Intervention de Professeur Pierre Carli

Réunion du 16 mars 2016 à 16h00
Commission d'enquête relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier

Professeur Pierre Carli, directeur médical du SAMU de Paris, chef de service au département d'anesthésie-réanimation de l'hôpital universitaire Necker-Enfants-Malades, président du Conseil national de l'urgence hospitalière :

Je ferai mon possible, monsieur le président, mais je pense que je traiterai de nombreuses questions. Mon exposé sera complémentaire de celui du général Boutinaud et, comme lui, je pense que, le vendredi 13 novembre 2015, s'est produit le plus grave attentat, en France, depuis la seconde guerre mondiale. Le bilan humain est horrible : 130 morts, 350 blessés. Il est évident que les victimes, leurs familles et de nombreuses personnes se posent des questions. Nous allons tâcher de leur expliquer notre action, de répondre à leurs attentes, et nous vous remercions de nous donner l'occasion de le faire dans un cadre solennel.

Notre mission de médecins est simple : nous sommes au service des victimes. Au quotidien, à Paris et dans la région Ile-de-France, on compte huit SAMU ; chacun d'eux a une régulation médicale, c'est la loi, et chacun déploie soixante équipes de réanimation médicale. Le SAMU de Paris, ou SAMU 75, reçoit environ 800 000 appels au 15, dispose de neuf équipes médicales et procède à quelque 13 000 interventions médicalisées par an. De garde, à savoir le soir, comme le vendredi 13 novembre dernier, nous avons six équipes de service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR), deux équipes pédiatriques, deux médecins régulateurs et quatre assistants de régulation médicale qui répondent au téléphone. En cas de catastrophe, le SAMU de Paris est chargé de coordonner l'action des sept autres SAMU de l'Ile-de-France.

Comme l'a rappelé le général Boutinaud, le précédent attentat remonte à il y a vingt ans. Il y était et moi aussi. La bombe qui a explosé à la station RER de Port-Royal a fait ce soir-là soixante-dix victimes dont douze urgences graves. Sur place, nous étions plus de 300 et, en moins de deux heures, dix-sept hôpitaux recevaient l'ensemble des victimes. Il y avait pour une victime trois ou quatre personnels de santé et de secours.

En vingt ans, les choses ont bien changé avec l'apparition de l'hyper-terrorisme. Je tiens à rappeler trois points marquants que le général a mentionnés : à Madrid, en 2004, survient un attentat multisites à la bombe ; à Londres, en 2005, un attentat multisites également et là aussi dans les transports ; à Bombay, en 2008, un attentat multisites encore, utilisant tous les moyens possibles pour causer le maximum de victimes. L'analyse de ces attentats, de leur déroulement, les multiples contacts que nous avons eus avec nos collègues des autres pays nous ont conduits à élaborer de nombreux plans : le plan matriciel de prise en charge des attentats multi-sites dans les transports – c'est le plan de la préfecture de police qui prévoit deux instructions, celle des pompiers, le plan rouge alpha, et le plan zonal des SAMU, surnommé « plan camembert », appellation que le préfet de police de l'époque n'avait pas beaucoup appréciée…

Ce plan coordonne les huit SAMU, divise la région Ile-de-France en secteurs et nous permet donc d'éviter l'accumulation des moyens médicaux sur un seul site, d'avoir un engagement raisonné et de sectoriser nos forces - pour les équipes SMUR, la petite couronne vient immédiatement renforcer Paris et la grande couronne renforce, pour sa part, la petite couronne -, mais aussi de sectoriser les hôpitaux. Cela est très important pour comprendre comment nous avons organisé l'évacuation vers l'hôpital. Dans chaque secteur, des hôpitaux sont en effet présélectionnés, ce qui évite, au cours d'un événement évolutif comme un attentat, que n'apparaissent des zones blanches, c'est-à-dire sans secours médicaux ou sans hôpitaux disponibles.

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