respecter des délais de paiement contraignants. Aujourd'hui, lorsque les professionnels de santé transmettent leurs données par flux électroniques – qui représentent 95 % des feuilles de soins –, le délai moyen de paiement se situe entre 3 et 5 jours ouvrés. Nous sommes également attachés à payer rapidement pour les feuilles de soins papier, pour lesquelles le délai moyen en tiers payant est en moyenne de quinze jours.

Troisième point : la simplicité du suivi des paiements. Actuellement, les normes d'information sont diverses d'une profession de santé à l'autre : les pharmaciens peuvent suivre le paiement feuille de soins par feuille de soins, alors que les médecins ont un retour acte par acte – ce qui complexifie les choses s'il y a plusieurs actes par consultation. En conséquence, les AMO et AMC généraliseront la norme Noémie 580, déjà utilisée avec les pharmaciens, d'abord aux médecins, au 1er juillet 2016, puis à tous les professionnels de santé d'ici à la fin de l'année. L'exploitation de cette norme par les logiciels des professionnels de santé permettra donc d'automatiser le suivi détaillé des factures. D'autre part, l'utilisation d'une norme commune permettra aux éditeurs de logiciels des professionnels de santé de proposer un rapprochement simplifié et automatique avec les références du virement bancaire. Ces solutions seront offertes quelles que soient les organisations : le professionnel pourra, soit choisir d'être autonome dans la gestion de sa facturation et le suivi de ses paiements, soit s'adosser à une structure intermédiaire, par exemple un organisme concentrateur tiers (OCT), qui gérera pour son compte les flux de facturation et le suivi des paiements.

Enfin, quatrième point : la mise en place d'un dispositif d'assistance aux professionnels de santé. Il s'agira d'un point de contact unique (téléphone, mail) chargé d'aider le professionnel à diagnostiquer l'origine d'un problème rencontré. Ce dispositif d'accompagnement et d'appui sera mis en oeuvre pour les régimes obligatoires dès le second semestre 2016 pour l'étape du tiers payant ALDmaternité. L'engagement des AMC dans la mise en place de cet outil dépendra de la réalité des besoins exprimés par les professionnels de santé.

En conclusion, vous l'avez compris, nous sommes face à un calendrier tendu pour être au rendez-vous du 1er juillet 2016. Mise en oeuvre des nouvelles règles de rejet, déploiement de l'outil de vérification des droits en ligne, extension de la norme Noémie 580 aux médecins, mise en place d'une plateforme d'assistance, mise à jour des logiciels médecins par les éditeurs grâce à un cahier des charges déjà publié. Autant de solutions qui permettront de simplifier le tiers payant et, ainsi, de préserver le temps médical des professionnels de santé.

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