Intervention de Stéphane Claireaux

Séance en hémicycle du 24 mars 2016 à 9h30
Action extérieure des collectivités territoriales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Claireaux :

Madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner la proposition de loi relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération de l’outre-mer dans son environnement régional, présentée par notre collègue Serge Letchimy. Si cette proposition de loi a pour vocation principale de permettre aux collectivités territoriales d’outre-mer, en raison de leurs spécificités et de leur éloignement géographique de l’hexagone, de renforcer leur coopération avec les collectivités ou États voisins, elle vise, plus largement, à développer l’action extérieure et la coopération des collectivités territoriales dans leur ensemble.

En effet, la coopération internationale concerne l’ensemble des collectivités territoriales, de métropole et d’outre-mer, et a partie liée au développement d’une véritable diplomatie territoriale de proximité. Aujourd’hui, près de 5 000 collectivités territoriales ou groupements mènent des actions de coopération avec des États ou des villes étrangères, pour un investissement annuel de l’ordre de 26 à 30 millions d’euros.

Vous le savez, les collectivités territoriales françaises ont toujours développé des partenariats avec les collectivités ou États étrangers voisins. La très grande majorité des communes françaises, même les plus petites, conduisent des jumelages ou des partenariats avec leurs voisins, mais aussi avec des États plus éloignés. Mais la coopération et l’action extérieure d’un pays relèvent, par principe, des prérogatives régaliennes de l’État. Elles sont donc mises en oeuvre par les services centraux de celui-ci, notamment par le ministère des affaires étrangères, l’État seul disposant du pouvoir de signer des traités internationaux et de mener la coopération avec les États étrangers. Aussi, face aux limites et obstacles auxquelles se heurtent les collectivités territoriales, les signataires de cette proposition de loi, au premier rang desquels notre rapporteur Serge Letchimy, souhaitent conférer la possibilité à ces collectivités d’agir à l’international.

Le chapitre Ier du texte vise ainsi à accorder à toutes les collectivités territoriales la possibilité de déroger à l’exclusivité de signature réservée à l’État, c’est-à-dire à permettre aux collectivités territoriales de conclure des conventions avec les États étrangers. Mais ces dérogations demeurent soumises à l’autorisation préalable de l’État.

Le chapitre II a trait, quant à lui, à l’extension de la coopération et de l’action extérieure des collectivités territoriales, à destination plus spécifiquement des collectivités territoriales d’outre-mer. L’objet de ce deuxième chapitre est d’étendre les possibilités, aujourd’hui trop limitées, pour les outre-mer, de coopérer avec les États ou collectivités voisines. Actuellement, à titre d’exemple, la région Guadeloupe, présidée par notre collègue Ary Chalus, n’a pas la possibilité de mener des actions individuelles de coopération avec le continent américain, malgré leur proximité géographique. Les récents débats législatifs qui ont amené à rationaliser l’organisation de l’université des Antilles doivent nous inviter à redonner, maintenant, un véritable contenu politique à cette région, qui ne peut être qu’une simple zone géographique. De la même manière, La Réunion ne peut coopérer avec l’Inde ou le continent africain, alors qu’elle peut le faire avec Madagascar. Qu’en est-il de Maurice ? Comme peuvent le regretter les députés réunionnais, au premier rang desquels notre collègue Thierry Robert, La Réunion n’a pas la possibilité de discuter et de signer des accords avec Maurice, malgré la proximité géographique entre ces deux îles, l’État français étant le seul à disposer de cette prérogative. Or, cette absence de coopération plus poussée entre îles voisines freine le développement économique de La Réunion.

