Intervention de Yann Delabrière

Réunion du 16 mars 2016 à 11h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Yann Delabrière, président-directeur général de Faurecia :

Les deux cas existent. Faurecia dépose environ 500 brevets par an. Lorsque nous concevons des équipements en collaboration avec des constructeurs, les contrats prévoient généralement une copropriété du brevet.

Le changement des cycles est né d'un problème d'émissions de dioxyde d'azote mais aura un impact sur les autres types d'émissions.

Le problème des émissions de particules va donc à nouveau se poser. Par ailleurs, comme l'a évoqué la rapporteure, plus les moteurs à essence sont efficaces, plus ils ont tendance à émettre de particules, car plus l'on se rapproche de mélanges pauvres en oxygène, moins les particules sont brûlées par l'oxygène résiduel. Nous avons effectivement introduit un premier filtre à particules sur les moteurs à essence il y a dix-huit mois sur un véhicule de très haut de gamme, mais nous pensons que cette technologie se généralisera dans les dix ans à venir grâce à la combinaison d'une généralisation des moteurs à injection directe en mélanges pauvres et des changements de cycles de tests. C'est pour nous un marché relativement important, susceptible selon nous de se développer.

Vous avez évoqué la récupération d'énergie à l'échappement. Cette technologie est effectivement importante pour nous, car 40 % de l'énergie brute produite par un moteur est perdue en énergie thermique, les gaz d'échappement ayant une température de 800 à 1 000 degrés à la sortie du moteur, mais d'une centaine de degrés seulement à la sortie du pot d'échappement, soit un gradient de 900 degrés qui se perd entre les deux. Il serait donc intéressant de récupérer ne serait-ce qu'une faible quantité de cette énergie. Pour ce faire, nous développons deux techniques. La première consiste à récupérer et à recycler de la chaleur pour chauffer les organes mécaniques de la voiture. Car lorsque ces organes sont à froid, il y a des frictions importantes qui sont autant de déperditions d'énergie. Chauffer le moteur et la boîte de vitesses permet de faire baisser la consommation de la voiture lorsqu'elle démarre à froid. Nous avons lancé ce premier équipement sur la Hyundai ionique qui vient d'être présentée à Genève, qui est un concurrent direct de la Prius et qui a été qualifiée comme émettant 79 grammes de CO2 lors du cycle de tests. Nous contribuons pour deux à trois grammes à la performance de la voiture grâce au système dont je viens de parler, et nous estimons qu'à terme ce système pourra représenter entre 3 et 7 % d'économies de consommation sur une voiture hybride. Il fonctionne en effet mieux sur ce type de véhicule qui émet moins de chaleur et qui a donc encore plus besoin de chaleur complémentaire pour réchauffer ses organes mécaniques, notamment lorsqu'il est en mode électrique. Or, les moteurs hybrides vont se développer de manière importante : nous envisageons qu'à l'horizon de 2025-2030, ils représenteront à peu près 40 % du total des motorisations. La seconde technique consiste à recycler l'énergie sous forme électrique grâce à un convertisseur d'énergie. Nous travaillons sur ces deux familles de solutions techniques, probablement en vue de les appliquer au camion au début des années 2020, à la voiture à un horizon plus lointain.

Quant aux composites, ils associent en général une résine plastique et des fibres. Il en existe des quantités considérables, car il existe à la fois une grande variété de résines plastiques et un grand nombre de fibres différentes. Ces dernières se répartissent en trois grandes catégories : les fibres naturelles telles que le lin et le chanvre, les fibres de verre et les fibres de carbone. Il ne faut donc pas réduire les composites à ceux qui contiennent des fibres de carbone. Nous utilisons déjà d'autres familles de fibres dans l'industrie automobile, proposant notamment, y compris sur des voitures françaises telles que la 308 de Peugeot, des panneaux de porte en propylène et fibres de chanvre, permettant des gains de poids de l'ordre de 20 %. Le choix des matériaux à associer est dicté par les qualités mécaniques souhaitées – les fibres de carbone étant beaucoup plus résistantes mécaniquement que les fibres de verre ou les fibres naturelles –, par les conditions de formabilité et de recyclabilité, et enfin par les considérations de coût.

Dans la voiture, certains composants sont relativement passifs sur le plan mécanique, d'autres sont actifs, notamment en termes de résistance aux chocs. Plus la dimension mécanique des composants structurels est forte, plus il faudra de renforcements. Plus les composants sont passifs, moins on en aura besoin.

