Intervention de Philippe Gosselin

Séance en hémicycle du 24 mars 2016 à 9h30
Proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, je me souviens avoir dit, lors de la première lecture, combien ces deux propositions de loi m’apparaissaient avant tout comme une occasion manquée.

À la lumière de l’échec de la CMP, je trouve désormais que nous sommes face à deux textes assez embarrassants, pour des raisons de forme comme de fond.

Certes nous reconnaissons que certaines règles relatives aux élections, notamment présidentielles, doivent être repensées voire modernisées. Ainsi, madame la secrétaire d’État, nous soutenons comme vous la publication de l’intégralité de la liste des élus qui parrainent un candidat à la présidentielle, solution plus juste et plus transparente que celle de cinq cents noms tirés au sort.

De même, nous avions proposé avec vous, dès la première lecture, qu’il soit possible de transmettre les parrainages par voie électronique, en plus de la voie postale. On nous dit aujourd’hui qu’une telle dématérialisation serait compliquée à mettre en place. De toute façon il ne s’agit pas d’un sujet majeur.

Il reste que ces deux textes sont embarrassants. Pour preuve, il n’a pas fallu à la commission mixte paritaire plus d’un quart d’heure pour échouer sans qu’une véritable envie d’aboutir se soit manifestée, me semble-t-il. Cela montre bien que le sujet n’est pas si consensuel que cela

C’est embarrassant, parce que, quoi que vous en disiez, le calendrier retenu conduit à modifier des règles aussi fondamentales que les modalités de transmission des parrainages au Conseil constitutionnel à un an des élections présidentielles. Or nous savons tous, mes chers collègues, que ces élections ne sont, dans le paysage institutionnel français, comparables à aucune autre. Elles sont tout à fait particulières et les procès en sorcellerie peuvent vite arriver.

C’est embarrassant, parce qu’un certain flottement règne, depuis le début de l’examen du texte, sur vos intentions réelles. Or, comme le disait une fameuse édile, « quand c’est flou c’est qu’il y a un loup. » En l’occurrence la question se pose effectivement.

Enfin, c’est embarrassant parce que nous allons découvrir que certaines règles que vous présentez comme anecdotiques ne le sont pas nécessairement.

Je pense aux horaires de fermeture des bureaux de vote pour les seules élections présidentielles, – mais peut-être vos derniers propos, madame la secrétaire d’État, ont-ils clos le sujet. Il ne s’agit pas pour nous de faire preuve du moindre dogmatisme, comme le prouvent les nombreux échanges que nous avons eus avec nos collègues sur cette question, qu’ils soient de droite ou de gauche. Si clivage il y a, il oppose plutôt les élus de circonscriptions rurales à ceux de circonscriptions à dominante urbaine.

Je crois, madame la secrétaire d’État, que le maintien du statu quo, que vous venez de proposer, est la solution la plus sage. Toute autre risquerait de perturber trop d’habitudes. Honnêtement je crois qu’il sera très difficile d’expliquer que les bureaux de vote fermeront à dix-neuf heures pour l’élection présidentielle et qu’à peine un mois après, pour les élections législatives, ils fermeront à dix-huit heures à certains endroits, vingt heures à d’autres. Il semble que le débat est désormais clos. J’en prends acte et voterai votre amendement.

Je pense aussi, voire surtout, à la régulation des temps de parole des candidats officiels à l’élection présidentielle durant la fameuse période intermédiaire, et je voudrais insister davantage sur ce point.

La question est celle du temps de parole accordé par les médias audiovisuels aux candidats à l’élection présidentielle depuis la publication de la liste des candidats jusqu’au début de la campagne officielle. Il s’agit donc des quelques semaines qui précèdent la quinzaine de jours de campagne officielle et au cours desquelles interviennent dans les médias les candidats officiels, dont la liste a été validée par le Conseil constitutionnel et publiée au Journal officiel.

L’article 4 de la proposition de loi organique vise à remplacer durant cette période la règle d’égalité stricte des temps de parole, actuellement en vigueur, par un principe d’équité. J’aurais tendance à vous renvoyer à l’Ancien régime – si je ne craignais qu’on y voie un mauvais clin d’oeil –, à cette époque où la tenue de lits de justice traduisait la méfiance à l’égard des parlements et de l’équité – même si le terme de Parlement n’avait pas le sens qu’il a aujourd’hui. Reste un doute sur cette équité.

Deux arguments sont avancés pour justifier ce changement. L’égalité stricte serait trop difficile à mettre en oeuvre par les médias – ce qui n’est pas faux – au point de dissuader certaines chaînes d’organiser des débats et de conduire in fine à une réduction du temps médiatique consacré à la campagne présidentielle. Autrement dit l’intérêt général serait trop complexe à respecter pour que les médias s’y soumettent. C’est quand même un peu fâcheux, même s’il faut sans doute tenir compte de cette réalité médiatique.

Le fait est qu’il n’est pas tout à fait logique qu’en dehors du temps de campagne officielle, de petits candidats bénéficient du même temps de parole qu’un président sortant.

Quand même on souscrirait à l’équité des temps de parole, cette solution appelle plusieurs commentaires.

Les modalités que vous nous proposez sont bien curieuses et à tout le moins complexes.

Première remarque : à la différence de demain peut-être, la règle en vigueur, c’est-à-dire celle de l’égalité et non de l’équité, est l’effet d’une recommandation du CSA, prise après avis du Conseil constitutionnel. Et on demanderait à la loi, muette jusqu’à présent, d’en disposer autrement.

Si les choses étaient aussi simples que certains d’entre vous tentent de le faire croire, ne pourrait-on pas demander au CSA une nouvelle recommandation qui afficherait clairement les règles ?

Je rappelle par ailleurs que le Conseil constitutionnel a changé d’opinion sur ce sujet. Dans un avis qui n’a pas été publié de novembre 2011, il s’était justement opposé à la suggestion du CSA d’appliquer le principe d’équité des temps de parole après la publication de la liste des candidats, « en l’état du droit ». Cette formulation pouvait certes ouvrir la porte à des changements.

C’est postérieurement, dans ses observations de 2012 relatives à la présidentielle passée, et devant les difficultés récurrentes rencontrées par les médias, que le Conseil constitutionnel a estimé qu’il « appartient au législateur organique, s’il entend maintenir un dispositif qui permet la présence au premier tour de scrutin de candidats recueillant peu de suffrages, de se prononcer sur l’organisation de la campagne électorale audiovisuelle. En l’état de la législation, une fois la liste des candidats publiée, elle ne peut se fonder que sur l’égalité entre les candidats. »

Même si le Conseil constitutionnel suggérait que le législateur pouvait prévoir d’autres modalités, lever cette difficulté organique n’est concevable qu’à charge d’un autre rééquilibrage, d’où l’introduction nouvelle, en période intermédiaire, de ce que le CSA a nommé les « conditions de programmation comparables ». Il faut entendre par là que deux minutes au journal de treize heures ne valent pas deux minutes au journal de vingt heures…

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