Pour ce qui concerne les territoires régis par l’article 74 de la Constitution, comme l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, les règles sont différentes. Si les possibilités de coopération sont plus étendues dans la lettre du statut tel qu’issu de la révision de 2007, ces compétences ne semblent pas accompagnées des moyens humains, administratifs et financiers correspondants et nécessaires à leur plein exercice. Aussi, aujourd’hui, à défaut de demande exprimée par le conseil territorial, nous resterons à la marge des avancées importantes que prévoit le texte pour les régions et départements d’outre-mer, notamment s’agissant de la compensation financière des compétences accordées, du statut diplomatique des agents des collectivités, et des conditions matérielles, dont le régime indemnitaire pour l’exercice des missions à l’international. Le constat est pourtant le même que dans les autres outre-mer : il est important de permettre à nos territoires de négocier directement avec les États voisins, cette relation directe permettant un travail plus simple et efficace. C’est ainsi que le chapitre III qui, selon le rapporteur, contient les dispositions centrales et primordiales du texte, vise à conférer la possibilité aux collectivités territoriales d’outre-mer de signer des engagements internationaux avec des États ou des collectivités étrangères.

Pour pouvoir être reconnue, cette coopération doit être proposée dans le cadre de la mandature de l’exécutif d’un département, d’une région ou d’une commune et elle doit être encadrée dans un programme-cadre de coopération, permettant de doter l’exécutif d’un droit d’initiative global et territorialisé de coopération. Ce pouvoir de coopération permettra à la collectivité territoriale de négocier et de travailler à l’exécution de chaque programme dans le détail, chaque action de coopération étant précisée et faisant l’objet d’une autorisation spéciale. L’autorisation de coopération de la collectivité territoriale serait accordée par le représentant de l’État sur place et le ministère des affaires étrangères, le rapporteur ayant précisé que cette double autorisation vise à assurer la sécurité de la demande, à éviter les complexités et à permettre d’assurer la crédibilité des collectivités territoriales ayant vocation à coopérer.

À l’occasion des débats en commission, il a été précisé à plusieurs reprises que l’objet du texte n’était pas de permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de se substituer à l’État en matière d’engagements internationaux de la France ou de signatures de traités. Les auteurs de cette proposition de loi ont précisé qu’ils n’entendaient pas poser un acte d’indépendance des collectivités d’outre-mer vis-à-vis de la métropole. Au contraire, l’objet affiché du texte est de créer des dynamiques de coopération en matière culturelle et sportive, mais aussi de recherche et développement, de développement économique et agricole et de protection de l’environnement, ce que la richesse patrimoniale des outre-mer justifie pleinement.

Il est essentiel de permettre une multiplication des échanges et de développer l’attractivité de la France qui, à travers ses territoires ultramarins, demeure un pays unique au monde, le seul à disposer de territoires dans les trois principaux océans et sous toutes les latitudes. Cette représentation diversifiée de la France sur le globe est une chance, notamment en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Enfin, le chapitre IV vise à clarifier le statut des agents des collectivités territoriales placés auprès des ambassades ou organismes internationaux. Dans le cadre de la coopération régionale des collectivités territoriales d’outre-mer, il leur a été reconnu la faculté de placer des représentants dans les ambassades des pays tiers. Or, ces agents n’ont aucun statut. Si l’objet du texte n’est pas de doter les agents territoriaux d’un statut identique au statut des représentants de l’État auprès des ambassades ou consulats, les collectivités territoriales responsables souhaitent doter leurs représentants d’un véritable statut afin de les protéger et de ne pas engager la responsabilité des présidents des collectivités territoriales concernées.

Je me permets en outre de revenir, s’agissant de Saint-Pierre-et-Miquelon, sur une demande formulée il y a peu auprès des services de Matignon pour qu’un poste de conseiller diplomatique soit créé auprès du préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon, afin de pallier l’absence d’ambassadeur délégué ou de commissaire au développement endogène dans notre collectivité. C’est une demande, madame la ministre, que je me permettrai d’adresser également à vos services.

Il apparaît aussi que la coopération avec des collectivités ou des États étrangers est un véritable atout pour la France qui, grâce à la multitude de ses territoires ultramarins, dispose d’un véritable potentiel en matière de développement économique et d’attractivité du territoire.

Aussi, pour finir, et vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

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