Intervention de Huguette Bello

Séance en hémicycle du 24 mars 2016 à 9h30
Action extérieure des collectivités territoriales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, réintégrer son environnement géographique, c’est un défi singulier que peu de territoires ont à relever. C’est le pari inédit que les régions d’outre-mer doivent désormais réussir.

En quelques décennies, sous l’effet conjoint d’un État centralisateur et des indépendances dans un contexte de guerre froide, nos régions se sont éloignées de leur voisinage. La Réunion s’est détournée de l’océan Indien. Ce temps est révolu. Aujourd’hui, de manière unanime, il est admis que le développement des outre-mer passe obligatoirement par leur pleine réintégration régionale. Pas un rapport, pas un article, pas une intervention qui ne plaide en faveur d’une ouverture régionale et du co-développement.

Certes, des actions de coopération ont vu le jour. Certes, des avancées législatives accompagnent ce mouvement consensuel, notamment la loi d’orientation sur l’outre-mer votée sous le gouvernement Jospin en 2000 ou, plus récemment, les lois de 2014. La marge de progression reste néanmoins importante. Peu d’accords ont été signés par les collectivités de La Réunion et leur adhésion aux ensembles régionaux n’est toujours pas acquise, à l’inverse de ce qui se passe aux Antilles.

Deux épisodes illustrent les hésitations et les instabilités que provoque la situation actuelle. Le premier a pour théâtre la Commission de l’océan Indien, la COI, qui vient de passer sous présidence française. Lors du trente et unième conseil des ministres, qui s’est tenu à La Réunion il y a à peine un mois, seule la France a pu s’exprimer de manière officielle au lieu de la traditionnelle délégation France-La Réunion, pourtant souvent conduite dans le passé par la présidence du conseil régional. Le second point concerne l’IORA – Indian ocean rim association, association des pays du pourtour de l’océan Indien –, une des principales organisations régionales dans l’océan Indien. La Réunion n’est pas représentée en son nom propre tandis que la France est adhérente depuis 2001 en tant que partenaire du dialogue aux côtés des États-Unis, de la Chine, du Japon ou encore, depuis 2015, de l’Allemagne. Ni la demande de la France pour devenir membre de plein droit ni celle de La Réunion pour adhérer en qualité de membre associé n’ont pour l’heure abouti. Par conséquent, au sein de cette organisation, les Réunionnais sont les seuls riverains de l’océan Indien à ne pas être présents en tant que membres.

Remédier à cette situation est d’autant plus urgent que La Réunion est, depuis 2014, autorité de gestion des fonds européens pour la coopération. En outre, dans un contexte en pleine évolution, permettre aux outre-mer d’accéder à une véritable diplomatie de proximité devient primordial. L’Asie, l’Afrique, l’Inde sont les nouveaux centres de développement et de croissance. La Réunion peut-elle raisonnablement rester en marge des nouvelles configurations qui émergent ?

La « Tripartite », traité de libre-échange signé en Égypte en juin dernier, est passée quasiment inaperçue en France. Pourtant, cet accord, qui réunit en un seul et vaste marché unique trois ensembles commerciaux africains, qui concerne vingt-six pays d’Afrique de l’Est et qui représente 625 millions d’habitants, concerne au plus haut point La Réunion. Je ne multiplierai pas les exemples et les chiffres. Notons simplement que tous les acteurs et toutes les évolutions convergent pour que la géographie et la politique ne s’opposent plus. La nouvelle donne géopolitique nous invite fortement à travailler pour que l’intégration à l’Europe et l’appartenance à l’océan Indien se renforcent mutuellement.

Le texte que nous allons voter va incontestablement en ce sens. Dans le respect des fonctions régaliennes et du cadre constitutionnel actuel, il élargit les périmètres géographiques, mais surtout desserre les limites juridiques qui, souvent, entravent l’action extérieure des collectivités territoriales d’outre-mer.

Cependant, pour qu’une diplomatie régionale puisse vraiment se déployer, en particulier sur le plan économique, il est nécessaire qu’elle s’exerce dans un contexte plus favorable. À cet égard, trois pistes méritent d’être approfondies : premièrement, une prise en considération plus précise des projets et des réalisations des régions d’outre-mer dans les décisions d’investissements de la France dans les pays proches des régions d’outre-mer ; deuxièmement, une meilleure articulation des crédits du Fonds européen de développement – FED – destinés à nos environnements géographiques et des programmes du Fonds européen de développement régional – FEDER –, qui financent les projets des régions européennes donc des régions ultrapériphériques ; troisièmement, la réalisation systématique d’études d’impact préalables pour prendre en compte les spécificités des régions ultrapériphériques dans la signature des accords commerciaux entre l’Europe et les pays de nos environnements géographiques. Nous ne devons pas vivre à nouveau le scénario des accords de partenariat économique, les APE.

On l’a compris, le développement économique de nos territoires et la création d’emplois durables passent nécessairement par les retrouvailles avec leurs espaces géographiques. Surtout, cette insertion régionale ne doit plus être pensée sur le mode défensif ou concurrentiel. C’est par l’affirmation de nos compétences, de nos expertises et de nos savoir-faire dans les champs les plus variés – je pense non seulement à l’économie bleue, aux énergies renouvelables, à l’économie de la connaissance, à la santé mais aussi au BTP et à l’agriculture – que nous jouerons la partition la plus juste sur la scène mondiale.

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