Nous fabriquons notamment aujourd'hui pour Renault un support de roue de secours, plancher du coffre arrière, qui ne nécessite pas beaucoup de résistance mécanique. En revanche, de nombreuses parties de la voiture ont grand besoin de qualités mécaniques fortes, ce qui explique que nous nous intéressions très activement aux composites comprenant des fibres de carbone. Mais nous butons sur un problème du coût. Là est la différence entre les industries aéronautique et automobile. La fibre de carbone coûte aujourd'hui à peu près seize euros le kilogramme, ce qui ne pose aucun problème aux constructeurs aéronautiques, mais qui n'est pas rentable dans l'industrie automobile. Il faudrait abaisser ce coût de 50 % pour que la fibre de carbone soit rentable au regard des normes futures. L'objectif du projet « Force », évoqué il y a un instant par Hervé Guyot, est précisément de créer un procédé de fabrication de fibre de carbone à moins de huit euros le kilogramme. Leaders de ce projet, nous espérons aboutir à une solution technique d'ici à deux ans et à une solution industrielle d'ici à quatre ou cinq ans. C'est un enjeu important nécessitant des ruptures technologiques significatives. Et encore une fois, ce n'est pas le seul enjeu des matériaux composites.

Vous avez fait allusion à l'impact de l'évolution de la fiscalité du diesel sur Faurecia. L'ensemble de l'industrie automobile est désormais convaincu que la part du diesel va baisser en Europe, et ce pour des raisons essentiellement économiques, car si le diesel reste une solution très favorable en termes d'émissions de CO2, le renforcement des normes d'émissions de polluants aura un impact très fort sur les petits moteurs diesel. Le diesel se maintiendra donc essentiellement sur les moteurs les plus puissants tels que les deux litres par tour et les V6. Faurecia n'étant pas particulièrement spécialisée dans le diesel, l'évolution précitée n'aura pas d'impact fondamental sur notre activité, raison pour laquelle nous sommes tout à fait neutres dans ce dossier.

Nous ne pouvons nous prononcer quant à la capacité des constructeurs à respecter les normes de real drive emissions. Nous avons néanmoins le sentiment qu'ils sont tous en mesure de parvenir aux prochaines étapes de normalisation, qu'il s'agisse du changement de cycle en 2017 ou de l'introduction du corporate average fuel economy (CAFE) en Europe en 2020-2021. La question se posera véritablement aux étapes ultérieures. La Commission européenne a en effet lancé une discussion relative à une nouvelle étape en 2025-2030 ainsi qu'un débat portant sur une fourchette de 68 à 78 grammes de CO2 contre 95 grammes en 2020-2021. La fixation d'un tel objectif supposerait certainement des ruptures technologiques importantes, notamment liées à l'usage de composites comprenant des fibres de carbone, tous les moyens aujourd'hui disponibles ayant été mis dans la balance pour atteindre l'objectif de 95 grammes. Un composite comprenant des fibres de carbone représente une économie de poids de 50 % par rapport à l'acier, à qualité mécanique comparable. On peut donc grâce à cette fibre gagner 100 à 150 kilogrammes sur une voiture, sachant que 10 kilogrammes représentent environ un gramme de CO2.

La cession de nos pare-chocs à Plastic Omnium n'implique nullement une spécialisation de notre activité, bien au contraire. Les constructeurs automobiles sont aujourd'hui à la recherche d'équipementiers globaux – ce que nous sommes déjà – et couvrant une plage relativement large du spectre des technologies automobiles. On peut même presque parler de déspécialisation.

Nous avons déjà parlé tout à l'heure des relations entre les équipementiers et les constructeurs. Elles sont de l'ordre du « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette » ou du « Je t'aime, moi non plus ». (Sourires.) Notre structure étant relativement intégrée sur le plan technologique, nous avons plus de sous-traitants que de relations avec des équipementiers de second rang. C'est d'ailleurs une des difficultés de la France : il y a quatre ou cinq grands équipementiers automobiles et quasiment personne derrière.

Il est, me semble-t-il, trop tard pour redresser cette situation, sauf à ce qu'un équipementier ait une capacité technologique extraordinairement forte.

Nous bénéficions d'environ 30 millions d'euros de crédit impôt recherche, versés en totalité au titre de la recherche que nous effectuons en France. Nous faisons dans ce pays environ un quart de notre recherche et développement, ce qui représente quelque 250 millions d'euros. Nous bénéficions donc de 12 à 13 % de crédit d'impôt. Hervé Guyot fera parvenir à Mme la rapporteure des chiffres plus précis.

