Intervention de Yann Delabrière

Réunion du 16 mars 2016 à 11h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Yann Delabrière, président-directeur général de Faurecia :

L'affaire Volkswagen a essentiellement trois conséquences.

En Amérique du Nord, elle met en cause la responsabilité civile du constructeur, ce qui coûtera certainement beaucoup d'argent à ce dernier. Mais, compte tenu de la surface financière de Volkswagen, l'existence même de l'entreprise n'est pas en cause. Cette affaire ne contribuera assurément pas à l'essor du diesel en Amérique du Nord, mais, comme ce carburant n'y a jamais été développé de manière significative, elle n'aura pas de portée fondamentale de ce point de vue.

Bien qu'ayant eu lieu aux États-Unis, l'affaire entraînera en outre des modifications très profondes des normes européennes : le changement du cycle de tests, avec l'apparition de tests sur route et de tests de Real drive emissions, suppose des évolutions technologiques importantes, compte tenu des nouvelles contraintes imposées aux constructeurs automobiles.

Enfin, l'affaire pourrait entacher l'image de Volkswagen partout dans le monde. Mais ce n'est pas la première ni probablement la dernière grande affaire technique à affecter un constructeur automobile.

Par le passé, aucune affaire n'a jamais amoindri les performances économiques et commerciales des constructeurs. Pourtant, il y a eu des affaires bien pires. Aucun d'entre vous ne se rappelle sans doute les Ford équipées de pneus Firestone qui faisaient des tonneaux au début des années 2000 et qui ont causé plusieurs dizaines de morts aux États-Unis : cela n'a jamais affecté les performances de Ford. Plus récemment, l'affaire des démarreurs de General Motors, qui a fait des morts en quantité non négligeable en Amérique du Nord, n'a perturbé en aucun cas les performances du constructeur. Je ne crois donc pas que l'affaire en cours aura des conséquences significatives et durables sur Volkswagen.

Bref, la principale retombée est une modification profonde des normes européennes aux conséquences technologiques positives pour nous puisque nous allons devoir équiper plus de voitures de technologies plus évoluées et plus sophistiquées.

J'en viens à présent à la question technologique. Il y a en ce domaine trois grands enjeux : les émissions de dioxyde de carbone consécutives à la consommation de carburant, les émissions de dioxyde d'azote et les émissions de particules – les autres rejets étant désormais définitivement traités.

S'agissant des émissions de dioxyde d'azote, il existe trois grandes technologies. La plus simple, dite Exhaust Gas Recirculation (EGR), consiste à faire re-circuler les gaz d'échappement à l'entrée d'air de la voiture de manière à obtenir des mélanges plus pauvres en oxygène pour minimiser les chances de formation de dioxyde d'azote. Cette technologie donne néanmoins des résultats insuffisants pour permettre la dépollution des voitures, compte tenu du renforcement des réglementations qui interviendra à partir de la fin de l'année 2017. Cette technologie continuera donc à exister mais pas seule. La deuxième technologie, appelée NOx trap, consiste en un filtre permettant de piéger les particules de dioxyde d'azote pour ensuite les brûler. Enfin, la technologie SCR permet de réduire, au sens chimique du terme, les oxydes d'azote. Le réducteur le plus utilisé est l'ammoniac (NH3) qui n'est pas facilement stockable à l'état naturel. On utilise donc de l'urée, liquide qu'il suffit de chauffer et de pulvériser pour qu'il libère de l'ammoniac. Ce dernier se combine alors avec l'oxyde d'azote pour former de l'azote et de l'eau.

La technologie la plus efficace en termes de réduction des oxydes d'azote étant le SCR, c'est elle qui va se généraliser. Elle présente néanmoins l'inconvénient de ne fonctionner qu'à partir d'une certaine température, car il faut chauffer l'urée pour qu'elle libère de l'ammoniac. Les technologies NOx trap n'ayant pas cet inconvénient, il est probable qu'au fur et à mesure du renforcement des normes, la technologie finale soit une combinaison de SCR et de NOx trap. Cela dépendra beaucoup du cycle : plus il comprendra de tests à basse vitesse, plus cela créera de problèmes de température du moteur. Faurecia a développé une technologie de stockage de l'ammoniac à l'état gazeux, différant de la technologie SCR, qui ne nécessite pas de chauffage particulier puisqu'elle libère directement de l'azote à l'état pur. Cette technologie, que nous continuons à développer, est relativement coûteuse si bien que nous ne l'avons pas encore commercialisée. Nous avons une chance raisonnable de la commercialiser en Corée sur des camions ou des bus.

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