Vous avez soulevé la question de la compétitivité de la France par rapport à celle de l'Allemagne, des États-Unis et de la Chine. Dans le secteur automobile, l'industrie et les marchés se structurent par grandes régions : l'Amérique du Nord, l'Europe et enfin, en Asie, la Chine, le Japon et la Corée. On ne compare donc jamais la compétitivité de la France à celle de la Chine. Nous n'exportons aucun produit de Chine vers l'Europe ni inversement : nous fabriquons de grosses pièces intransportables, tant pour des raisons de coût que pour des raisons logistiques. La compétitivité s'observe donc à l'échelle régionale. La France et l'Allemagne sont aujourd'hui assez proches à cet égard et sans doute la première est-elle un peu plus compétitive que la seconde. En Allemagne, les coûts se renchérissent significativement, tandis qu'en France les partenaires sociaux ont, depuis cinq ans, fait preuve d'un grand réalisme dans leur approche des coûts. C'est là une autre évolution remarquable de notre pays. Nous avons pour notre part signé quantité d'accords de compétitivité. Bien entendu, il ne faut pas demander d'efforts salariaux insupportables, mais les partenaires sociaux ont été très réalistes quant au temps de travail et à la flexibilité. Faurecia est une entreprise extrêmement décentralisée sur le plan social. Le dialogue social y est très actif à l'échelon local, est fondé sur un constat réaliste de la situation et la recherche de solutions tout aussi réalistes aux problèmes qui se posent – ce qui donne de vrais résultats. Même dans les pires difficultés, nous n'avons jamais calé dans nos relations sociales, quel que soit le site concerné.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la parité fiscale entre l'essence et le diesel n'est pas un enjeu pour nous.

L'inconvénient de la voiture autonome est le suivant : quels que soient les progrès réalisés sur la voiture, son fonctionnement nécessite, d'une part, que l'ensemble du parc soit équipé et, d'autre part, de fournir des investissements dans les infrastructures. Or, je ne vois pas par qui ces derniers vont être financés. Qui va payer 500 euros par feu rouge pour y installer une borne électronique ? Regardez également l'état des lignes blanches sur les routes françaises, même nationales : pour guider une voiture autonome sur une route, il faut au minimum que ces lignes blanches soient lisibles. Qui va payer pour qu'on les repeigne tous les deux ans et qu'elles soient détectables par une voiture autonome ? De tels investissements représentent des dizaines, voire des centaines de milliards d'euros. Je ne doute pas que Google soit capable de fabriquer une voiture qui sache jouer au go... Le problème n'est pas là. J'ai plutôt tendance à penser que la voiture autonome est un rêve.

Quant au débat sur la voiture électrique, il est presque clos. Malgré le déluge d'aides accordées, cette filière ne démarre pas, sauf là où les aides sont gigantesques. Cette voiture pose en outre des problèmes scientifiques – et non pas technologiques – qui ne sont pas près d'être résolus. On ne sait pas aujourd'hui fabriquer une batterie qui soit capable de stocker et de restituer de l'énergie de manière efficace et qui ait une durabilité suffisante. Cela étant, je ne suis pas un spécialiste de la question. Nos principaux axes de développement en matière de recherche et développement visent, d'une part, à la réduction des émissions d'oxydes de carbone – nous avons parlé tout à l'heure de la réduction du poids des véhicules et des systèmes de recyclage d'énergie à l'échappement – et, d'autre part, à la conception de la voiture connectée qui suppose une transformation du cockpit.

Vous avez évoqué l'interaction entre le constructeur PSA et l'équipementier que nous sommes : PSA étant pour nous un client comme les autres. Nous travaillons donc avec lui comme avec les autres. C'est un grand et un très bon client. Nous travaillons bien avec lui sans qu'il y ait de différence fondamentale avec la manière dont nous procédions auparavant.

Nous n'avons jamais bénéficié du FMEA. Nous en avons même été contributeurs, puisqu'une partie du fonds était destinée aux équipementiers de second rang.

Je crois avoir déjà répondu s'agissant des nouvelles étapes de normalisation prévues par l'Union européenne : elles impliqueront une rupture technologique à inventer. Nous n'avons pas conclu de partenariats de conception de véhicules autonomes. Le véhicule autonome nécessite essentiellement des capteurs – caméras, sensors, radars et nidars – et des logiciels, ce qui n'est pas du tout notre domaine. Nous sommes en revanche très impliqués dans la conception du véhicule connecté qui suppose la transformation du cockpit de la voiture.

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